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Jagdish Basra : « Les clubs commencent seulement à s’ouvrir sur l’aspect psychologique »

Propos recueillis par Thomas Andrei et Alexandre Delfau
Jagdish Basra : « Les clubs commencent seulement à s’ouvrir sur l’aspect psychologique »

La psychologie au cœur football, la psychiatre canadienne Jagdish Basra en a fait son cheval de bataille. Son dernier fait d'armes : faire partie du staff de David Martindale au FC Livingston, cinquième de Scottish Premiership, et participer à la remontée au classement du club. En 2017, elle avait même cocréé Profile 90, une plate-forme qui utilisait la science et l'analyse Big Data pour détecter les talents à travers les aspects physiques, tactiques, techniques et psychologiques. Si ça n'avait pas marché à l'époque, Jag Basra observe aujourd'hui chez les clubs un attrait de plus en plus important pour la data et la psychologie comme nouvelle tactique pour gagner. Entretien.

Quelle est votre activité principale ?Je suis psychiatre. Je travaille toujours à mi-temps pour la NHS (National Health Service, système de santé publique britannique) et le reste du temps dans le monde du football. Je travaille sur la performance dans le domaine psychologique et je fais aussi de la santé mentale. Avant mes études de médecine, j’ai obtenu un diplôme en microbiologie, immunologie et psychologie. J’ai été et je suis conférencière auprès de diverses entreprises et organisations dont les fédérations irlandaise et nord-irlandaise de football pour les diplômes d’entraîneur. J’ai aussi travaillé avec des clubs de Premier League et de Championship sur les performances et l’encadrement des joueurs. Après la fermeture de Profile 90, j’ai créé ma propre société de conseils et je travaille principalement avec le FC Livingston et la fédération nord-irlandaise. J’ai entre autres travaillé avec Harry Kewell, Luis García, Dara O’Shea, Carlo Cudicini et David Martindale.

C’est super de voir comment un petit club peut utiliser l’aspect psychologique même pour une petite période, car je ne travaille avec eux que deux heures par semaine. Et les résultats parlent d’eux-mêmes.

Comment s’est faite votre collaboration avec David Martindale ?Après avoir passé son diplôme avec la fédération nord-irlandaise, David m’a demandé de venir apporter mes compétences au club de Livingston dans le domaine de la psychologie. C’était en octobre 2020, juste avant qu’il devienne entraîneur. On a discuté, savoir ce que je pourrais faire pour le club. Et depuis nous travaillons ensemble. Honnêtement, c’est vraiment super parce que David a une conception particulière de ce qu’est entraîner et gérer un club. Il a compris l’impact que pouvait avoir la psychologie, qu’elle peut changer les gens, changer leurs comportements, leurs performances. Il a aussi compris que ce n’était pas simplement travailler avec les joueurs, mais avec le club tout entier. C’est l’un des premiers coachs avec lequel j’ai travaillé qui a vraiment voulu intégrer ce concept à son coaching. C’est super de voir comment un petit club peut utiliser l’aspect psychologique même pour une petite période, car je ne travaille avec eux que deux heures par semaine. Et les résultats parlent d’eux-mêmes (Livingston est cinquième de Scottish Premiership et était dixième avant l’arrivée de Martindale, NDLR).

Comment met-il à profit votre travail ?Déjà, il est à l’écoute de ce que je dis. Par exemple, certains joueurs ont besoin que leurs actes aient des conséquences pour changer leur comportement, et d’autres qu’on les prenne un peu plus par la main, qu’on les pousse un peu plus et qu’on les encourage. Moi, j’apporte toutes les informations que je remarque sur les joueurs et c’est au coach de décider ce qu’il en fait et qu’est-ce qu’il peut mettre en place pour adapter ses séances en fonction de mes conseils. C’est le fait qu’il ait pris en compte tout ça qui fait que ça a fonctionné pour lui. Lorsque je l’ai rencontré par visioconférence la première fois, en sachant que je m’étais renseignée sur son histoire (en 2006, David Martindale a été condamné à six ans et demi de prison pour participation à une entreprise de trafic de cocaïne et blanchiment d’argent, NDLR), j’ai été impressionnée par son envie et sa détermination. Depuis que je le connais, David a toujours souhaité apprendre et s’améliorer. Il s’est toujours engagé dans ce qu’il faisait. Je suis vraiment très fière de voir sa réussite en tant qu’entraîneur, mais j’ai aussi hâte de voir jusqu’où il peut aller.

