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Jakub Jankto, l’Italie n’est plus prête
Deux ans après son départ de la Samp, Jakub Jankto est de retour sur le sol italien. L’international tchèque s’est en effet engagé avec Cagliari. Mais en deux piges, tout a changé.
« Je suis homosexuel et je ne voulais plus le cacher. » Le 13 février dernier, date à 24 heures près symbolique, Jakub Jankto décide de lâcher une petite bombe sur la planète football à travers une vidéo publiée sur ses réseaux sociaux. « Comme toute personne, je souhaite vivre ma vie en totale liberté, sans crainte, sans souffrance et sans souffrir », ajoute le milieu de terrain de Getafe, prêté alors au Sparta Prague. Un coming out – chose très rare pour un joueur en activité – suscitant une vague de communiqués en soutien à l’international tchèque. « Félicitations Jakub, tu es une source d’inspiration, le football européen est à tes côtés », se félicitera notamment l’UEFA. Tout va bien dans le meilleur des mondes donc. Mais seulement deux ans après son départ d’Italie, Jankto a le mal du pays (adoptif) où il a évolué pendant sept saisons (Udinese, Ascoli et Sampdoria). Et ce retour dans la Botte a évidemment fait jaser.
— Jakub Jankto (@jakubjanktojr) February 13, 2023
« Je n’aime pas l’ostentation en général »
S’il y a deux piges, le Tchèque cachait sa sexualité et que l’Italie n’était pas encore entre les mains de l’extrême droite, il aura fallu seulement quelques mois pour que tout change brusquement. Depuis septembre dernier, une certaine Giorgia Meloni et son parti politique Fratelli d’Italia sont arrivés au pouvoir avec un discours très radical, pour ne pas dire discriminatoire, raciste et bien évidemment homophobe. En mars dernier, la Romaine a par exemple décidé de partir en croisade contre l’homoparentalité. Vous vous doutez bien que le retour de Jakub Jankto a fait parler, et pas pour louer son pied gauche de velours. Bien qu’accueilli chaleureusement à l’aéroport Elmas par une dizaine de tifosi sarde, son homosexualité a été épinglée, quelques médias transalpins annonçant « le premier joueur homosexuel à évoluer en Serie A ». Mais la cerise sur le panettone reste la déclaration du ministre des Sports italien : « Je ne fais pas de différence quand je regarde la sphère des choix personnels. Si je dois être tout aussi sincère, je n’aime pas l’ostentation en général », a-t-il insisté, avant de conclure que « les choix individuels doivent être respectés pour la façon dont ils sont pris et pour ce qu’ils sont. Je m’arrête là. »
L’ostentation donc, voilà ce que reproche Monsieur Abodi à Jankto. Mais l’ancien conseiller de la Fédé italienne a ensuite voulu revenir sur ses dires le lendemain. « J’ai juxtaposé des idées qui méritent d’être clarifiées. Tout le monde doit respecter l’identité de chaque personne, et je voudrais que des milliers de personnes fassent leur coming out. Et je suis content que Jakub ait pu faire le sien », a-t-il déclaré dans un entretien à la Stampa. Si tonton Ranieri – entraîneur de Cagliari qui a déjà connu Jakub du côté de Gênes – est venu lui apporter son soutien en ajoutant qu’en « assumant son homosexualité, il prouve que c’est un homme fort et solide mentalement », le mal est fait. L’aspect sportif n’a jamais été au cœur des débats (alors que le Tchèque est une superbe recrue des Sardes), faisant comprendre dans quelle Italie le Pragois a remis les panards : « On a notre ministre des Sports italien qui qualifie l’homosexualité de Jakub comme un choix personnel, ce qui voudrait dire qu’il aurait pu faire un choix différent. Ce n’est pas une question de droits, le problème, mais bien du respect que chacun accorde à l’autre », argumente de manière très juste Daniele Manusia dans un édito à l’Ultimo Uomo.
Le prime parole di Jankto in rossoblù 🎙️
Qui l’intervista integrale ➡️ https://t.co/NrVzbHV75G pic.twitter.com/9U1A25TFdV
— Cagliari Calcio (@CagliariCalcio) July 19, 2023
Si Jankto a tout d’une superbe recrue, un joueur d’expérience qui connaît bien la Serie A – championnat dans lequel il a enchaîné les saisons solides –, on comprend très vite que l’aspect sportif a été relégué au second plan dans un pays de plus en plus conservateur. « Ce n’est pas cohérent, cette peur qu’ont les footballeurs homosexuels à s’assumer. C’est impossible que dans les vingt équipes de Serie A, il n’y ait que Jankto. Il y a de la peur, mais le monde a changé, je ne vois pas pourquoi le football ne suit pas le même chemin », déclarait Marco Tardelli à la Rai. S’assumer donc, voilà ce que préconise le champion du monde 1982.
Une chose loin d’être simple, surtout lorsque l’on regarde dans le rétroviseur. En 2009, Marcelo Lippi jurait qu’il n’avait jamais rencontré de gays durant toute sa carrière. En 2012, Damiano Tommasi lâchait que « le coming out n’est pas quelque chose que je conseille de faire pour ne pas être la risée des journaux. » Mais on ne peut pas faire mieux qu’Antonio Cassano qui, quelques jours avant le début de l’Euro 2012, lâchera un : « Des pédés en sélection ? J’espère qu’il n’y en a pas. » Voilà donc où Jakub Jankto va remettre les pieds, avec cette étiquette sur le front. Benvenuto Jakub !
Par Tristan Pubert