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Issa Diop : « Jouer le maintien a peut-être été une chance pour moi »
Trois saisons en Ligue 1 à Toulouse, et deux maintiens acquis sur le fil lors du dernier match : à Toulouse, Issa Diop s’est forgé un mental (et sûrement plus que ça) avant de migrer vers West Ham. En Angleterre, le grand défenseur s’affirme aujourd’hui comme l’un des meilleurs centraux du royaume. Une adaptation à la PL qui sonne comme une évidence, avant d'aller voir plus haut ? Entretien.
Après ton bon début de saison, à la fin de l’année, tu as été moins bien. Les médias anglais ont écrit que c’était notamment dû à l’absence de ton binôme en défense centrale : Fabián Balbuena. Qu’est-ce que tu en penses ?Non, je ne suis pas d’accord. C’est vrai que j’ai une très bonne relation avec Fab, je crois juste que c’est moi qui étais moins bien. Après, c’est sûr que quand tu changes de partenaire, tu es obligé d’avoir des nouveaux automatismes, de t’adapter. Et en plus, avec son absence, je suis passé de gauche à droite. Mais c’est moi qui étais moins bien, c’est tout.
Comment as-tu fait pour t’adapter si vite à un nouveau partenaire de défense ?C’est du travail. C’est un processus qui est toujours en cours, dans une défense à deux, la complicité est très importante. Tu travailles à deux en général, tu couvres l’autre, l’autre te couvre, donc t’es toujours obligé d’être attentif à ton partenaire pour être complémentaire.
Et pour exprimer au mieux tes qualités, quel type de défenseur il faut à tes côtés ? (Rires.) Franchement, je ne sais pas du tout. Je n’ai pas encore assez d’expérience pour le savoir.
Il y a presque trois ans, avec Toulouse, vous vous sauvez lors de la dernière journée lors de ce match contre Angers (3-2). À 19 ans, pour ta première saison en pro, te souviens-tu comment, mentalement, tu as abordé ce match ?J’ai essayé de jouer ce match comme si c’était un match normal, à gagner. Et j’étais déterminé à sauver mon club. C’est ce qu’on a réussi à faire, donc tant mieux.
Et la saison dernière contre Lille, vous avez vécu une rencontre similaire, avec un résultat différent… (défaite 2-3, N.D.L.R.) C’était un match bizarre, on était menés, ensuite on est revenus à 1-1. Après on a mené 2-1 peut-être trop tôt, parce qu’après, en deuxième mi-temps, on n’a plus réussi à tenir le ballon. On s’est pris des vagues, c’est ce qui a permis à Lille de revenir, puis de gagner le match. Nous, on a joué trop bas, on est restés dans notre surface. Le scénario du match a été important.
On dit souvent que jouer la Coupe d’Europe, c’est le plus haut niveau. Mais au niveau mental, jouer le maintien dès le début de ta carrière avec des matchs aussi intenses, et décisifs, ça a aussi été du très haut niveau pour toi, non ? Mentalement ouais, ça te forme. Peut-être que ce ne sont pas les meilleurs matchs au niveau technique ou tactique. Mais cette difficulté de devoir tout jouer sur un seul match, tu es dans l’adversité. Et dans ces saisons compliquées, tu es obligé de te remobiliser à chaque match, ça permet de vivre le pire dans une carrière de footballeur. Mais quand tu survis, que tu te maintiens, ça te forge pour la suite. Jouer le maintien a peut-être été une chance pour moi.
Et comment mets-tu à profit ces expériences aujourd’hui ? Tu t’exprimes davantage auprès de tes coéquipiers ?Moi, je ne fais pas de grands discours, parce que mon anglais n’est pas encore au top. (Rires.) Mais ces saisons difficiles permettent d’avoir un autre regard sur les choses, et ça te permet de mieux gérer tes émotions.
Pascal Dupraz te nomme capitaine du Téfécé, alors que tu n’as que 20 ans. Tu te souviens de ta réaction ?Je suis fier et heureux, devenir capitaine de son club formateur, dans sa ville de naissance, c’est quelque chose de fort. Après, ce n’est pas parce que j’étais capitaine que je n’allais pas être à l’écoute des plus anciens, de ceux qui ont plus d’expérience que moi. Ils avaient bien évidemment leur mot à dire, et je les écoutais, ils avaient déjà vécu des situations difficiles.
Pour ces joueurs plus expérimentés que toi, ce n’était pas difficile de voir l’un des plus jeunes de l’équipe porter le brassard ?Non, ils l’ont bien pris, je ne suis pas quelqu’un qui a la grosse tête, ou qui se met en avant. Je pense qu’ils m’appréciaient, si ça leur avait posé problème, ils l’auraient dit.
J’ai lu que tu disais que la grande différence entre la Premier League et la Ligue 1, c’était le rythme, et la vitesse des transitions. Comment as-tu changé ton jeu pour pouvoir gérer ça ?La Ligue 1 est plus tactique que le championnat anglais, parce qu’ici il y a beaucoup plus de transitions, et surtout ça va beaucoup plus vite. Ça va tout le temps d’une surface à l’autre. Un défenseur central pour réussir ici, il doit être concentré tout le temps, être attentif aux transitions qui sont très rapides. Aussi parce que toutes les équipes ont des attaquants de très haut niveau.
Ton coach, Manuel Pellegrini, est un ancien défenseur central, vous échangez beaucoup ensemble ? Comment il t’a déjà aidé à progresser ?Oui, il parle beaucoup. C’est un grand entraîneur, je suis à l’écoute, il a ses principes défensifs à lui, et j’essaye de respecter ses consignes. Par exemple, j’essaye de jouer plus haut, d’être plus dans la lecture du jeu, dans l’anticipation.
On dit qu’il est très zen. Il ne se met jamais en colère ?Quand on fait des mauvais matchs, il arrive qu’il se mette en colère. Mais la plupart du temps il est très tranquille, c’est vrai.
Il est plus calme que Pascal Dupraz ?(Rires.) Oui, on va dire que c’est un autre style.
Ton grand-père, Libasse Diop, était également footballeur. Que sais-tu de lui ?Je sais qu’il a joué aux Girondins de Bordeaux, dans les années 1970, mais je ne l’ai jamais rencontré, ma famille et mon père m’en ont parlé, mais je ne sais pas tant de choses que ça en fait.
Et qu’évoque le Sénégal pour toi ? Tu y es déjà allé ?Oui quand j’étais petit, j’y allais tous les étés, c’est le pays de mon père, toute la famille de mon père y vit encore.
Et niveau foot, l’équipe de France, tu y penses ? Dans quels domaines tu dois progresser pour avoir une chance d’en faire partie ?Je dois progresser dans tous les domaines, techniquement, tactiquement. L’équipe de France, c’est le très haut niveau, pour y aller je dois vraiment franchir un palier. On sait que le vivier français est très grand, il y a de la concurrence. Mais c’est bien pour le football français, ce sera plus dur pour le sélectionneur de choisir, et à la fin, il n’y a que les meilleurs qui restent.
Propos recueillis par Romuald Gadegbeku