- France
- Montpellier
- Interview Ryad Boudebouz
« J’ai senti que j’allais passer un palier avec Courbis »
À Montpellier depuis cet été, Ryad Boudebouz a terminé son adaptation et monte doucement en puissance. L'occasion pour lui de se livrer sur le départ de Courbis, son affection pour Bastia ou encore son choix depuis tout jeune de jouer pour la sélection algérienne.
Le départ récent de Rolland Courbis, cela a été une surprise pour toi ou, au contraire, vous le présentiez dans le vestiaire ?Avant la trêve, il nous avait dit qu’il était fatigué, mais de là à partir… On a été étonnés, quand il parlait, il se projetait sur la fin de saison. Le choix a été fait rapidement et on a été surpris.
En général, un entraîneur part quand il y a une série de mauvais résultats, mais à Montpellier, la série noire est derrière vous, c’était en début de saison…Quand on était dans cette situation-là, le coach nous disait que ce serait trop facile de démissionner. Quand c’était difficile, le challenge était très intéressant pour lui. Entendre qu’une équipe a 4 points après 7 matchs était impossible à sauver, cela lui a donné envie de relever le défi pour faire taire des personnes et se satisfaire lui-même. Après, je pense qu’il a de bonnes raisons pour partir maintenant, mais on respecte son choix. Les joueurs l’appréciaient beaucoup, on l’a respecté. Mais désormais, avec Pascal Baills, on est dans la continuité. Même s’il a quelques idées à lui, il nous connaît, et les choses ne vont pas changer radicalement.
C’est un avantage que ce soit lui qui prenne le relais plutôt qu’un entraîneur extérieur avec une philosophie différente et éventuellement des joueurs à recruter ?Oui, car on n’a pas le temps de changer l’équipe, on a l’urgence de prendre des points, car on n’est pas si loin de la zone rouge. La meilleure solution, c’était de mettre l’adjoint, et depuis la reprise, cela se passe d’ailleurs très bien.
Rolland Courbis est l’un des entraîneurs les plus expérimentés de la Ligue 1, tu vas garder quels souvenirs de lui ?Quand je regardais de l’extérieur, je remarquais que les joueurs offensifs progressaient sous ses ordres avant de partir dans de très bons clubs. Quand il m’a fait venir à Montpellier, il m’a dit qu’il allait me faire progresser, et même quand cela ne se passait pas très bien au début, il m’a maintenu sa confiance. C’est quelqu’un que j’apprécie et même s’il n’est plus là, les conseils qu’il m’a donnés vont me servir. Et puis on pourra se recroiser un jour, même retravailler ensemble, peu importe.
Aujourd’hui à Montpellier, ça y est, tu te sens bien ?Franchement oui, comme la deuxième année à Bastia où je m’étais libéré. À Montpellier, cela a été plus rapide. Je suis un affectif, j’ai besoin de bien m’entendre avec les gens autour de moi, avec les coéquipiers pour être brillant. Quel que soit le club, tu ne peux pas briller si les partenaires autour n’ont pas envie que tu brilles. J’ai mis un peu de temps à m’adapter, mais aujourd’hui, cela se passe bien, je m’entends bien avec tout le monde.
Et avec Loulou Nicollin ? Par rapport à l’image médiatique, tu le trouves comment au quotidien ?Il est très calme. À la télé, vous le voyez après les matchs, c’est forcément différent. Au quotidien, il vient aux entraînements, il rigole, chambre un peu. Avoir ce président, c’est idéal, car quoi qu’il dise, qu’on gagne ou qu’on perde, on voit qu’il nous aime.
Tu as évoqué Bastia, un club contre lequel tu t’es excusé d’avoir marqué en octobre…Je marche à l’affection, et je suis parti de Bastia sans avoir le temps de dire au revoir à tout le monde, alors que c’est un club qui m’a remis bien, avec des supporters qui m’ont encouragé. On a vécu une finale, le public était là dans les mauvais moments aussi. Et avec les partenaires, j’ai passé deux belles années. À chaque fois que je marquerai contre Bastia, ce sera à contre-cœur, ce sera juste mon métier.
Tu as quitté le club pour lui permettre de boucler son budget avant de passer à la DNCG…J’aurais pu rester, car Ayité ou Kamano pouvaient aussi partir. Mais quand j’ai eu Courbis au téléphone, j’ai senti dans son discours que j’allais passer un palier avec lui. Je n’ai pas quitté Bastia pour leur faire plaisir, mais pour l’intérêt de ma carrière. Après, si en même temps, j’ai pu rendre service au club, alors tant mieux. D’une pierre deux coups, comme on dit.
