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James Rodríguez, retour de revolver
Très bon et passeur décisif lors de la manche aller à Munich, James Rodríguez s’apprête désormais à retrouver le Bernabéu, où il n’a plus foutu les pieds depuis mai 2017. Et attention : le Colombien a retrouvé le sourire et est redevenu féroce.
Au lendemain d’une énième virée transformée en coup de force, début février, Jupp Heynckes a décidé de fracasser en deux sa réserve sur les jugements individuels. Cette fois, c’était l’heure, alors le vieux sage de Mönchengladbach a laissé ses yeux pétiller : « Lorsqu’il est à ce niveau, c’est un don du ciel. » Rien de moins, en effet : lors du voyage précédent, à Mayence (0-2), l’outil en question venait de nouveau de briller de mille feux tout en avalant au passage un but pour la forme. Autre chose, Jupp ? « Oui, c’est un plaisir pour un entraîneur de posséder un joueur comme ça et je pense qu’à Madrid, il ne disposait pas du temps de jeu nécessaire à un élément d’un tel calibre. Aujourd’hui, on voit qu’il est heureux ici, à Munich. Il joue bien, avec confiance, mais je lui ai dit qu’il pouvait encore être meilleur. Et je lui ai dit personnellement ce qu’il devait faire pour y arriver. » Dans la forme, James Rodríguez est pourtant toujours le même : souriant balle au pied, mystérieux et silencieux une fois le short rangé. C’est paradoxal, mais humain, et Heynckes a refusé de s’en cacher : l’été dernier, c’est au fond des chaussettes que le Bayern a récupéré le meilleur buteur de la Coupe du monde 2014.
Le retour du métronome
Fin du processus : James est redevenu James, pour le meilleur. Dans les chiffres, d’abord, le DJ colombien plane au-dessus d’une saison à six buts et treize passes décisives toutes compétitions confondues. Malheureusement, la dernière, lâchée à Joshua Kimmich pour ouvrir le score face au Real (1-2) lors de la demi-finale aller de la Ligue des champions n’a pas suffi, mais l’important est loin des bulletins. Car en Allemagne, James Rodríguez est surtout revenu au centre du jeu, devenant rapidement le métronome d’un Bayern qui a retrouvé son style grâce à la reprise en main de Jupp Heynckes début octobre. Dans la disposition, le Colombien est alors aux manettes d’un 4-2-3-1 ou d’un 4-1-4-1, où son entente avec Arturo Vidal est ravageuse. C’est peut-être ce qui a manqué au Bayern mercredi dernier à l’Allianz Arena, Vidal étant absent jusqu’à la fin de saison, dans une manche aller où l’étoile gominée a porté les siens aux côtés de Franck Ribéry et où la sortie d’Arjen Robben, remplacé par un Thiago Alcântara une nouvelle fois bancal, a fait basculer l’équilibre. Et dans les faits, c’est souvent royal. Deux arrêts sur image suffisent pour se rendre compte que James Rodríguez est redevenu un footballeur de premier plan au Bayern : sa passe lobée pour Thomas Müller face au Werder (4-2) en janvier, sa remise délicieuse pour Arjen Robben à Dortmund (1-3) début novembre.
« Je ne voulais pas qu’il parte »
Mardi, c’est donc cette version du joueur colombien que le Bernabéu s’apprête à retrouver, un peu moins d’un an après la dernière apparition du joueur sous le maillot du Real. C’était le 14 mai 2017, un soir de démolition du FC Séville (4-1), où Zidane avait fait sortir le meneur de jeu, alors décalé sur un côté du milieu à trois, à l’heure de jeu pour faire entrer Casemiro. Là, les quelque 66000 personnes venues se farcir la rencontre se levèrent et acclamèrent un homme acheté près de 80 millions à l’AS Monaco lors de l’été 2014. Une question aujourd’hui : comment le Bernabéu va-t-il accueillir James Rodríguez mardi soir ? Probablement bien, comme tous les joueurs passés par la Maison-Blanche, mais avec aussi un brin de nostalgie, ce que n’a pas vraiment caché Zinédine Zidane avant la première manche. « Je ne voulais pas qu’il parte, avait alors glissé le coach français en conférence de presse. Mais il voulait plus de temps de jeu, ce que je peux comprendre. James est quelqu’un qui adore jouer au foot, donc forcément il a à cœur de se montrer lors de cette confrontation. Mais il ne va pas chercher à me prouver que j’avais tort. »
Non, c’est autre chose : à Munich, le Colombien a surtout prouvé que bien utilisé, il pouvait encore être clinique, et c’est avant tout pour ça que le boss du Bayern, Karl-Heinz Rummenigge, a déjà annoncé que le club bavarois lèverait prochainement l’option d’achat du joueur fixée à 42 millions d’euros. C’est de la logique, mais aussi la courbe d’un virage : cet été, James Rodríguez a vu sa femme, Daniela Ospina (sœur de), le quitter pour avancer dans sa carrière, et le joueur a repris le dessus. C’est alors la face artiste qu’on a retrouvée, loin du footballeur qui ne s’appartenait plus qu’on a vu après le Mondial brésilien. C’est le James insouciant, efficace, casseur de lignes, celui qui humiliait ses potes dans la rue avant de devenir rapidement pro et produit financier pour tout un système. Tout ça est derrière lui, Heynckes y est pour beaucoup, si ce n’est pour l’essentiel : reste à voir si ce cadeau de Dieu peut désormais inverser la tendance mardi soir. Jouable ? C’est le bon moment, dans tous les cas, pour faire sauter les platines.
Par Maxime Brigand