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Irureta : « Une élimination du Barça entraînerait forcément des changements »
Passé par l'Athletic Bilbao, la Real Sociedad, le Celta Vigo ou le Betis Seville, Javier Irureta est surtout resté dans les mémoires pour sa formidable épopée à la tête du Deportivo La Corogne du début des années 2000. Une merveille d'équipe qui, un soir d'avril 2004, a renversé le grand Milan en quart de finale de la Ligue des champions. Défait 4-1 à San Siro, le Depor s'était imposé 4-0 au retour. Un exploit que le Barça aimerait bien reproduire, ce soir au Camp Nou.
Quels souvenirs avez-vous de la double confrontation contre Milan, en 2004 ?Le match aller, à San Siro, était un peu bizarre. On avait perdu 4-1. Une défaite qui, selon moi, était totalement injuste. Nous avions marqué très rapidement grâce à Pandiani et on tenait bien notre avantage. Mais, au retour des vestiaires, ils ont inscrit trois buts très rapidement. Pourtant dans le jeu, on était loin d’être ridicules. Je crois d’ailleurs que c’est ce qui a fait que l’équipe a commencé à croire en l’exploit pour le retour. Les supporters et les joueurs s’étaient rendu compte que, malgré le résultat, il n’y avait pas une si grande différence entre les deux équipes. Dans un sens, le match aller entre le Milan et Barcelone m’a rappelé notre match à San Siro, en 2004. Le Barça a perdu 2-0 certes, mais le premier but vient après une main scandaleuse de Zapata. Le deuxième arrive après une contre-attaque… Milan méritait peut-être la victoire mais pas avec un écart aussi important. Le Barça n’a pas bien joué, il ne s’est pas créé d’occasion, c’est vrai, mais Milan a aussi été chanceux et a profité d’un arbitrage généreux. Un peu comme le Milan de l’époque. Je ne dis pas qu’ils avaient gagné à cause de l’arbitre mais juste que le score ne reflétait pas vraiment le contenu de la rencontre.
Comment avez-vous abordé le match retour ?Pour nous, c’était très important d’inscrire le premier but très rapidement. On a eu la chance de marquer dès la 5e minute (but de Walter Pandiani, ndlr). Ensuite tout est allé très vite… vous inscrivez un second but, puis un troisième et là vous commencez à y croire sérieusement. Il y avait une ambiance, une atmosphère, très particulières. Pourtant, en face de nous, il y avait quand même le Milan AC, champion d’Europe en titre. Il y avait des joueurs incroyables dans cette équipe : Maldini, Nesta, Dida, Pirlo, Shevchenko, Kaká… Mais nous étions convaincus que l’on pouvait le faire. Et on l’a fait.
« Le premier but sera très important »
Quels conseils donneriez-vous au Barça avant le match de ce soir ?Le Barça doit jouer avec la même envie que nous à l’époque. Il doit marquer dès la première mi-temps et réaliser une pression permanente sur Milan. Le premier but sera très important. S’ils marquent dès le début du match, les Italiens vont trembler. Après, bien sûr, Milan peut marquer deux buts en deux minutes et plier la rencontre… On ne peut jamais savoir. Mais Barcelone n’a pas le choix, il doit tenter le tout pour le tout. Pour moi, c’est évident que Milan va jouer replié en défense. Un peu comme à San Siro d’ailleurs. Après, il faudra que le Barça fasse attention aux contres, qu’il ne laisse pas beaucoup d’espaces aux attaquants italiens. Le problème, c’est que, cette saison, ils ont de gros problèmes défensifs. Excepté la dernière rencontre de Liga contre le Depor (2-0, ndlr), ils prennent des buts pratiquement à tous les matchs. A eux de régler ça, ce soir.
Barcelone a toujours souffert contre les équipes défensives…Tout le monde se souvient du match contre Chelsea mais même en Liga, beaucoup d’équipes ont compris que pour poser des problèmes au Barça, il faut jouer en contre. Mais ça ne suffit pas forcément. Même comme ça, le Barça gagne quasiment tous ses matchs. On se souvient de Chelsea ou de l’Inter parce que c’était en Ligue des champions mais le Barça est habitué. Ce qui est évident, c’est qu’ils vont avoir la possession du ballon durant toute la rencontre. Ils termineront sûrement avec 70 ou 80% de possession de balle. A eux d’en profiter. Même dans les rencontres où ils ont eu du mal, ils ont dominé les débats dans le jeu. Après, entre la malchance et la maladresse, parfois ça ne passe pas. Mais ce n’est pas une raison suffisante pour changer de style de jeu ou aborder la rencontre différemment. En revanche, il va falloir trouver un peu plus de profondeur et être plus efficaces dans les derniers mètres que lors du match aller.
Le Camp Nou pourrait aussi avoir un rôle important, non ?L’ambiance sera importante, c’est évident, mais on parle quand même du Milan AC. C’est une équipe habituée à jouer des grands matchs, dans des grands stades. J’ai affronté beaucoup d’équipes italiennes durant ma carrière et je peux vous dire que les Italiens adorent les grosses ambiances (rires) ! Ils savent affronter ce genre de situation et faire face à la pression.
Xavi a dit qu’il manquait à ce Barça une « remontada » historique…
Je suis d’accord. Barcelone est une équipe qui a presque toujours joué avec tout en sa faveur. Mais parfois, la chance tourne. On veut tous savoir si le Barça peut franchir un tel obstacle. Pour beaucoup, cette équipe est un exemple pour son jeu et sa philosophie. Elle a tout gagné en pratiquant un football incroyable mais il faut voir si elle est capable de se surpasser dans l’adversité. C’est l’occasion ou jamais.
« L’absence de Vilanova peut affecter les joueurs »
Vous pensez que l’absence de Tito Vilanova peut influer sur les joueurs ?C’est difficile à dire. Ça peut les motiver à donner plus sur le terrain mais ça peut aussi les affecter moralement. C’est un entraîneur qu’ils connaissent très bien, et depuis longtemps. Son absence doit forcément se faire ressentir. Lors des derniers matchs, on les a vus un peu moins impliqués, comme s’ils n’avaient plus la même envie. Il faut prendre en compte que c’est une situation délicate. Tito est malade, il est à New York… Même s’il essaye de transmettre ses idées à distance, pour moi, c’est forcément différent. Ses paroles ne peuvent pas être les mêmes dans la bouche de Jordi Roura. Roura a sûrement son propre style. Au fond, tous les entraîneurs sont différents.
Une élimination ce soir serait-elle synonyme de fin de cycle pour le Barça ?Non, je ne pense pas. Une élimination entraînerait forcément des changements, c’est sûr. Il faudra se poser des questions vis-à-vis de la stratégie adoptée par rapport à Vilanova. Peut-être même que certains joueurs seront pointés du doigt. Mais le style ne changera pas. Il fait partie de l’ADN du club. Ils ont élaboré un jeu qui plaît à la plupart des gens et qui est une référence mondiale aujourd’hui. L’équipe d’Espagne a aussi profité de la réussite du Barça. Donc je ne crois pas que ça soit la fin d’un cycle.
Un pronostic pour finir ?C’est impossible à dire (rires) ! J’aimerais que le Barça passe mais ça risque d’être compliqué…
Propos recueillis par Grégory Blasco