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« J’ai passé plusieurs nuits dans ma Smart »

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
6 minutes
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En Italie depuis bientôt sept ans, Guillaume Gigliotti a signé à Ascoli l’été dernier, une ville directement touchée par les tremblements de terre et les intempéries qui martyrisent la région depuis l’été dernier.

C’était ton premier tremblement de terre ?Non, j’en avais déjà ressenti un il y a quelques années durant une mise en vert dans la vallée d’Aoste à l’époque où j’évoluais à Novara. On était tous dans nos chambres, mais on n’avait pas eu peur, on l’avait même pris à la rigolade.

Où étais-tu lors de la première grosse secousse du 24 août ?Chez moi avec ma copine, en train de dormir comme tout le monde, c’est elle qui m’a réveillé, au début je pensais qu’il y avait des voleurs, puis j’ai vu que ça tremblait de partout. On est au 5e étage, donc c’est compliqué, le temps de décider de se mettre sous la table ou sous la porte et c’était terminé. On était tétanisés, on ne savait pas quoi faire. Ensuite, nos voisins nous ont dit de descendre en bas de l’immeuble, eux étaient presque habitués. Une heure après il y a eu la seconde secousse, nous sommes donc restés dehors jusqu’à 10h du matin, puis nous sommes remontés, on a allumé la télé et on a pris conscience de la gravité du truc. Les nuits suivantes, on les a passées dans la voiture, et vu que j’ai eu des problèmes avec mon 4×4 quelques jours avant, on m’avait prêté une smart… Ensuite, on a dormi sur le canapé, on avait les affaires à côté, prêts à se barrer en cas de nouveau tremblement de terre. Petit à petit on a commencé à s’habituer jusqu’au suivant.

Celui du 30 octobre…Ma copine et moi sommes encore sous le choc. Il était beaucoup plus fort. C’était un dimanche matin. Depuis ce moment-là, on a pratiquement perdu le sommeil.

J’ai appelé mon agent après les dernières pour lui dire que je voulais partir. Je n’arrive pas à vivre dans ces conditions, le soir je ne suis pas tranquille, je ne sais pas la nuit que je vais passer.

Votre immeuble a subi des dégâts ?Non RAS, aucune fissure, tout va bien, c’est jusqu’au 5e, la petite secousse tu la sens beaucoup plus, tu danses carrément. Le club nous a payé une semaine sur la côte à Grottammare avec nos familles afin de nous changer les idées. On en parle entre coéquipiers, on essaye de se rassurer, mais tu es impuissant face à tout ça. Même chose avec celui du 18 janvier, d’autant que là il y avait les grosses chutes de neige.

La situation était si désastreuse ?On ne pouvait plus s’entraîner sur nos terrains, car c’est devenu de la boue en deux séances, on squattait les gymnases. Le dernier qu’on a utilisé, on entendait des bruits bizarres, le gardien nous disait que c’était le vent, le jour d’après, il a été fermé, car le toit était en train de s’écrouler à cause du poids de la neige. Ici à Ascoli, il y a eu un demi-mètre, dans les villages voisins, c’est allé jusqu’à deux. On n’avait jamais connu ça dans la région.

Les secousses, on s’y habitue ?Moi, jamais. J’ai appelé mon agent après les dernières pour lui dire que je voulais partir. Je n’arrive pas à vivre dans ces conditions, le soir je ne suis pas tranquille, je ne sais pas la nuit que je vais passer. Il y a toutes ces petites secousses d’ajustement qui durent cinq secondes, mais que tu sens passer. Déjà qu’à cause de mon problème au genou, j’ai pris du retard sur le reste du groupe, vu que je dors mal, je ne suis pas à 100 % durant les entraînements et je n’arrive pas à récupérer ma place. Lui m’a dit que ça passera, mais à la prochaine secousse, je m’en vais. Je n’ai rien contre les supporters ou le club, mais je ne me sens pas en sécurité.

Nous ne sommes pas des héros, mais si on peut mettre un peu de baume au cœur, on le fait volontiers.

Tu n’as pas peur que ce soit mal pris ?Je peux comprendre leur éventuelle réaction, mais eux aussi doivent me comprendre, ma carrière est courte, je n’ai pas de temps à perdre. Si je ne me sens pas serein dans ma vie, ça se répercute sur le terrain. Ma copine, qui est de Foggia, veut rentrer chez elle, elle n’est pas bien non plus.

Des coéquipiers ont été directement touchés ?Par les décès, non, mais par les dégâts, oui. Il y en a un qui a perdu une maison à Pescara del Tronto, un des villages rasés, et heureusement il n’y avait personne dedans.

Vous vous y êtes rendus récemmentOui, pour le clip de la chanson afin de soutenir les personnes touchées. La dernière scène, nous sommes sur les ruines, on pose une bougie par terre, on fait une prière. On est resté une demi-journée là-bas. Quand on est arrivés avec le bus, j’en avais des frissons entre les maisons écroulées, les failles, la route ouverte. Et puis il ne faut pas oublier les évacués, les gamins qui vivent dans les tentes, y font école. Des coéquipiers s’y sont rendus pour offrir des cadeaux, je pense que c’était encore plus difficile de voir ces mômes dans le désarroi.


Comment est née l’idée de cette chanson ?C’est l’attaché de presse qui a eu cette très bonne idée, on a tous participé et on l’a fait avec le cœur. Ce sont bien nos voix, même si elles ont été un peu trafiquées. On l’a mise en ligne juste avant Noël afin de toucher le plus de personnes possible, en espérant que ça ait permis de récolter plus de fonds.

Le foot a vraiment le pouvoir d’offrir un sourire dans ce genre de situation ?Nous ne sommes pas des héros, mais si on peut mettre un peu de baume au cœur, on le fait volontiers. On a même fait une collecte au sein du vestiaire pour offrir un peu d’argent, on a mis la main à la poche et c’est normal. Notre capitaine Giorgi est d’Ascoli en plus, il se sent vraiment concerné.

Le stade Del Duca a été touché ?Il y a eu quelques fissures, il n’était plus vraiment aux normes à un moment et le toit a été retiré de peur qu’il s’écroule. Deux de nos matchs ont été reportés, car il n’y avait pas moyen de jouer ailleurs. Ascoli est en mauvais termes avec tous les clubs du coin, personne n’a voulu prêter son stade, c’était un peu vache vu les circonstances. Finalement, la seule tribune qui a été touchée est celle de la Curva, des gradins temporaires ont été construits sur la piste d’athlétisme, ça rapproche les ultras du terrain, l’ambiance est encore plus chaude !

Ces événements ont influé sur la saison de l’Ascoli ?Oui, et en positif. La ligue ne voulait pas reporter plus de matchs, alors que la situation s’y prêtait, c’était soit on jouait, soit on perdait sur tapis vert. Mais ça nous a boostés. Le coach en parle dans ses discours, il nous dit de passer outre, d’être plus fort que ces événements malheureux, de tenir le coup et ça fonctionne puisqu’on est en milieu de tableau.

Vu que tu es français, on t’a parlé des dessins de Charlie Hebdo sur ces événements ? Oui, hors du terrain, personne n’en a après moi hein, mais effectivement, ce n’était pas normal. C’était déplacé.

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