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James Rophe, supporter militant

Propos recueillis par Nicolas Hourcade
James Rophe, supporter militant

À l’annonce du décès de James Rophe (44 ans, porte-parole des supporters parisiens et français) le 29 avril, les hommages se sont multipliés dans le monde du football. De la part du PSG et de ses fans, mais aussi des supporters de tout le pays, de la ministre des Sports, de la LFP, de joueurs ou de journalistes sportifs. Ceux qui l’ont connu le racontent, et expliquent le rôle essentiel qu’il a joué pour les supporters dans les années 2010. Premier volet : ses galères et combats parisiens.

Printemps 2010. À la suite de la mort de Yann Lorence, un habitué du kop de Boulogne, lors d’affrontements avec des ultras du virage Auteuil, le président du PSG, Robin Leproux, soutenu par les pouvoirs publics, met en place un plan pour apaiser les tensions : suppression provisoire des abonnements et placement aléatoire en virage (un supporter ne peut pas savoir s’il sera placé à Boulogne ou à Auteuil) en sont les mesures phares.

Été 2010. Estimant que l’ensemble des supporters des deux virages sont écartés à cause des violences d’une minorité, des supporters parisiens mécontents fondent l’association « Liberté pour les abonnés » (LPA). Jusque-là simple abonné à Auteuil et adhérent aux Lutèce Falco, James fait partie des fondateurs de LPA.

Été 2011. Avec l’arrivée des actionnaires qataris à la tête du PSG, Robin Leproux quitte la présidence du club. Le « plan Leproux » prend alors une autre tournure, visant à écarter systématiquement des tribunes les groupes de supporters et les fans contestataires. Face à la répression de leurs actions, les fondateurs de LPA créent en 2013 l’Association de défense et d’assistance juridique des interdits de stade (ADAJIS). James en devient porte-parole.

2015-2016. Nasser Al-Khelaïfi est déçu par l’ambiance trop morne du Parc. Il charge les dirigeants du club et ses conseillers de trouver une solution pour permettre le retour des ultras au Parc en préservant la sécurité. James fait partie des quelques supporters menant ces négociations, qui aboutissent à l’installation du Collectif Ultras Paris (CUP) dans le virage Auteuil en octobre 2016.

Quatre témoins, supporter, journaliste, avocat et référent supporters du PSG, racontent les « années de galères et de combats » (paroles d’une chanson du CUP) qu’a connues James pour faire revenir les ultras au Parc.


Mika, Collectif Ultras Paris : « Un frère, toujours « déter’ » »

Mika, leader de LPA et membre du bureau du CUP, parle de son ami James au présent.

« James, c’est un frère. On a fait partie des fondateurs de LPA, à l’été 2010. Avant, il était côté Lutèce et moi côté Supras, on ne se connaissait pas. On s’est retrouvés autour de la volonté de rassembler un maximum de monde contre le plan Leproux. C’est un combat qu’on a mené main dans la main au quotidien. En 2013, on a créé l’ADAJIS, dont il était porte-parole et moi président. La manifestation nationale des ultras à Montpellier en 2012, on l’a faite ensemble, comme la réunion à Clermont qui a débouché sur la création de l’Association nationale des supporters. Les premières discussions avec le PSG pour évoquer les conditions de retour au Parc, on les a menées ensemble aussi. James, c’est un exemple pour moi. Il est têtu dans le bon sens – je ne peux pas parler de lui au passé. Quand il a un objectif, une ligne droite à respecter, il ne lâche pas le morceau, il ne dévie pas. On est tous les deux syndiqués. Que tu défendes le personnel ou les supporters, ce sont les mêmes valeurs que tu mets en avant : se battre pour les gens avant tout. »

« Il se bat pour ses convictions, avec à chaque fois des victoires. Le plan Leproux, il a démontré que ce n’était pas la solution. Avec ADAJIS, il a démontré que ce que faisait le PSG à notre encontre pour nous écarter du Parc était illégal. Dans les discussions avec le PSG en 2016, il ne voulait pas revenir pour revenir au Parc : il voulait apporter un cadre pour que les ultras reviennent dans de bonnes conditions, pour que les relations entre le club et les ultras soient claires. Il est à fond, il est toujours « déter’ ». C’est ça que je retiens, il est déterminé. Le seul combat qu’il a perdu, c’est contre la maladie, mais, là encore, il s’est bien battu. Au début, quand on a lancé LPA, on était considéré comme des parias, on risquait d’être interdits de stade, d’être suivis par les RG. Il a tout fait pour faire entendre notre voix dans les médias, pendant longtemps de manière anonyme pour que ça ne lui cause pas de tort. Et puis, avec l’ADAJIS, avec le soutien d’avocats dans l’association, il s’est senti autorisé à s’exprimer publiquement. Et il est devenu une figure à Paris. Tout le monde l’apprécie à Paris. Quand tu connais la diversité des groupes à Paris et les tensions qui peuvent exister entre eux, c’est un exploit. En France, tout le monde l’apprécie aussi, on a reçu des messages de partout depuis l’annonce de sa mort, de Bastia, de l’étranger aussi. C’est un grand homme, apprécié par beaucoup de monde, qui s’est engagé dans des causes et les a fait triompher. C’est important que ses trois filles le sachent. »


