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Italians do it better in Chelsea
Modelé depuis la fin des années 1990 par une tripotée de Misters, de Vialli à Ranieri en passant par Conte, Chelsea entretient un flirt tenace avec l'Italie. La venue de la Roma ce mercredi soir à Stamford Bridge est donc l'occasion de revenir sur une idylle qui dure. Un crush qui débute par l'arrivée en Angleterre, non pas d'un Italien, mais d'un Hollandais : Ruud Gullit qui signe avec les Blues un jour d'été 1995.
S’il y a bien une chose dont la Roma n’a pas à se préoccuper à l’heure de se déplacer à Londres pour défier les Blues, c’est de la qualité de l’accueil. Car Chelsea a l’habitude de parler italien. Entre les Londoniens et les Transalpins, la tradition perdure. Ces vingt dernières années, Chelsea a vu défiler sur son banc pas moins de cinq Italiens, qui ont remporté près de la moitié des trophées majeurs de l’histoire du club. Mais aussi façonné le style et l’identité de la formation anglaise, dont le passif un peu banal souffrait de la comparaison avec les autres mastodontes du championnat.
Le précurseur Gullit
Au milieu des années 1990, Chelsea n’est encore qu’un club standard de Premier League, qui n’a remporté qu’une seule fois le championnat et la Cup. Le club n’a pourtant pas attendu l’arrivée de Roman Abramovitch pour se refaire une beauté et entame sa renaissance avec l’arrivée de Ruud Gullit en 1995. Un Hollandais parfumé à l’Italie, où il a évolué pendant huit ans et remporté quasiment tous les trophées majeurs avec l’AC Milan. Rapidement nommé entraîneur-joueur des Blues en 1996, le Néerlandais ne tarde pas à « italianiser » le club londonien en faisant jouer ses relations pour recruter Roberto Di Matteo, Gianluca Vialli et Gianfranco Zola.
« Ces trois joueurs sont venus grâce à l’influence de Gullit, se remémore Garry Hayes, écrivain fanatique des Blues, notamment auteur d’un ouvrage sur John Terry. Il a pu prospecter en Serie A, un marché qu’il connaissait très bien… D’autres joueurs de Serie A ont aussi suivi le mouvement, comme Desailly en 1998. » Un pari gagnant sur toute la ligne. Chelsea remporte la FA Cup en 1997 et termine quatrième du championnat l’année suivante. Si Gullit quitte finalement le club en 1998, son héritage demeure. Gianluca Vialli lui succède à la tête des Blues, toujours dans un rôle d’entraîneur-joueur. Avec un succès certain, puisqu’il remporte une C2 et une League cup avec les Londoniens.
Little Italy
La hype transalpine est définitivement lancée. Les fans des Blues sont conquis par l’Italian touch qui colle désormais à la peau de leur formation. Un particularisme qui leur permet de se démarquer de la concurrence. « En fait, quand les premiers Italiens de Chelsea sont arrivés, je me souviens qu’il y avait un certain cynisme de la part des gens étrangers au club. Beaucoup de personnes les accusaient de venir uniquement pour l’argent, pose Dan Levene, journaliste et supporter de longue date de Chelsea. Mais ça ne pouvait pas être plus loin de la vérité, quand on voit ce que des types comme Vialli, Zola et Di Matteo ont fait pour le club. A contrario, les fans de Chelsea ont tout de suite été très excités par la venue des Italiens. Depuis, c’est resté, Chelsea est devenu le club de la dolce vita. » Gianfranco Zola participera comme personne à faire de Chelsea le Little Italy d’outre-Manche, en devenant le joueur le plus aimé de toute l’histoire du club. L’ancien Parmesan y passe sept saisons, gagne plusieurs trophées et inscrit un paquet de buts restés dans la mémoire collective des supporters, comme ce bijou de finesse technique face à Manchester United, en 1997.
Le flirt que les Blues entretiennent avec l’Italie se poursuit dans les années 2000 et 2010. Il se manifeste surtout à travers le savoir-faire technique des Misters qui se succéderont sur le banc de Chelsea. Claudio Ranieri participe d’abord à stabiliser le club dans le top quatre du championnat et, avec lui, émerge un plan de jeu plus tactique, défensif et calculateur que ce à quoi la Premier League est habituée – Chelsea termine seconde meilleure défense du championnat en 2003, puis 2004 – et qui sera prolongé et perfectionné avec brio par son successeur, José Mourinho. Un style plus cynique, très italien dans l’esprit, duquel Carlo Ancelotti, à la tête de Chelsea de 2009 à 2011, s’éloignera en remportant la Premier League en 2010 avec pas moins de 103 buts inscrits. Mais pas Roberto Di Matteo, qui offre la première C1 de son histoire au club londonien en bétonnant son arrière-garde. Antonio Conte, nouveau grand manitou des Blues depuis 2016, avec qui il remporte sans attendre la Premier League, incarne, lui, le technicien italien moderne, obsédé de tactique, mais aussi capable de faire développer à ses équipes un jeu à la fois vertical et spectaculaire.
La tête et les jambes
De quoi inspirer à Gianluca Vialli un livre, The Italian Job, dans lequel il théorise les qualités complémentaires qu’Italiens et Anglais peuvent combiner, pour trouver une harmonie unique sur le pré. Extrait : « L’Italie a une bien plus grande diversité tactique. Quand un entraîneur change de formation là-bas, il est perçu comme quelqu’un qui cherche des solutions. En Angleterre, on le voit plus comme un petit bricoleur sans envergure… Cependant, en Italie, ce n’est pas la fierté qui nous pousse à travailler plus dur : c’est la peur de perdre et de la critique qui s’ensuit. Cette terreur se ressent même avant le match. C’est un environnement étouffant. En Angleterre, avant un match, tout le monde est tranquille. Les Anglais savent qu’après avoir tout donné pendant le match, il n’y a plus rien à redire… En résumé, les Italiens jouent avec leur tête, tandis que les Anglais jouent avec leur cœur. » Un mélange de culture dont Chelsea a historiquement su faire une force inédite. Les années passent, mais le mot d’ordre des Blues reste le même : « Italians do it better » .
Par Adrien Candau
Propos de Garry Hayes et Dan Levene issus de readchelsea.com, ceux de Gianluca Vialli isus de The Italian Job.