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Irlande du Nord : vertes en tout point
Opposée à la Norvège ce jeudi, l’Irlande du Nord s’apprête à découvrir sa toute première phase finale d'une compétition internationale. Mélange de joueuses professionnelles et amatrices, la 47e nation mondiale a musclé sa préparation pour mettre toutes les chances de son côté afin de réussir ce baptême du feu.
Seule nation située au-delà du top 30 mondial engagée dans cet Euro 2022, l’Irlande du Nord n’entend pas y faire de la figuration pour autant. Qualifiée de dernière minute après un passage maîtrisé par la case barrage au printemps 2021 face à l’Ukraine (victoires 2-1 à l’aller et 2-0 au retour), la 47e nation mondiale compte sur cette compétition continentale pour changer de braquet.
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— Northern Ireland (@NorthernIreland) April 13, 2021
Ainsi, depuis le mois de janvier, 22 joueuses ont abandonné, temporairement, leur travail ou leurs études pour se consacrer au football. « C’était important que toutes les joueuses se préparent pleinement, explique Angela Platt, directrice du football féminin au sein de la fédération nord-irlandaise.Un certain nombre d’entre elles ont un emploi à temps plein ou à temps partiel. Elles jonglaient entre leur travail et leurs entraînements. Il était donc important de leur fournir le cadre et le soutien nécessaires pour qu’elles puissent se préparer pleinement pour l’Euro. » Dit comme ça, rien de plus logique. Pourtant, cette bande de filles vient de loin.
Northern Ireland, football, work, in that order
« Nous sommes très chanceuses et privilégiées d’avoir ce nouveau mode de fonctionnement. C’est très positif jusqu’à présent et j’aime venir m’entraîner. C’est ce que je veux faire : jouer au football tous les jours », s’enthousiasmait auprès de la BBC Lauren Wade, joueuse de Glentoran, seulement cinq semaines après le début de ce nouveau programme auquel elle participe. Une nouveauté permise grâce à la bienveillance des employeurs et universités où évoluaient les différentes internationales. « Tous n’ont été que trop heureux de soutenir pleinement l’approche que nous avons adoptée, permettant ainsi aux joueuses de bénéficier de ces temps dédiés au football », se réjouit Angela Platt.
L’évènement dépasse le cadre du football puisqu’il ne s’agit que de la neuvième qualification d’une équipe senior, masculine ou féminine – la deuxième depuis 1990, après celle des hommes pour l’Euro 2016 – pour une grande compétition. « Nos joueuses sont des modèles et des ambassadrices, non seulement pour le football nord-irlandais, mais aussi pour leurs clubs, leurs communautés et leurs employeurs, poursuit la dirigeante. Je pense que les employeurs ont bien compris qu’ils pouvaient être fiers d’être associés à une joueuse qui allait représenter l’Irlande du Nord. »
La prépa avant de prendre le bac
D’autant plus que le bilan de cette préparation semble déjà positif pour Angela Pratt : « Toutes les joueuses et le staff ont été satisfaits de cette opportunité. Tout s’est passé aussi bien que nous l’aurions souhaité. » Ne reste plus qu’à valider tous ces éléments sur le pré. Placée dans un groupe composé de l’Angleterre, l’Autriche et la Norvège, l’Irlande du Nord n’a pas franchement été épargnée. Pour autant, celle qui est à la tête du foot féminin au sein d’un pays qui ne dispose pas de son propre hymne et qui devra se contenter du God Save the Queen ce jeudi soir, ne s’inquiète pas outre-mesure : « Nous savons que notre groupe représente un véritable défi avec des équipes très fortes, mais notre équipe a déjà déjoué les pronostics auparavant. Je sais que les joueuses nous représenteront avec fierté. » Pour y parvenir, elles pourraient bien s’inspirer de leurs homologues masculins auteurs d’un remarquable parcours lors de l’Euro 2016.
Huitième-de-finalistes, Will Grigg et ses coéquipiers s’étaient extraits d’un groupe composé de l’Allemagne, la Pologne et l’Ukraine avant de buter sur l’autre sensation de cette édition, le pays de Galles. « Cette nouvelle génération a de nouveaux rêves, nous pensons que nous pouvons nous aussi saisir notre chance comme les hommes en 2016. Nous pourrons aussi compter sur le soutien de la Green Army qui se déplace souvent en nombre. » Simone Magill et ses collègues comptent bien profiter de ce tournoi pour « inspirer les générations futures », selon Angela Platt.
Pas d’hymne, mais le futur en étendard
Plus qu’un aboutissement, les dirigeants nord-irlandais voient cette qualification « historique » comme une étape : « Ce tournoi offre une opportunité unique de développer et d’améliorer les choses, de notre équipe actuelle à la construction de la prochaine génération, en passant par nos modèles, nos joueuses, et tous ceux qui ont travaillé en coulisses pour les aider à réaliser leur rêve et à créer de nouveaux rêves pour les autres. »
Et ce, même si le réveil, et le retour à la réalité – et au travail ou aux études – pourrait bien être brutal pour certaines joueuses une fois la compétition achevée. « Nous espérons que certaines profitent de cette exposition européenne pour obtenir des contrats, avance la directrice du football féminin. Nous travaillons également avec nos clubs pour les aider à se développer et à soutenir nos joueuses. Il sera difficile de poursuivre l’élan que nous avons ressenti avec cette préparation, mais nous avons bon espoir que nos joueuses puissent continuer dans un environnement professionnel. » Autre point important pour tout l’encadrement de cette équipe encore novice au plus haut niveau international : « En rentrant dans leurs clubs, nous espérons qu’elles partagent cette expérience pour inspirer celles qui évoluent à leurs côtés afin de développer notre nouvelle génération et de rendre ces qualifications plus fréquentes. » Ainsi, cette première expérience pourrait bien bénéficier à tout un écosystème et accélérer le développement d’un football encore loin du plus haut niveau et des standards européens et internationaux.
Cette participation pourrait, comme sans doute seul ce sport sait si bien le faire, rassembler une société encore divisée, marquée par des années de guerre civile. « Le football peut toucher de nombreux aspects de la société et changer des vies de bien des façons, mais la beauté du football féminin est qu’il rassemble tant de communautés différentes qu’il représente tout le monde dans notre pays », conclut Angela Platt. Ce qui, il faut bien l’avouer, n’est déjà pas rien par les temps qui courent. Pour ce qui est du terrain, il ne leur reste plus qu’à aller faire briller leurs couleurs du côté du St Mary’s Stadium de Southampton ce jeudi soir en croyant très fort à un exploit face à la Norvège. Et sans doute en espérant aussi bénéficier de la chance du débutant.
Par Florian Porta
Propos d'Angela Platt recueillis par FP.