- Français de l'étranger
«J’ai même participé à un jeu télé»
Formé puis déformé à l'AS Cannes –«Je me suis fracturé la cheville à 17 ans»–, Goran Jerkovic fait désormais les beaux jours du FK Zalgiris Vilnius, en Lituanie, après un saut par la Belgique, tout en étant titulaire d'un BTS Négociation et Relation Client. Mais le plus surprenant dans tout ça, c'est que l'attaquant a l'air de s'y plaire vraiment.
Comment as-tu atterri à Vilnius ?
Je jouais auparavant à Charleroi, en D2 belge. Je n’ai pas été renouvelé à la fin de mon contrat et je me suis retrouvé six mois sans club. Étant d’origine serbe, j’ai meublé cette période en allant m’entraîner avec un club en Serbie. Puis un agent belge m’a proposé la Lituanie. Au début, j’avais peur, je me disais : “C’est quoi cette destination ?” J’ai énormément cogité, notamment dans l’avion avant d’arriver. Mais l’entraîneur m’a kiffé, il me voulait vraiment. Finalement, je me suis engagé en mars 2010, le dernier jour du mercato, juste avant le début du championnat lituanien, qui s’étale de mars à novembre. Et j’ai un contrat intéressant.
Donc en ce moment, vous êtes en pleine préparation ?
Ouais et courant février, on va partir en stage en Pologne. C’est sûr que c’est autre chose que les stages à Chypre, en Espagne ou en Turquie. Ici, on fait une préparation à la dure. Je dirais même “à la russe”. On s’entraîne deux fois par jour, tous les jours de la semaine, on alterne entre travail d’endurance par -15°C et musculation. C’est la mentalité d’ici : quand tu bosses, tu bosses. Les deux premières semaines ont été très dures, mais là, je suis en pleine forme et je le sens.
Comment se sont passés tes premiers pas en A Lyga ?
Pas terrible, parce que je me suis fait les croisés peu après mon arrivée. J’étais court physiquement, alors j’ai fait double ration d’entraînement. Je jouais souvent quinze minutes avec l’équipe première et j’enchaînais par un match complet avec la réserve le lendemain, et ça pendant un mois. J’ai eu une première entorse du genou, puis les ligaments ont lâché. J’ai seulement fait quelques apparitions. Sinon, l’équipe a terminé troisième, ce qui veut dire qu’on est qualifiés pour les tours préliminaires de la prochaine Europa League.
C’est quoi le niveau du championnat lituanien ?
Ah, j’étais sûr que t’allais me la demander celle-là ! Sur douze équipes, il y en a deux ou trois qui ont un très bon niveau, qui pourraient jouer facile le haut de tableau en National. Certains clubs ont quand même pas mal de moyens et recrutent souvent à l’étranger. Puis il y a quatre ou cinq équipes plus moyennes. Le reste, c’est catastrophique, t’es sur de prendre trois points quand tu les joues. C’est un championnat assez spécial, parce qu’en attendant que les terrains dégèlent, les cinq premiers matchs, tu les fais en salle, dans des dômes avec pelouse synthétique et il n’y en a que deux dans le pays. Et puis tu rencontres chaque équipe trois fois dans la saison. Normalement, il y a douze équipes dans la division, mais pour la saison qui arrive, on ne sait pas encore combien on sera, car quelques clubs sont dans le rouge financièrement. On en saura plus d’ici deux ou trois semaines.
Le sport national, c’est le basket, non ?
Carrément, c’est de la folie, il y a des terrains de basket partout. Les moyens financiers sont bien plus importants qu’au foot. Les grandes salles de 10000 ou 15000 personnes font le plein à chaque fois, alors que nous, on joue à peine devant 5000 spectateurs lors des grosses affiches. Et pourtant, Zalgiris est connu pour avoir les meilleurs supporters du pays. Mais le président a un nouveau projet de stade, parce que la Lituanie va organiser le championnat d’Europe U19 en 2013. En ce moment, on est délocalisés dans un stade de 5000 places, bien plus petit que celui qu’on avait avant.
T’es le seul Français du championnat ?
Ouais. L’an passé, il y avait un Camara, mais il est resté seulement six mois. Et il y avait un Canadien aussi. D’ailleurs, c’est bien que tu m’appelles parce que j’avais perdu l’habitude de parler français. Mais mon adaptation s’est très bien passée, le club m’a pris sous son aile. La langue est difficile, mais tout le monde parle également russe ici. Je suis en train de l’apprendre. C’est plus simple pour moi, vu que je parle le serbo-croate et que c’est le même alphabet. Il y a pas mal de similitudes, donc j’arrive à me faire comprendre.
Communiquer, c’est bien, mais tu ne t’ennuies pas trop ?
Tu rigoles ! Vilnius, c’est grand, il y a plein de trucs à faire. Sinon, on participe à des congrès pour les sponsors, on représente l’image du club, on accompagne les représentants au restaurant. Bref, le club met tout en œuvre pour que l’on ne s’ennuie pas. Et puis comme le club est connu, nous aussi par la même occasion. L’autre jour, j’ai même participé à un jeu télévisé.
T’as pas l’air d’avoir le mal du pays…
Je n’ai pas spécialement envie de rentrer en France pour le moment, c’est vrai. Je me sens comme chez moi à Vilnius. J’ai été éduqué à la slave, j’ai du sang de l’Est en moi, tu sais… Et puis les filles ici, c’est vraiment le plus du pays. J’ai rencontré des Français, ils m’ont fait la même réflexion… Bon, cela dit, c’est clair que je ne ferai pas toute ma vie ici, je considère ce club comme un tremplin. Je sais que la A-Lyga est regardée par les championnats chypriote et grec. J’espère rebondir rapidement, mais avant ça, je veux tout casser ici, pour remercier le club d’avoir renouvelé mon contrat pour un an supplémentaire, sachant que j’avais signé pour une saison et que je n’ai pratiquement pas joué pour cause de blessure. C’est quand même une belle preuve de confiance.
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