J-P Louvel : « Les joueurs se grillent beaucoup trop tôt»

{Les vacances sont définitivement terminées maintenant…}

On ne peut pas dire qu’il y ait véritablement de vacances. L’été, c’est lapériode la plus active pour discuter, négocier, recruter et préparer la saison à
venir. On peut changer le décor de fond, pour s’oxygéner un peu, mais letéléphone continue de fonctionner en permanence. Etre président, c’est de tous
les instants. Il faut être présent et prêt à toute éventualité parce quel’actualité du foot évolue quasiment toutes les heures.

Le mercato n’a pas été très agité au HAC (3 recrues pour 3 départs, ndlr). Vous
souhaitiez particulièrement cette stabilité ?

Oui et non. Aujourd’hui la réalité pour nous, c’est un marché très calme, quin’a pas apporté ce que certains joueurs espéraient. Toutes les attentes n’ont
pas trouvé de réponses, et il faut faire avec cette donnée. Mais tout n’est pasfigé, il reste encore du temps avant le 31 août et il y aura encore probablement
du mouvement au Havre, si le marché le permet.

Justement, qu’est-ce que vous inspire ce marché de plus en plus dominé par les
grosses écuries qui n’hésitent plus à investir énormément pour recruter ?

Je pense que ce marché n’est pas bon, car il n’est pas raisonnable. Des sommesastronomiques sont échangées pour quelques joueurs et entre quelques clubs. On
aurait pu espérer que ça se répartisse après coup, pour que cela permette auxautres clubs de s’y retrouver. Malheureusement non. Du coup, ça met en
difficulté le reste, c’est-à-dire la majorité des clubs. Et puis, ce n’estjamais bon pour l’image, les gens ne comprennent pas les sommes qui sont mises
en jeu, et je les comprends.

On assiste à une déviance que vous semblez regretter…

Oui, plus on va vers ce football qui tient par l’économie, plus ça rend leschoses compliquées pour certains clubs et notamment pour nous. Par son évolution
structurelle et économique, le foot n’est plus régi que par les résultats. Ilfaut que ce soit immédiat, il y a de l’impatience à tous les niveaux, aussi bien
chez les supporters que chez les actionnaires. L’environnement général n’accepteplus les échecs. Ca devient de plus en plus compliqué de préserver un minimum de
valeurs humaines et sportives. Je le déplore parce qu’on oublie qu’on peut aussiperdre et que la défaite fait partie du sport. Pour qu’il y ait une victoire, il
faut qu’il y ait un perdant. Et s’il y a un perdant, ça veut dire qu’il y en aun qui souffre. Et je pense que le sport, c’est aussi souffrir dans la défaite.
Pour autant le sport reste beau. Les gens qui le pratiquent doivent rester danscet esprit-là, et ceux qui l’entourent devraient avoir cet esprit-là.
Aujourd’hui la défaite ne fait plus partie de la vie du sport. Il n’y a qu’àvoir dans la presse, celui qui perd est tout de suite mis plus bas que terre.
Regardez Strasbourg, qui a perdu à Laval hier soir. Ca peut arriver à tout lemonde de perdre à Laval. Et bien ce matin, toute la presse descend Strasbourg.

Le HAC ne souffre-t-il pas aussi de son image, cette étiquette de « doyen du
foot français » étant un peu lourde à porter ?

Non je ne crois pas, parce qu’on ne communique pas trop là-dessus. Bien sûrqu’on a une histoire, mais on a aussi autre chose à construire et on essaye de
se projeter vers cela. En fait, le Havre ne se démarque pas par cette étiquettemais par une culture très particulière et compliquée. Réussir au Havre n’est pas
simple. Le HAC, dans tout ce qu’il a fait, a toujours choisi une voieintermédiaire. C’est le cas au niveau du capital par exemple : au lieu d’avoir
un actionnaire majoritaire, on a un capitalisme beaucoup plus large avec 220actionnaires, dont aucun n’est en position de force. C’est un choix politique
par rapport à la culture de la ville. Est-ce que ça a été le bon choix ? pourl’instant, les résultats ne le démontrent pas.

Que cherchez-vous à faire évoluer à travers le cas Paul Pogba, 16 ans, qui vient de signer à Manchester United ?
Le respect, d’abord. Quand des parents et un jeune s’engagent avec un club,chacun sait à quoi il s’engage. Et je trouve scandaleux que ces personnes qui
ont signé un contrat n’aillent pas au bout de cet engagement. Après, dans lefond, tout cela doit servir à montrer aux instances les défauts dans la
formation en France. Avant la formation allait jusqu’à 21 ans, et le joueurétait obligé de signer son premier contrat dans son club formateur. Maintenant,
cela n’est plus possible et avec le système actuel, les joueurs se grillentbeaucoup trop tôt.

Que répondez-vous à l’US Torcy (le club auquel appartenait Pogba avant de partir
au Havre, ndlr) qui vous accuse d’avoir employé les mêmes méthodes que cellesque vous dénoncez ?

Je n’ai même pas envie de répondre, parce que quand on connaît le dossier, on nese permet pas de dire des choses pareilles. C’est très simple ce qui se passe
avec les clubs amateurs. Il existe des éducateurs, des dirigeants qui ont desintérêts pour que leurs joueurs partent dans certains clubs pour toucher de
l’argent. Et le HAC n’a jamais donné d’argent à personne, et ça dérange.