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- Arbitre agressé
« J’ai tout de suite senti que ça allait mal finir »
Samedi dernier, un arbitre a été agressé lors d'un match amateur au Plessis-Trévise (94) et trois personnes ont été placées en garde à vue. L'information a fait davantage de bruits dans les médias que la Coupe des confédérations, replaçant sur le devant de l'actualité le spectre de la violence dans le foot, ici amplifié par le syndrome banlieue. Thomas, entraîneur en moins de 17, a assisté à une partie des évènements. Il nous livre son témoignage, nourri de l'expérience d'un habitué des rencontres ordinaires de la FFF d'en bas.
Quel était le contexte de cette rencontre ?Chaque année, le district du Val-de-Marne rassemble toutes ses finales de coupe au même endroit. Nous étions là pour jouer celle dite de l’Amitié des U17, en gros l’épreuve des « réserves » . Nous devions affronter Créteil, sur un terrain annexe à celui où se déroulait la rencontre entre Champigny et Villejuif, celle dont tout le monde parle aujourd’hui.
Tu connais ces deux équipes ?Il faut d’abord préciser que sur le papier, nous étions devant une « petite finale » . Villejuif venait tout juste de gagner sa montée en DHR où joue Champigny cette saison. Un peu comme si la finale de la Coupe de France se départageait entre une CFA et une équipe de National. Après, sur la pelouse, ce sont deux très belles équipes. Il y a deux ans, Champigny avait déjà disputé une finale à Sucy contre Bonneuil et ils avaient perdu au dernier moment. Le match avait dégénéré. À cette époque, nous étions dans le vestiaire à patienter puisque nous devions faire la nôtre ensuite, sur le même terrain. D’un coup, on entend des cris, puis la lacrymo envahit les couloirs et les sous-sols. Et en nous extirpant, on voit le gardien de but menotté, entouré de policiers.
Et ce samedi, quand vous êtes arrivés sur place, comment as-tu ressenti l’ambiance ?Nous sommes entrés dans le stade vers 15h15. À ce moment précis, un pénalty est sifflé pour Villejuif. Tu sentais que l’atmosphère était électrique dans les tribunes. Beaucoup de monde était présent pour suivre les diverses finales, j’ignorais pour qui, mais beaucoup de personnes semble-t-il de Champigny, la ville étant en outre juste à coté. Le temps d’effectuer le tour pour se rendre aux vestiaires, un gars de Champigny se retrouve expulsé. De ce que certains amis présents m’ont rapporté, c’était peut-être un peu sévère. Et donc, contrairement aux règlements, le jeune ne se rend pas aux vestiaires, mais monte en tribune au milieu de ses potes qui sont déjà chauffés à blanc. Je pense qu’il y a déjà une première faute de l’éducateur et du club, du moins c’est que je pense, qui auraient dû s’assurer qu’il quitte l’aire de jeu. Apparemment, c’est le même qui est redescendu s’en prendre à l’arbitre, mais je n’ai pas assisté à la scène et aux violences en tant que telles.
Et ensuite, comment se termine la rencontre ?Villejuif marque un but. Je l’ai vu depuis la salle où je remplissais notre feuille de match. Le joueur vient en face des tribunes chambrer les gars de Champigny. Comme s’il était au Parc, ou comme s’il était Ronaldo au Camp Nou. Seulement tu n’évolues pas dans le même contexte et avec la même sécurité. Pour le coup, je pense que l’éducateur de Villejuif aurait dû faire quelque chose, le sortir, sanctionner l’attitude, dans un contexte extrêmement tendu déjà. Après peut-être que moi, qui n’ai jamais eu de problème grave, me sentirais-je peut-être aussi dépassé, dans une telle situation. Mais en tout cas cela n’a certainement pas amélioré les choses. Je n’ai pas vu directement l’agression ensuite. J’étais sur un terrain annexe. J’ai entendu des cris, mais avec toutes les rencontres, les remises de trophées, je pensais qu’il s’agissait de joie.
Crois-tu que cela aurait pu être évité ?Franchement, avec les trois minutes que j’ai pu observer, j’ai tout de suite dit à mes gars que ce match allait mal finir. J’ai appris ensuite sur i-Télé que l’arbitre avez eu le nez cassé et qu’il y avait eu les interpellations. Hier dimanche, lors d’un tournoi interne, je leur ai dit à mes joueurs : « Vous voyez ! » Comment les organisateurs et les responsables des clubs ont-ils pu ne pas s’en rendre compte ? Pour éviter ce genre de dérapage, il faut réagir et anticiper. C’est bête car le district du 94 a très bonne réputation au niveau jeu. Ses finales sont assez cotées, et les choses se passent plutôt bien généralement…
Propos recueillis par Nicolas Kssis-Martov