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« Jamais un joueur n’avait été payé aussi cher »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
8 minutes
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62 millions pour Sterling, 70 pour Martial, 75 pour De Bruyne. À chaque session de mercato, les chiffres s'envolent. En 1975, un homme avait devancé tout le monde : Giuseppe Savoldi dit « Beppegol » ou encore « Mister 2 Miliardi », premier homme le plus cher de l’histoire du foot, qui fête aujourd'hui ses 69 ans.

On peut dire que les dirigeants de Bologne et du Napoli ont été de sacrés précurseurs…Oui, c’est un transfert qui a fait parler de lui dans le monde entier. Jamais un joueur n’avait été payé une telle somme. On parle quand même de deux milliards de lires, même s’il s’agissait en réalité d’1,4 milliard plus Clerici et la moitié de Rampanti. C’était incroyable !

Mais avant vous, quels étaient les chiffres des plus grosses transactions ?Ça montait à 1 milliard, 1,1 milliard, pas plus. Je crois que c’était le prix de Marco Tardelli quand il est passé de Côme à la Juventus. C’est un prix qui avait déjà fait beaucoup parler. Alors imaginez le mien…

Et 2 milliards de lires, ça donnerait combien en euros aujourd’hui ?Je ne sais pas trop, mais il y a quelque temps, j’avais lu qu’avec l’inflation, ça correspondait à peu près à 40 millions d’euros.

Et quel fut le retour médiatique ?Toute l’Europe en parlait, parce que la ville de Naples avait beaucoup de problèmes d’argent. Une importante grève des éboueurs était en cours, il y avait des sacs poubelles plein les rues. Les journaux écrivaient que ces deux milliards auraient pu tout résoudre. Évidemment, il s’agissait de deux choses bien distinctes, mais bon c’était trop tentant de mettre ce « joli » titre en une.

Je n’ai jamais été doué pour négocier mes contrats

Aviez-vous eu votre mot à dire dans ce transfert ?Certainement pas. À l’époque, les joueurs passaient d’une équipe à l’autre et seuls les présidents décidaient. Bon, moi, la destination m’allait très bien hein, je passais un cap en signant au Napoli, c’était une équipe compétitive qui restait sur une deuxième place derrière la Juve l’année précédente.

Et puis, pas certain que le président de Bologne l’aurait bien pris si vous vous étiez opposé à ce transfert…Ah, mais je répète, la parole du joueur n’était qu’une acceptation tacite de ce que décidait le club.

Gros transfert, et donc gros salaire ?Pas franchement, je n’ai jamais été doué pour négocier mes contrats. À Bologne, je gagnais 30/40 millions de lires par an, et si j’en demandais 2 de plus, le président se vexait. Au Napoli, j’ai gagné 280 millions en quatre ans.

Et qu’a fait Bologne de tous ces sous ?Aucune idée, mais je ne pense pas qu’ils les aient réinvestis. J’ai été remplacé par Clerici qui était compris dans l’affaire, et cela complétait leur effectif en fait. À l’époque, Bologne était une bonne petite équipe et n’avait pas besoin de plus.

De son côté, le Napoli a vite amorti l’investissement avec plus de 70 000 abonnés.Le président Ferlaino savait très bien ce qu’il faisait et ne loupait jamais ses calculs, que ce soit en tant qu’ingénieur dans le bâtiment ou en tant que dirigeant de club. Il savait très bien que les Napolitains auraient répondu avec ce record qui n’a jamais été battu, même pas à l’époque de Maradona.

Je me suis tout de suite intégré dans le « tissu » napolitain. J’ai accepté Naples, je l’ai comprise, je suis entré dans son ADN.

Aviez-vous été présenté en grande pompe ?Rien de particulier, dans un hôtel pour la presse, puis au stade San Paolo pour les supporters, mais il n’y avait pas foule, c’était l’été, beaucoup de personnes étaient en vacances. En revanche, les visites médicales, je les ai passées en cachette pour ne pas attirer l’attention.

Un chiffre qui aurait pu être difficile à assumer, mais au lieu de ça, vous continuez à marquer comme si de rien n’était.J’ai accepté ce transfert dans une équipe compétitive, dans le but de m’améliorer et de passer un palier. Je n’ai pas eu peur, au contraire, l’enthousiasme du public me motivait, et ce chiffre n’était qu’une raison supplémentaire pour me surpasser.

Votre mentalité bergamasque, très terre à terre, vous a aidé ?Non, cela dépendait seulement juste de mon caractère et de ma façon d’être. Parmi les joueurs avec qui j’ai effectué ma formation, beaucoup ont lâché prise parce qu’ils ne supportaient pas la pression. Et pourtant, ils étaient eux aussi bergamasques.

En tout cas, un Bergamasque aimé par des Napolitains, ce n’est pas commun et ça fait une belle histoire.Je me suis tout de suite intégré dans le « tissu » napolitain. J’ai accepté Naples, je l’ai comprise, je suis entré dans son ADN. J’ai également compris comment sont les Napolitains, la façon dont ils se comportent, ce qu’ils exigeaient de moi.

