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Italie-Espagne 2004 : la dernière cape de Baggio
Cet Italie-Espagne d'avril 2004 ne devait être qu'un amical. Mais il est surtout devenu le dernier match de Roberto Baggio avec la Nazionale. Pour un dernier tour de piste et, surtout, cinq ans après sa dernière convocation.
Le CV de Roberto Baggio avec la Squadra Azzurra est du genre à affoler les Wikipedistas les plus assidus : il y a bien sûr les premiers pas en sélection en 1988, la révélation aux yeux du monde lors de la Coupe du monde 1990 ou la non-sélection à l’Euro 96, mais il y a surtout son rôle essentiel dans le parcours de l’Italie en 94 (avant d’en être le héros malheureux face au Brésil en finale), les neuf buts inscrits en phase finale de Coupe du monde ou encore l’hommage bien senti de son sélectionneur, Giovanni Trapattoni, en 1993 : « J’ai travaillé avec Rossi, Platini, Bettega, Boniek et Matthaus. De tous, Baggio est le plus fort balle au pied. » Bref, ce bon vieux Roberto n’est pas un joueur lambda, c’est un mec capable de tutoyer l’excellence presque à chaque sélection et à qui il convenait de rendre dignement hommage lors de son dernier match sous le maillot azzurro.
« Maradona + Pele = Baggio »
La scène se passe le mercredi 28 avril 2004 à Gènes, au stade Luigi Ferarris, face à l’Espagne. Ce soir-là, l’Italie compte ses absents (Totti, Nesta, Toldo, Gattuso et Cassano) et le sélectionneur Giovanni Trapattoni a l’idée de rappeler le Ballon d’or 1993. Pour combler les trous, mais aussi pour service rendu. Roberto Baggio, 37 ans, est censé mettre un terme à sa carrière à la fin de la saison. Il n’a plus joué avec la Squadra Azzurra depuis le 31 mars 1999 face à la Biélorussie lors des éliminatoires de l’Euro 2000, mais le quatrième meilleur buteur de l’histoire de la Nazionale se dit prêt à aller à l’Euro 2004 s’il le faut. « Si je peux encore donner un coup de main à l’Italie, je le ferai avec plaisir » , clame-t-il fièrement, avant de préciser, histoire d’être diplomatique, que « c’est Trapattoni qui décide » .
Fatalement, le match face à l’Espagne est un événement. Quelques heures avant la rencontre, le maillot de la Nazionale frappé du numéro 10, et floqué au nom de Baggio, se vend par centaines, le stade est plein à craquer (30 300 supporters ont répondu présent) et les banderoles en hommage à « Roby » fleurissent au sein des tribunes : « L’Italie sans Baggio, c’est comme les poires sans fromage » , « Maradona + Pele = Baggio » , « Le monde t’a apprécié, l’Europe t’a admiré, l’Italie ne t’oubliera jamais, bon retour Roby Baggio ! » , « Avec Baggio dans la Nazionale, nous pouvons conquérir l’Europe » , « Baggio à Lisbonne ! » , « Sans Baggio, l’Euro ne m’excite pas » …
« Je ne peux rien dire d’autre que : merci »
Sur le terrain, c’est loin d’être aussi dingue, mais Roberto Baggio fait le job comme on dit. En début de match, il sert en retrait Zambrotta avant de laisser filer entre les jambes le centre de ce dernier pour que Perrotta puisse armer sa frappe, détournée de justesse par un défenseur espagnol. En deuxième mi-temps, c’est pareil. Désormais capitaine, pour la seconde fois de sa carrière internationale à la suite de la sortie à la pause de Fabio Cannavaro, il est lancé en profondeur à la 67e minute, élimine de justesse Casillas sans pour autant parvenir à redresser le ballon. Hormis un coup franc à la 85e minute, c’est la dernière véritable action de Baggio en équipe nationale. Trois minutes avant le coup de sifflet final, il est remplacé par Miccoli sous un tonnerre d’applaudissements à faire jalouser Angelo Peruzzi, lui aussi de retour en sélection après quelques années d’absence.
De Zidane à Ibrahimović, nombreux sont les grands joueurs à avoir quitté la sélection par la petite porte, mais il faut croire que Baggio est encore d’une autre espèce. Sa 56e et dernière cape, c’est sous les honneurs de supporters venus de toute l’Italie que ce baroudeur (passé par Vicence, la Fiorentina, la Juve, l’Inter ou encore Brescia) l’a passée. Même si lui, à l’issue du match, préférait se la jouer modeste : « Que voulez-vous que je dise ? Je ne peux rien dire d’autre que : merci ! Cette soirée a été magnifique pour moi. Je suis un peu déçu d’avoir manqué ma dernière occasion, car j’aurais aimé offrir un but au public. Le match n’a pas été évident face à une équipe composée de joueurs de très grande qualité. Je dirais que nous avons réalisé un match discret. Pour ma part, je suis très heureux d’avoir pu jouer jusqu’aux tout derniers instants du match, je m’attendais à sortir plus tôt. Aujourd’hui, ma décision est mûrement réfléchie et je ne reviendrai plus en arrière. »
Par Maxime Delcourt