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Ismaïla Sarr system
La logique et le marché auraient voulu qu’il aille garnir cet été l’effectif d’un gros club, avide de ce genre de profil. Mais l’attaquant sénégalais a fait le choix de continuer sa progression à Rennes. L’occasion de prouver qu’il est plus qu’un adepte du tout-droit.
Ne pas aller où on veut nous amener. Une devise mise en pratique samedi dernier par Ismaïla Sarr, lorsque Benjamin André s’arrache pour récupérer un ballon et le mettre sur orbite côté gauche. La défense angevine et le public rennais s’attendaient à ce que le Sénégalais place une nouvelle accélération, qui aurait pu être létale. Mais l’ailier a levé la tête, constaté qu’il avait peu de solutions au centre, avant de repiquer sur son pied droit. Et dans une déflagration, sa frappe légèrement brossée est venue déchirer la lucarne de Ludovic Butelle et mettre trois points dans l’escarcelle bretonne. « C’est une victoire méritée et c’est mérité que ça soit Ismaïla Sarr qui marque d’un but magnifique » , débriefait Sabri Lamouchi.
Go Fast
« Un exploit personnel » , qui aurait pu finir de convaincre les prétendants de déposer une offre mirobolante sur le bureau d’Olivier Létang pour s’arracher les services du gamin de Saint-Louis, lui qui n’en finit plus de briller après deux saisons en Ligue 1 et Coupe du monde où il s’est révélé au grand public. Gary Lineker a beau être séduit, affirmant sur Twitter qu’il « pourrait être une future star » , plusieurs clubs anglais, allemands et italiens n’ont cessé de faire vibrer le téléphone de son représentant Thierno Seydi, qui avait ouvert la porte aux négociations au début de l’été. Mais non, aucune offre n’a réussi à faire bouger Ismaïla Sarr, qui a choisi de lever le suspense en annonçant mi-août qu’il resterait une saison de plus au Stade rennais, avec lequel il est lié jusqu’en 2021. « Je pense que je vais rester à Rennes, déclarait-il à Ouest-France. Je me concentre sur ma saison et Rennes. C’est trop tôt pour partir. »
Une décision sage et réfléchie en apparence pour ce garçon de 20 ans qui a débarqué il y a à peine 12 mois chez les Rouge et Noir, qui était encore complètement inconnu en mai 2016 et qui vient de loin. À 10 ans, il arrêtait l’école pour devenir apprenti couturier, avant d’aider sa tante à gérer le centre de télécabines à Dakar. Autant dire qu’il restait alors pas mal de chemin pour marcher dans les traces de son père, Abdoulaye, joueur professionnel dans les années 1970 et éphémère sélectionneur national (2005-2006). Mais repéré et poli à Génération Foot, le club annexe du FC Metz basé au Sénégal, Ismaïla Sarr finit par être ce caillou rare trouvé au fond du tamis lorrain, que Philippe Hinschberger expertisera rapidement comme « un diamant brut » . Quelques mois après son arrivée en Moselle, le gamin de Saint-Louis apparaît rapidement comme une évidence pour un promu qui cherche alors à pallier le départ en Angleterre de son leader d’attaque Yeni N’Gbakoto. En concurrence avec son compatriote Opa Nguette, il s’adaptera rapidement aux exigences du foot européen pour attirer la lumière à lui, au point de pousser Rennes à débourser 17 millions d’euros après une saison prometteuse en Ligue 1 (5 buts en 31 matchs).
Quelque part entre Ousmane Dembélé, Thierry Henry et Neymar Junior
Un montant de transfert record pour le club breton, qui lui offre aujourd’hui la possibilité de ne pas brûler les étapes. Alors que Rennes n’avait pu retenir son précédent crack, Ousmane Dembélé parti en 2016 après une saison étincelante à Dortmund, Ismaïla Sarr a encore des attentes à combler. Si sa percussion et sa vitesse sont unanimement reconnues, « Speedy Iso » a encore de la marge pour prouver qu’il a d’autres cordes à son arc. D’ailleurs, Sabri Lamouchi sait exactement comment il veut continuer à le façonner. « J’aime bien le voir partir de derrière, sur un côté, parce qu’il peut rentrer sur son pied droit, il a besoin d’avaler les espaces, expliquait le technicien breton à Ouest-France. Il me fait un peu penser à Thierry Henry, qui à Monaco était joueur de couloir. Arsène(Wenger, à Arsenal) l’a mis joueur de couloir pour à la fin l’utiliser comme attaquant. Mais il faut (à Ismaïla Sarr, N.D.L.R.) plus de maturité, de volume. »
Si la comparaison est élogieuse, elle ne fait que traduire le rôle qu’a aujourd’hui le Sénégalais dans le collectif breton. « C’est notre Neymar à nous » , affirmait Lamouchi en février, à propos des « joueurs créateurs » que les arbitres doivent protéger. Car « Isma » a pris des coups, essuyé des blessures. Et s’il veut prétendre à entrer dans une autre dimension, il faudra également se muscler pour tenir la distance. « Comme d’autres, il faut qu’il soit un peu plus décisif et compétitif, ajoutait ce mois-ci le coach. S’il n’a pas de pépin physique, il devrait marquer et nous faire marquer beaucoup de buts, et permettre à l’attaque de Rennes d’être brillante. Mais il n’y a pas plus de pression sur lui que sur d’autres. » Si ce n’est qu’il reste à ce jour la pierre la plus précieuse dans le coffre rennais.
Par Mathieu Rollinger