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Jack Harrison, l’Amérique pour vivre son dream
West Ham ne l’oubliera pas. Bourreau des Londoniens grâce à son triplé dimanche, Jack Harrison s’impose comme un titulaire indiscutable sur le côté gauche du Leeds de Marcelo Bielsa. Une réussite qu’il doit avant tout au choix, aussi compliqué qu'audacieux, fait par sa mère alors qu'il n’était qu’un adolescent : lui faire traverser l'Atlantique pour rejoindre les États-Unis et jouer au football. Ou plutôt au soccer.
« C’est une sensation extraordinaire. » Jack Harrison ne fait pas dans l’originalité après avoir inscrit, à 25 ans, son premier triplé sur la pelouse de West Ham dimanche 16 janvier. Tout ça alors que sa carrière était jusqu’ici plutôt atypique. La faute, ou grâce, à une décision prise par sa mère alors qu’il n’était encore qu’un gamin de Stoke-on-Trent en quête de réussite dans un grand club anglais.
Jumpin’ Jack Flash
Pourtant, Jack côtoyait bien l’élite britannique dans sa jeunesse. À six ans, il effectue ses débuts sous les couleurs de Liverpool avant de signer du côté du rival Manchester United l’année suivante. Debbie Harrison, sa mère, assiste à tous ses entraînements, ou presque. C’est lors d’une de ces séances que lui vient cette réflexion, confessée au New York Times : « Sur le terrain, il y avait des enfants de huit, neuf et dix ans, répartis par groupe d’une vingtaine. Et je pensais : ils n’en recherchent qu’un, un seul qui sortira du lot et ils seront heureux. » Avant de comparer ces académies à des « usines » dans lesquelles « les enfants deviennent des numéros ». Après des heures de recherche, Debbie Harrison « a décidé ce qui s’est avéré être un sacré pari », révèle Dan McElroy, professeur d’éducation physique de Jack : elle va envoyer son fils aux États-Unis.
T’es mauvais, Jack
Séparée du père de Jack et issue de la classe ouvrière, la maman ne dispose pas des 50 000 dollars nécessaires à la scolarisation de son rejeton. Avec l’appui des rapports de United le décrivant comme « habile balle au pied », elle convainc l’école de Berkshire de prendre en charge ces frais. À 14 ans, Jack traverse, seul, l’Atlantique pour rejoindre le Massachusetts et le Black Rock FC. Cinq ans plus tard, ses facilités physiques impressionnent : il devient le joueur numéro 1 de Berkshire au squash et établit le meilleur chrono sur une course de VTT locale, deux activités qu’il n’avait jamais pratiquées en Angleterre. Côté ballon rond, il reçoit le trophée de meilleur lycéen de l’année. Cette récompense lui ouvre grand les portes de l’université de Wake Forest, en Caroline du Nord, à l’été 2015. Lors d’un entraînement l’hiver suivant, en l’observant, Bobby Muus, son nouveau coach, glisse à son assistant : « Je ne pense pas qu’il sera encore avec nous la saison prochaine. » Il ne se trompe pas.
Harrison forge
« Avec le choix numéro un, les Chicago Fire sélectionnent… Jack Harrison. » 14 janvier 2016, le jeune Anglais de 19 ans devient le premier Européen à atteindre le sommet de la draft en MLS. Dans le cadre d’un échange, il prend la direction du New York City FC. Parmi ses nouveaux coéquipiers, un certain Frank Lampard ne cache pas son admiration pour son parcours. « Il faut rendre hommage à un parent qui veut le meilleur pour son fils plutôt que de tout miser sur le fait qu’il devienne la prochaine star de Manchester United », assure la légende des Blues qui, lui, croque dans la Grosse Pomme pour finir sa carrière. À l’automne 2017, Jack Harrison, bien installé sur le flanc gauche new-yorkais, reçoit sa première convocation avec les Espoirs britanniques. De retour d’un déplacement, plus long que prévu à Chicago, il manque son vol : « J’ai tenté de contacter la FA, mais c’était au milieu de la nuit là-bas et je n’ai eu personne, explique-t-il.J’ai décidé de réserver le premier vol, le lendemain matin, il coûtait 1500 dollars, mais je devais le faire. »
Quelques mois plus tard, il revient là où tout a commencé, ou presque, en signant à Manchester City. Prêté à Middlesbrough puis deux fois à Leeds, il découvre, en même temps que les pelouses de Championship, que, contrairement aux États-Unis, la bienveillance n’est pas toujours de mise. « J’ai été obligé de supprimer mes comptes. C’était quelque chose de nouveau pour moi, c’était dur, mais ça vous rend plus fort en tant que joueur », avoue-t-il à ESPN. Le jeune Britannique ne porte finalement jamais le maillot des Citizens, mais commence à se faire remarquer avec Marcelo Bielsa et les Peacocks. Cent trente-huit matchs avec les Whites plus tard, reste encore un rêve – anglais cette fois – à réaliser : être appelé avec les Three Lions. Mais Jack ne sait que trop bien que les chemins les plus courts ne sont pas forcément les plus sûrs.
Union Jack.
Par Florian Porta
Propos issus du New York Times et d'ESPN.