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Ivanović rend les clés
Après les départs d’Oscar et d’Obi Mikel, Branislav Ivanović a lui aussi dit adieu à Chelsea. Mais cet au revoir s’inscrit davantage dans la lignée de ceux de Didier Drogba et Frank Lampard et confirme définitivement le changement de cycle des Blues.
Au moins, il aura pu terminer sur une note positive, à la hauteur de son long passage à Londres. Pas par une titularisation, non. Mieux que ça. Entré à l’heure de jeu contre Brentford en FA Cup, Branislav Ivanović a croqué ses trente dernières minutes de jeu sous le maillot bleu de parfaite manière. Sous le regard d’un Stamford Bridge bien conscient d’assister à l’ultime apparition de son joueur, ce dernier use son couloir droit comme à ses plus belles heures. Se projetant constamment vers l’avant sans être pris à défaut derrière, il inscrit le troisième but des siens d’une jolie frappe. Puis provoque un penalty transformé par Michy Batshuayi. Les sourires ne sont pas au rendez-vous, car il sait. Tout le monde sait, d’ailleurs. Le latéral quitte les Blues. Tout en sobriété. Comme souvent.
Dans le grand Chelsea de ces dix dernières années, il y avait John Terry, Frank Lampard et Didier Drogba. Derrière, il y avait Ivanović. Arrivé en janvier 2008 en provenance du Lokomotiv Moscou pour moins de quinze millions d’euros, le Serbe n’aura mis qu’un an et demi pour devenir indispensable. Le bilan chiffré en dit long sur son règne en Angleterre : 376 rencontres en neuf années, 36 buts, une Ligue des champions, une Ligue Europa, deux championnats, quatre coupes nationales, deux présences dans l’équipe type de Premier League (2009-2010 et 2014-2015). Utilisé le plus souvent comme arrière droit alors qu’il avait, à l’origine, davantage le profil pour évoluer en charnière centrale, Iva a finalement convaincu tout le monde. À tel point que certains, comme José Mourinho, l’ont vu un instant comme le meilleur latéral droit du monde.
Surtout, Ivanović symbolisait le premier Chelsea de Roman Abramovitch, qui en avait fait son chouchou : imbougeable, super puissant, hyper physique, pas franchement sexy, pas vraiment rapide, un poil catin sur les bords, doté d’une technique moins mauvaise qu’on voulait bien le dire, excellent tactiquement, réaliste dans les grands rendez-vous, imprenable aux duels (notamment aériens), sacrément généreux et combatif dans l’effort comme dans la douleur. Les images qui expliquent le mieux tout cela sont certainement à aller piocher en 2012, un soir de mars où les Blues vont très mal. Mais vont aussi finir par se relever par la force de leurs grognards qu’on pensait terminés. Lors du huitième de finale retour de C1 contre Naples (3-1 pour les Italiens à l’aller), Chelsea se révolte pour ce qui sera le match référence de son tournoi remporté à l’arrachée. Les leaders Drogba, Lampard et Terry remettent les deux équipes à égalité (3-1 après 90 minutes). Et qui est là pour donner la qualification après 105 minutes de dur labeur ? Branislav, fidèle au poste. Drogba/Lampard/Terry/Ivanović, carré gagnant.
Alors évidemment, le départ du spetsnaz pour le Zénith Saint-Pétersbourg, où il a signé pour deux ans et demi, peut sembler triste. Surtout quand on sait que le joueur n’a pas eu le temps de saluer ses anciens partenaires. Surtout quand on sait que le joueur était encore titulaire en début de saison. Mais voilà, les équipes de football fonctionnent par cycle et celui de Chelsea vient officiellement de s’achever après les adieux de Lampard, Drogba, Mikel et Ivanović, remplacé par la nouvelle ère Antonio Conte. L’entraîneur italien, qui a bien remarqué que l’homme de trente-deux ans n’avait plus le niveau pour les nouvelles ambitions bleues (un constat déjà plus ou moins fait par son prédécesseur Mourinho la saison dernière), ne fait pas dans les sentiments et lui a parfaitement fait comprendre que le projet à venir n’était pas pour lui. Sur ce coup-là, comme avec Terry d’ailleurs, le technicien a eu raison. Pour garder le meilleur des souvenirs, il faut éviter le pire et savoir refermer la porte. Iva a gardé les clés avec confiance pendant près de dix ans, il était simplement temps de les redonner.
Par Florian Cadu