Anthony Cerveaux, journaliste : « Une source précieuse »

Avant de partir vers d’autres horizons professionnels, Anthony Cerveaux était journaliste. Il a été l’un des premiers à couvrir les actions des supporters parisiens contestant le plan Leproux, ce qui l’a amené à avoir James comme interlocuteur privilégié entre 2011 et 2014, avant que celui-ci écume les plateaux des radios et des télévisions pour porter la voix des supporters.

« J’ai rencontré James un jour d’automne 2011 à Javel. Quelques membres de LPA s’étaient regroupés dans le parc André-Citroën pour échapper à la vigilance des forces de l’ordre et se rendre au Parc discrètement par petits groupes. Il était tendu, c’était l’une des premières actions menées à l’intérieur du Parc après le plan Leproux. C’était l’époque du placement aléatoire en virage, LPA avait réussi à récupérer des dizaines de billets pour Auteuil. En compagnie d’autres groupes contestataires, ils s’étaient rassemblés pour lancer des chants dans un stade aux allures de cathédrale. Paris s’était incliné 1-0 contre Nancy. À la fin de la soirée, il était satisfait de ce tour de force : le message avait été passé au Parc, au club et aux joueurs que l’ambiance provenait des supporters les plus fervents. Avant de nous séparer, il m’avait glissé :« On ne demande pas de traitement de faveur, mais on ne veut pas de loi d’exception qui criminalise les ultras. Pour nous, le citoyen prend le pas sur le supporter. C’est avant tout en tant que citoyens qu’on est là, pour défendre nos libertés face à des mesures de plus en plus liberticides. »  »

« Quelques jours plus tard, on s’était revu longuement dans un bar à Denfert-Rochereau. Il m’avait raconté son histoire, celle d’un supporter parisien abonné au virage Auteuil depuis 1995. Il m’avait livré ses meilleurs souvenirs : la finale de Coupe des coupes à Bruxelles contre le Rapid de Vienne et puis les adieux de Raí au Parc en avril 1998, duquel il tirait ses pseudos sur les réseaux sociaux. La confiance s’était nouée à ce moment-là. J’étais pigiste àSo Footqui était l’un des seuls médias, pendant cette période, à s’intéresser à la situation des supporters parisiens contestataires. De contestataires, ils étaient vite devenus indésirables aux yeux du PSG et des pouvoirs publics. James n’a pas ménagé sa peine pour le prouver. Il laissait à d’autres le mégaphone et les harangues, lui était un infatigable travailleur de l’ombre : il récupérait les courriers envoyés par le PSG à des supporters dont l’abonnement avait été résilié pour des motifs bancals, démarchait des avocats pour contester les interdictions administratives de stade, alertait les instances du foot sur les irrégularités de billetterie du PSG et allait même jusqu’à enregistrer les stadiers à leur insu pour avoir des preuves de ce qu’il avançait… Il était une source intarissable et précieuse, qui faisait remonter de nombreux sujets pour nos articles, grâce à ses informations ou à ses contacts. Jusqu’en 2014, il est toujours apparu, à sa demande, de façon anonyme ou en off dans mes papiers, tant il redoutait de se retrouver sur la liste des supporters indésirables tenue par le PSG. La manière avec laquelle le PSG lui a rendu hommage témoigne que son combat n’a pas été vain. »


Cyril Dubois, avocat : « En 2016, James a rassuré les dirigeants du PSG »

Cyril Dubois est avocat et supporter du PSG. Il s’est impliqué avec James dans l’ADAJIS, l’association défendant les droits des supporters qui voulaient pouvoir se rassembler dans les tribunes pour soutenir leur club de cœur.