Avec votre arrivée, le Napoli était censé passer un dernier cap.Je devais être la dernière pièce du puzzle pour donner l’assaut définitif au Scudetto, mais ça ne s’est malheureusement pas passé comme prévu. Moi, j’ai rempli mon rôle, malheureusement, quelque chose ou quelqu’un n’a pas fonctionné. Ce Napoli avait perdu sa pugnacité, il était essoufflé, un peu en fin de cycle (il se classera entre les 5e et 7e places durant les années Savoldi, ndlr).

À 14 ans, j’ai été champion bergamasque de saut en hauteur avec 1m69, un joli petit record et en ventrale hein, pas en Fosbury.

Ce chiffre de deux milliards tend à faire de l’ombre à votre grosse carrière. Quel type d’attaquant étiez-vous ?Un attaquant de surface comme il y en avait énormément à l’époque. Maintenant, ils bougent beaucoup plus, sont au service de l’équipe, mais moi, c’était tout l’inverse, il fallait que je sois servi par mes coéquipiers.

Pour faire parler votre jeu de tête, il paraît que votre passé de basketteur vous a beaucoup aidé ?J’ai pratiqué énormément de sport et surtout le basket effectivement. Cela m’a permis d’affiner ma meilleure qualité : la détente aérienne, l’élévation, le timing et la perception de comprendre avant les autres où serait arrivé le ballon. Il s’agissait aussi de faire en sorte que mes coéquipiers me servent de la meilleure des façons, donc il fallait un excellent placement.

Le saut en hauteur aussi, non ?À 14 ans, j’ai été champion bergamasque en sautant 1m69, un joli petit record (il mesure 1m75 aujourd’hui, ndlr) et en ventrale hein, ce qui limitait beaucoup mon élévation, ce n’était pas encore la Fosbury.

Vous atteignez 10 fois la barre des 10 buts dans votre carrière en Serie A, ce n’était pas rien à l’époque.Oui, car les défenseurs étaient très durs, ils cognaient et c’est tout, ils étaient défenseurs dans le vrai sens du terme ! Je n’ai jamais atteint les 20 buts en un championnat par exemple, mais arriver à 10 buts, c’était beaucoup dans une époque où le catenaccio faisait rage. Aujourd’hui, c’est un foot moins agressif, il n’y a plus de marquage individuel, c’est de la défense en zone, il y a plus de liberté, le règlement protège beaucoup mieux les attaquants. Si j’avais joué maintenant, j’aurais sûrement marqué quelques buts de plus, même si c’est difficile de l’affirmer.

On m’a fait chanter pour un disque qui s’appelle , la fameuse interjection napolitaine. Une vraie chanson d’amour.

Malgré vos 168 buts en Serie A, vous ne portez que 4 fois le maillot de l’ItalieIl y avait une concurrence folle : Anastasi, Pulici, Bettega, Graziani, Pruzzo qui a été sacré trois fois meilleur buteur de Serie A et qui n’a quasiment jamais été sélectionné. Cela veut tout dire sur la densité qu’il y avait. Puis, c’était l’époque où la Juve et le Torino se disputaient le titre, et c’était normal qu’ils composent en grande partie la sélection.

168 buts qui auraient pu être 169 sans ce fameux épisode à Ascoli…J’ai tiré, ça allait faire mouche, et là, un ramasseur de balle qui était collé au poteau passe son pied à travers les mailles du petit filet et repousse le ballon. Moi, je n’avais pas vu et je pensais qu’il y avait eu poteau, mais la scène n’avait pas échappé à mon capitaine Bulgarelli qui a réclamé l’attention de l’arbitre. Il n’y avait rien à faire, à part peut-être un entre-deux, mais bon, heureusement, on menait déjà 3-1 et ce fut sans incidence sur le score.


Votre carrière a été marquée par votre implication dans l’affaire du Totonero. Vous êtes suspendu deux ans par la justice sportive, mais acquitté par celle ordinaire.Et c’est ce qui se passe souvent aujourd’hui avec les derniers scandales. On dirait que rien n’a changé. Le Totonero a éclaté au printemps 80 et j’ai été acquitté dès la fin de l’année, mais la justice sportive prend d’autres choses en considération. C’est une instance à part qui ne se base pas que sur les enquêtes. Il suffit de dire : « Moi, pensionnaire de tel club, ai vu untel faire telle chose ou untel dire ceci » et vous vous retrouvez impliqué dans une histoire. Les mensonges suffisent, c’est malheureusement comme ça que ça se passe.

30 ans après vous, votre fils Gianluca, également attaquant, a joué au Napoli. Comment ça s’est passé ?C’est très volontiers qu’il a signé, justement parce que j’y avais laissé de bons souvenirs. En plus, c’est la ville dans laquelle il est né. C’était un défi avec lui-même, mais ça a été très compliqué, car il y avait toujours ces comparaisons père-fils. En plus, il a dû se faire opérer au dos et c’est l’année où le club a fait faillite.

Aujourd’hui, vous gérez un magasin d’optique, mais il paraît que vous êtes aussi un très bon chanteur.L’idée n’est pas venue de moi, mais de deux auteurs napolitains, ils voulaient faire un disque complet où je devais raconter un conte. Ils ont entendu que je chantais plutôt juste, alors ils l’ont musicalisé et se sont lancés dans un 45 tours, ça a donné ça, La favola dei calciatori. Étant donné que cela a bien marché, ils m’en ont fait faire une autre qui s’appelle , la fameuse interjection napolitaine. Une vraie chanson d’amour.

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