Ton club formateur, c’est Sochaux. Toi le natif de Colmar, Strasbourg n’a pas tenté de t’avoir ?Ils se sont manifestés, mais j’avais choisi Sochaux. À 45 minutes de chez moi quand Strasbourg était à 30, ce n’était pas une si grande différence. Mais j’ai regardé le taux de réussite de Sochaux, le nombre de joueurs qui finissaient en Ligue 1, et je me suis dit que c’était le meilleur choix. Dès lors que je partais dans un centre de formation, je voulais que toutes les chances soient de mon côté.
Tu gardes quels souvenirs de ton passage là-bas ?Ma formation, ce sont mes plus belles années de footballeur. J’étais bien, comme chez moi, avec mes potes comme Marvin Martin, Peybernes, Nogueira, Butin, Tulasne…
Tu as suivi les actus de Sochaux, notamment le rachat par Ledus ?Cela ne m’a pas forcément plus interpellé que cela. On savait que cela fonctionnait grâce à Peugeot, si les Chinois peuvent aider à faire remonter le club, ce serait bien. C’est mieux d’avoir des investisseurs que pas du tout. C’est bien pour le club et la région, car Sochaux a un super centre de formation. Peut-être pas le meilleur, mais l’un des meilleurs.
Tu es né en France, a grandi en France, tu as même joué pour l’équipe de France U19, mais très jeune, tu voulais jouer pour l’Algérie…Cette envie a été nourrie par des K7, des DVD ensuite que mon père me montrait. J’ai aimé l’équipe de France, celle de Zidane, mais quand j’ai vu les images de Madjer, de Belloumi et de ce qu’ils avaient fait au Mondial 1982, cela m’a donné envie de jouer pour l’Algérie. J’ai fait un choix et je ne l’ai jamais changé. Je m’identifiais à cette équipe de 1982, je suis un joueur technique qui aime le beau jeu avant tout. Une équipe comme le Barça aujourd’hui me fait rêver. J’aime regarder les équipes avec des joueurs techniques.
Dans le Midi Libre, tu as dit que tu te sentais français même si tu jouais pour l’Algérie. Tu as une double identité ? J’ai grandi ici, la France m’a beaucoup donné. Aujourd’hui, si je suis footballeur pro, c’est grâce à la France. Dans tous les pays, il n’y a pas cette qualité de formation. J’ai toujours dit que je remerciais Sochaux par exemple. Il ne faut jamais dénigrer ce que les gens ont fait pour toi, mais en même temps, mes parents sont algériens, je me sens algérien, donc je voulais jouer pour la sélection algérienne. J’ai toujours rêvé de porter le maillot vert.
Avec les Fennecs, tu as disputé la Coupe du monde 2010, mais tu as manqué celle de 2014 où l’Algérie s’est illustrée. Tu as réussi à regarder les matchs ?Bien sûr que j’ai regardé, j’ai vécu cette Coupe du monde comme un supporter. Même si je n’y étais pas, je suis fier d’être algérien et, avec les matchs qu’ils ont fait, c’était hallucinant. Contre l’Allemagne, j’ai vibré, mais j’ai eu des regrets, car on a eu des occases. Sur ce match, les Allemands peuvent dire merci à Neuer.
J’imagine que devant ta télé, tu avais envie d’entrer sur le terrain…Cela m’arrive même pour des matchs qui ne sont pas de mon club ou de mon pays, alors pour celui-là, c’est clair que j’aurais rêvé d’y être. Il y a une chose que les gens ne comprennent pas forcément, c’est le sentiment que l’on ressent quand on porte le maillot de la sélection. Cela représente beaucoup.
Pour finir, un mot sur les tristes événements du 13 novembre, comme ceux de Charlie Hebdo il y a un an. Dans une interview dans le Midi Libre, tu es monté au créneau en rappelant que le Coran prêchait que « Tuer est le plus grand des pêchés » et que ceux qui tuaient n’étaient pas de vrais musulmans. C’était important pour toi ? C’est totalement ça. La plupart des musulmans pensent comme moi, mais ne le disent pas : ces gens ne sont pas musulmans. On peut ensuite facilement se servir de ce qu’ils ont fait pour décrier l’islam, beaucoup le font, mais la vérité, c’est que dans chaque religion, on n’a pas le droit de tuer. C’est dommage de croire que des pratiquants de l’islam peuvent tuer, c’est faux de le croire. Un exemple tout simple : Lassana Diarra est musulman, il a perdu quelqu’un pendant les attaques. Ces gens n’épargnent personne, même les musulmans comme nous…
Propos recueillis par Nicolas Jucha