On peut lister tellement de joueurs qui avaient du talent, mais qui l’ont gâché.

Parlons de Profile 90. Pouvez-vous nous dire en quoi ça consistait ?Profile 90 a été créé en 2017 avec mon associé Trevor Keane, responsable du développement commercial. Nous nous sommes demandé comment se mettre dans l’esprit du joueur et quantifier cela ? Comment mettre de vraies données objectives dessus ? Ce qu’on essayait de faire, c’était de capturer les aspects physiques, tactiques, techniques et psychologiques, car ce sont quatre piliers. Dans le football, les gens se concentrent tellement sur les aspects physiques, tactiques et techniques, mais combien accordent-ils de temps à l’aspect psychologique ? Pourtant, quand tu parles aux clubs, aux coachs, ils te disent tous que l’esprit ou l’attitude du joueur est soit sa plus grande force, soit sa plus grande faiblesse. On peut lister tellement de joueurs qui avaient du talent, mais qui l’ont gâché ou qui n’ont pas atteint le maximum de leur potentiel. Certains joueurs, au sein d’un club, n’arrivent pas à accomplir beaucoup de choses, et puis vont en accomplir d’incroyables dans un autre. Mohamed Salah en est le parfait exemple. Donc la question est : qu’est-ce qui fait que certains joueurs arrivent à réussir dans certains clubs et pas dans d’autres ? La réponse est tout simplement dans l’aspect psychologique. Avec Profile 90, on essayait d’apporter un point de vue objectif à l’aspect psychologique. On voulait trouver quel était la personnalité type qui pourrait engranger du succès dans le football. Le but était donc de pouvoir déterminer un profil type à chaque poste grâce à la data et les statistiques. Depuis, notre société a fermé pour la raison suivante : nous étions trop avant-gardistes. Quand nous approchions des clubs, ils ne comprenaient pas et n’adhéraient pas à notre concept. C’était quelque chose de nouveau, et donc qui leur faisait peur. Souvent, l’aspect psychologique est un sujet délicat. Mais les clubs sont plus intelligents maintenant. Ils veulent des données et commencent seulement à s’ouvrir sur l’aspect psychologique. Je pense que si nous avions pensé à Profile 90 maintenant, cela aurait marché immédiatement. Le but était de leur donner plus d’informations qui les aideraient à trouver des joueurs qui seraient plus adaptés. Depuis, plusieurs entreprises similaires à Profile 90 ont vu le jour et connaissent un grand succès.

Je crois que la science permet de donner des éclairages. Les autres sports sont en avance là-dessus, donc je pense que le foot est seulement en train de rattraper son retard.

Que pensez-vous de l’arrivée en début d’année de l’astrophysicienne Laurie Shaw dans le staff de Manchester City, pour diriger une équipe d’analystes de données pour améliorer les performances des joueurs ?J’ai entendu parler d’elle. Je ne la connais pas personnellement, mais j’ai lu des articles à son sujet. Pour moi, sa nomination est vraiment un signe que le foot est en train de changer, de prendre une nouvelle direction. Le foot recherche des résultats plus concrets sur la performance des joueurs et de l’équipe. On veut se servir de ces éclairages pour améliorer le recrutement de nouveaux talents. Je pense que cette nomination révèle que les clubs ont pris conscience qu’ils sont vraiment en retard dans ce domaine. Cela peut être rectifié très rapidement selon moi, mais le challenge réside dans l’ouverture à de nouvelles idées au sein des clubs.

Ne pensez-vous pas au contraire que la data contribue à la déshumanisation du football ?Je crois que la science permet de donner des éclairages. Par exemple, quand je travaille avec des clubs et des joueurs, je leur dis : « Voilà les résultats, tout dépend de ce que vous allez en faire à présent. » Il y a de plus en plus de personnes dans le foot qui possèdent l’esprit business et qui recherchent des moyens de gérer le foot comme une entreprise à succès. Nous savons que la data permet cela. Tout le monde sait que c’est la direction vers laquelle le monde tend, la data et les statistiques sont partout. Les autres sports sont en avance là-dessus, donc je pense que le foot est seulement en train de rattraper son retard.

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Propos recueillis par Thomas Andrei et Alexandre Delfau

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