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Italie et Serie A, la tentation de la reprise
À l’arrêt depuis le 9 mars, la totalité des clubs de Serie A veulent reprendre le championnat alors que les entraînements collectifs doivent être ré-autorisés à partir du 18 mai. Sauf que le ministre des Sports Vincenzo Spadafora, assailli de critiques de dirigeants, joueurs ou entraîneurs du Calcio et même de la classe politique transalpine, tient bon contre vents et marées : la reprise n'est toujours pas d'actualité.
Dehors, enfin. Une semaine après la fin du confinement national imposé par le gouvernement, la Botte veut regoûter à ces petites choses de la vie dont cette saleté de Covid-19 l’a privée. Parmi ces petits plaisirs du quotidien, il y en a un avec lequel on ne transige pas de l’autre coté des Alpes : le football.
Quatrième pays au monde ayant recensé le plus de personnes touchées par le virus (environ 219 000) et de décès liés à la maladie (un peu plus de 30 000), l’Italie pourrait légitimement opter pour un scénario à la française ou à la néerlandaise en arrêtant la Serie A. Sauf que, contrairement à la France où de nombreux présidents de Ligue 1 avaient sagement accepté la décision du gouvernement, le Calcio semble parti pour se bastonner jusqu’au bout avec les autorités afin de voir le bout de la compétition et des droits TV qui vont avec.
Spadafora, cible prioritaire
L’illustration la plus évidente du phénomène ? Les attaques récurrentes dont a fait l’objet le ministre des Sports, Vincenzo Spadafora, et sa politique. Alors que les entraînements collectifs doivent reprendre le 18 mai, les pouvoirs publics italiens se refusent pour l’instant à déterminer une date de reprise du championnat. Spadafora est catégorique : « La reprise du championnat n’est pour l’instant pas vraiment évoquée. » Voilà qui ne fait pas du tout les affaires des clubs de Serie A, qui font front commun pour aller au terme de l’exercice en cours : les vingt clubs de l’élite ont ainsi voté en faveur d’une solution qui verrait la saison aller à son terme, lors d’une réunion en visioconférence le 21 avril. Nombreux sont ceux, également, qui ne se sont pas privés pour tirer quelques balles rhétoriques sur Spadafora et le gouvernement.
Certains ont dégainé avec élégance et sobriété, comme Ciro Immobile : « Je n’essaye pas d’attiser les ennuis, je demande juste une certaine clarté en tant que citoyen italien. J’exerce une profession, et j’attends des nouvelles sur quand je pourrai retourner au travail… Tous les autres joueurs des différents clubs à qui je parle ressentent la même chose : nous voulons sortir. » L’entraîneur de la Roma Paulo Fonseca et le Misterde Cagliari Walter Zenga ont, de leur côté, déjà critiqué la date de reprise des entraînements. Trop tardive, selon eux.
« Spadafora n’est pas le maître du football »
Paolo Maldini, désormais directeur sportif de l’AC Milan, joue lui les oiseaux de mauvais augure en cas d’arrêt définitif de la compétition : « Il faut prendre des précautions, mais ne pas reprendre serait un désastre… La France a eu tort de décréter l’arrêt de ses championnats, mais quel que soit le verdict du gouvernement, nous l’accepterons. » La classe politique a ajouté son grain de sel à un débat déjà très épicé, à l’image des déclarations du leader d’Italia Viva et ancien président du Conseil italien Matteo Renzi : « Mais comment Spadafora ose-t-il dire que nous ne pouvons pas parler de reprise ? Pourquoi un ministre de la République se permet-il de dire qu’on ne parle pas de football ? Il peut donner son avis, mais il n’est pas le maître du football. Il y a des clubs de Serie A, B, C, le monde amateur… Il y a des intérêts qui bougent, derrière cette histoire. Je dis au ministre des Sports qu’on parle de tout en démocratie, et qu’un ministre ne décide pas tout seul. »
Enfin, Gabriele Gravina, le président de la Fédération italienne de football, a clairement choisi son camp le 20 avril dernier. « Il y a deux courants de pensée : celui pour lequel toute l’activité liée au monde du sport devrait être arrêtée et un courant, que je soutiens, en faveur d’un maintien des activités sportives…Je ne serai pas le fossoyeur du football italien. Il y aurait un impact négatif important sur le secteur, mais aussi sur le pays, étant donné que nous générons environ cinq milliards d’euros. »
Après l’attente, l’attente
Ciblé de toutes parts, le ministre des Sports transalpin a accordé une interview au Corriere della Sera pour remettre les choses au point. À l’entendre, « la majorité des Italiens ne voit pas d’un bon œil la reprise du championnat… Je suis conscient que le Calcio est une entité importante pour le pays : les intérêts économiques des clubs sont légitimes, mais lorsque vous passez à d’autres types d’attaques, de pressions et d’instrumentalisation, cette attitude n’est bonne pour personne. » Le principe de précaution sanitaire auquel tient Spadafora semble, de fait, toujours d’actualité : la semaine dernière, ce sont respectivement trois joueurs de la Fiorentina et de la Sampdoria qui étaient testés positifs au Covid-19 (d’autres cas avaient aussi été recensés au sein des staffs des deux formations). Tout comme un joueur du Torino.
En attendant que le gouvernement italien se décide ou non à mettre un terme à la Serie A, les clubs vont sûrement encore grincer des dents, alors que Sandra Zampa, la secrétaire d’État à la Santé italienne, continue de temporiser. « Nous devons prendre en compte un autre élément : ce qu’il va se passer avec le début du déconfinement. Nous savons qu’il faut environ quinze jours pour en connaître les effets. L’épidémie sera-t-elle toujours sous contrôle ? Si c’est le cas, nous poursuivrons le déconfinement. Y compris pour le football. »
Par Adrien Candau
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