« La manière dont le plan Leproux a été mis en place m’a choqué. Je voyais que les supporters qui contestaient le plan étaient maltraités par le club, les autorités, les médias. En tant qu’avocat, ces méthodes m’ont semblé illégales. Je me suis dit que le PSG devait avoir une liste noire de supporters indésirables. J’ai monté une première procédure auprès de la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Puis, il y a eu l’affaire des places annulées pour des supporters parisiens à Évian en 2013. À cette occasion, j’ai rencontré les leaders de ces supporters, dont James. J’ai vu qu’il comprenait vite les choses, qu’il avait une vision. Il était convaincu de la nécessité de mener des actions juridiques. Il m’explique alors qu’il faut structurer les actions, ce qui débouche sur la création d’ADAJIS. Avec Pierre Barthélemy, nous sommes les seuls avocats à les défendre. James m’alerte sur les risques que je prends en m’engageant auprès d’eux : les autorités sont contre nous, la presse est contre nous, tout le monde prétend que les supporters contestataires sont violents… »

« Un jour où nous nous rendons tous les deux à la Ligue des droits de l’homme, je réalise qu’on a grandi dans la même ville, Montmorency, qu’on a joué dans le même club, qu’on prenait le même chemin pour aller au Parc… J’ai découvert le James avec qui tu peux avoir des discussions profondes, des prises de bec sévères aussi, mais toujours argumentées. En septembre 2016, on gagne au tribunal d’instance du seizième arrondissement contre le PSG qui avait illégalement annulé les places de certains supporters. On va chercher le jugement tous les deux, je découvre qu’on a gagné, je propose de boire une bière pour fêter ça, mais James était déjà dans le coup d’après, il voulait tout de suite préparer un communiqué, continuer à avancer. Les premières discussions qu’on a, Romain [l’actuel président du CUP], Mika, Pierre, James et moi, avec les dirigeants du PSG pour permettre le retour des ultras au Parc sont empreintes d’une grande méfiance réciproque. En étant cadré et pondéré, James a contribué à rassurer le club, à leur faire comprendre qu’on n’était pas des hurluberlus, qu’on ne voulait pas revenir à la situation d’avant 2010 et qu’au contraire, on voulait construire un cadre structuré pour ramener l’ambiance au Parc sans la violence. James leur a montré qu’on voulait construire un nouveau modèle. Aujourd’hui, quand je regarde les relations de confiance entre le CUP et le club, je me dis qu’on a réussi à construire ce modèle et que James peut en être fier. »


Malik Nait-Liman, PSG : « James était un visionnaire »

Ancien policier, amateur du PSG de longue date, Malik Nait-Liman est référent supporters du PSG depuis 2018 : avec Clément Laborieux, il est chargé de gérer les relations entre le club parisien et ses supporters, notamment le CUP. Avant sa prise de fonctions au PSG, il avait échangé avec James lors des discussions visant à permettre le retour des ultras au Parc, qu’il avait suivies avec attention.

« Pour moi, James était un ami, avant d’être un acteur majeur du supportérisme parisien et français. C’était un amoureux du football, du PSG et du mouvement ultra. Il a eu un parcours de supporter remarquable. Il a été aux Lutèce Falco, un groupe qui faisait l’unanimité. Il a défendu les intérêts des supporters, sans se mettre personnellement en avant. Il était légitime, en tribune et auprès du club. Dans le cadre de mon travail au PSG, il fait partie de ceux avec lesquels j’ai eu le plus d’accrochages et, je l’en remercie, parce qu’il m’a permis de me remettre en question à plusieurs reprises. Souvent, il voyait juste. C’était un visionnaire, il avait un temps d’avance sur tout le monde. Il a très vite compris qu’il fallait construire un cadre pour mettre tous les acteurs du foot en relation et créer une synergie favorable à notre sport et aux supporters, comme en Allemagne ou dans les pays du Nord de l’Europe. Il était pragmatique, il avait besoin de cadrer les choses. Il avait réfléchi sur le sujet, il savait où il fallait aller et parfois il était agacé que ça n’aille pas assez vite ou pas dans la bonne direction. »

« Nous nous sommes rencontrés pendant la période de conflit entre le PSG et les supporters contestataires. On a œuvré ensemble pour renouer le lien avec le club. En 2016, le CUP est arrivé avec un projet rassurant. James a insisté auprès des dirigeants sur la nécessité de cadrer les relations, il a proposé une convention entre le PSG et le CUP. C’était difficile de ne pas être convaincu. La manière dont nous fonctionnons aujourd’hui correspond largement à ce qu’il avait imaginé. Quand j’ai intégré le club, je me suis beaucoup appuyé sur lui. J’ai sollicité son avis sur des projets, parce qu’on se faisait confiance. Il ne m’a jamais trahi. Malgré la dureté de sa maladie, il n’a jamais lâché le PSG et les dossiers liés aux supporters. Je le revois à Dortmund en février, fatigué, mais heureux d’être là et de partager ce déplacement avec toute la communauté parisienne. »

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