- Interview Médias
Isabelle Moreau : «Les larmes de Jacquet…»
Isabelle Moreau, c'était le petit cœur du Canal Football Club. « C'était », parce que la journaliste part officier sur i-Télé, service politique. Avant de nous quitter, elle dresse quand même un bilan de ses trois saisons passées sur le plateau de la messe du dimanche soir.
Isabelle, après trois ans au Canal Football Club, que retenez-vous ?
Je me dis surtout que j’ai énormément appris. Sur les mécanismes du monde du football tout d’abord, mais aussi sur ceux de la télévision. Parce que même si je travaille dans ce média depuis 2000, là c’était quand même un autre monde. Pas que pour moi : il n’y avait pas eu de programme en clair sur le sport aussi costaud proposé auparavant. Alors au début c’est vrai, on a cherché nos marques, mais je pense que le résultat proposé était très intéressant. De mon côté, j’avais bien été préparée, Cyril Linette m’avait fait faire Fabulous Sport, les JO de Pékin … Il y a eu des bonnes émissions, de moins bonnes, mais moi je vois surtout que je me suis fait beaucoup d’amis.
Quels sont les bons et les moins bons souvenirs ?
J’ai beaucoup aimé l’émission avec Cantona. De près, on voit qu’il est fidèle au ton, à la stature que l’on est en droit d’attendre de lui. Pour le reste, on peut nous le reprocher, mais on a toujours cherché à avoir les bons clients, ceux dont on savait qu’ils allaient nous faire rire. Parfois, quand on avait des jeunes joueurs, on savait très bien qu’on n’allait pas avoir droit à des déclarations fracassantes, mais il fallait passer par là. Après, le moment que je retiendrais, je pense que c’est la Coupe du Monde, même si ça s’est mal passé pour les français. Les larmes d’Aimé Jacquet par exemple, on est en direct, mais on sait que c’est un moment historique.
Comment le reste de l’équipe a pris votre départ ?
J’avais fait mon choix depuis quelque temps déjà, mais j’ai attendu le dernier moment pour leur annoncer. Ca leur a fait drôle, ils ne comprenaient pas trop pourquoi je voulais partir. Pour eux, il y avait une super ambiance entre nous donc il n’y avait pas de raison…
Avec ce transfert, vous apportez de l’eau au moulin de ceux qui disent que les hommes vont dans le journalisme sportif par passion, les femmes par opportunisme…
Ceux qui tiennent ce genre de discours, ils se basent sur quoi ? Estelle Denis ? Derrière moi, j’ai dix ans aux services des sports. Je n’aime pas que le foot, je suis aussi le tennis, le rugby … Si j’avais voulu grimper plus vite dans le PAF, j’aurais postulé à la Roue de la Fortune.
Votre remplaçante, Astrid Bard, n’est pas annoncée comme une férue de football …
Je ne la connais pas bien, je ne peux donc que lui souhaiter bonne chance. Elle va être bien intégrée, ça ne fait aucun doute. Après … j’ai l’impression qu’on va encore lui demander d’en faire des tonnes. Pourtant elle a été choisie, elle n’a rien à prouver. Personne ne demande à Dominique Armand quel est son cursus, comment il en est arrivé là. A un moment donné, tu as envie de dire : « Merde, pourquoi est-ce que ça tombe toujours sur moi ? » .
La presse a plutôt été élogieuse vous concernant.
Je suis devenue comme les joueurs de foot, je ne retiens que le négatif. Sérieusement, je trouve que le boulot n’a pas été bien fait. A lire certains papiers, j’avais vraiment l’impression de faire partie d’un quota. C’est comme les gens qui pensaient que Pierre (Ménès, ndlr) faisait exprès de me couper la parole tout le temps. Qu’il ne me respectait pas. On se connaît depuis 10 ans, on est amis en dehors.
En tout cas, cette année, vous êtes arrivée à mettre un ton. Vous avez fait passer vos idées, même si vous vous êtes étonnamment calmée dès janvier sur les matchs du dimanche soir.
Il n’y a pas eu de mea culpa mais la coupe du monde nous avait déjà touchés. A un moment, on s’est dit qu’on allait peut-être tuer le sport qu’on aime. Et ce n’était pas le but. Dans l’émission, celui qui a le ton le plus libre, c’est Pierre Ménès, on a tous essayé de lui emboîter le pas, même si on n’était pas d’accord avec lui sur certains sujets. Ce n’était pas pour massacrer des joueurs ou avoir des têtes de turcs, mais on devait ça aux abonnés. On a fait des reportages un peu tendresse, avec Dumas, avec Bölöni, mais on ne peut pas s’en contenter. Avec le reportage sur Grozny par exemple, on a montré ce que l’on n’avait pas envie de voir. Mais je suis sûr que les abonnés ont préféré ce reportage à une version édulcorée. Et après je pense qu’en France, on est prêt à avoir une émission où on peut dire les choses. Antonetti a été critiqué, il est venu sur le plateau s’expliquer.
Pour finir, maintenant, vous pouvez dire qui vous supportez ?
Ah ben moi je supporte Bordeaux donc cette année, je n’ai pas été gâtée. Par contre, comme tout le monde je pense, j’ai pris beaucoup de plaisir à voir jouer Lille. On verra ce que ça donne l’an prochain.
Propos recueillis par Romain Canuti
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