- Asie – Coupe d'Asie des nations – Groupe C – Qatar/Iran
Iran : Princes of Persia
La nation d'Asie la mieux classée du moment ? L'Iran. Celle qui a le mieux représenté le continent au dernier Mondial ? L'Iran, encore. La plus passionnée de foot ? L'Iran, toujours. La patrie d'Ali Daei aimerait follement remporter la Coupe d'Asie des nations, ce qui serait une première pour elle depuis près de 40 ans.
On avait quitté l’Iran à la fin de la phase de poules lors de la dernière Coupe du monde. La « Team Melli » – son surnom – avait certes été éliminée en terminant à la dernière place du groupe F (derrière l’Argentine, le Nigeria et la Bosnie-Herzégovine), mais elle avait laissé une sacrée belle impression. Son premier match s’était soldé par un bon nul 0-0 contre le Nigeria, et surtout le second face à l’Argentine avait permis à la nation perse de tenir tête au futur finaliste, ne cédant que sur un but de Messi dans les arrêts de jeu. Et tant pis si le troisième et dernier match face à la Bosnie avait été plus mal maîtrisé (défaite 1-3), le bilan comptable comptait moins que ce sentiment pour les observateurs d’avoir eu sous les yeux une vraie belle équipe de football, courageuse, remarquablement organisée, onze individualités formidables d’abnégation, au service seul et unique du collectif. Alors certes, dans le jeu produit, ce ne fut pas toujours très beau car très orienté vers la discipline défensive en prenant le minimum de risques offensifs, mais dans l’état d’esprit, il n’y avait rien à dire. Et attention, équipe défensive ne veut pas dire là qu’on avait affaire à des joueurs voulant pourrir le jeu adverse par tous les moyens. Avec l’Iran, pas de gain de temps gratté, peu de mauvais coups, ça joue la défense, mais avec fair-play, entre gentlemen.
Carlos Queiroz a reporté son départ
Un peu plus de sept mois plus tard, revoilà l’Iran sur un terrain plus à sa portée : l’Asie. Avec toujours ce même état d’esprit, mais cette fois la capacité d’obtenir en bonus les résultats sportifs. Le premier match a d’ailleurs été remporté avec une grande maîtrise face à Bahreïn (2-0). Le groupe de 23 est quasiment inchangé depuis le Brésil, de même que le 11 de départ. Le sélectionneur aussi est le même, bien que Carlos Queiroz avait juré qu’il stoppait sa mission à l’issue de la Coupe du monde. Fatigué du manque de moyens à sa disposition (il s’en est encore plaint récemment), du peu d’occasions de pouvoir disposer de son groupe d’internationaux, de la surveillance oppressante des autorités, le technicien portugais en place depuis 2011 a finalement prolongé, avec l’objectif annoncé de ramener au moins une médaille du tournoi organisé ces jours-ci en Australie. Du plus beau métal si possible, ce qui n’a pas été réalisé par l’Iran depuis près de quarante ans. Ça reste pourtant encore aujourd’hui l’un des plus beaux palmarès d’Asie, grâce à ses trois titres continentaux remportés coup sur coup pour ses trois premières participations en 1968, 1972 et 1976. Depuis, il n’y a plus eu une seule finale, mais tout de même quatre places de troisième. La Team Melli est actuellement la première sélection de la Confédération asiatique au classement FIFA, avec une 51e place (devant le Japon, 54e, et la Corée du Sud, 69e). C’est beau, même si c’est aussi un peu trompeur, car la bande à Queiroz ne joue que très peu de matchs et donc fatalement minimise ses risques de perdre. Entre la fin du Mondial et la Coupe d’Asie, elle n’a disputé que deux amicaux pour autant de victoires contre la Corée du Sud en novembre (1-0) et l’Irak en début d’année pour se préparer à l’actuelle compétition (2-0). Deux « clean sheets » qui prouvent que la rigueur défensive est toujours là.
Un quatuor offensif au taquet
Pour ce qui est de l’animation offensive, elle devrait pouvoir mieux s’exprimer à l’échelle continentale que mondiale, avec un quatuor redouté des adversaires : Reza Ghoochannejhad à la pointe de l’attaque, Masoud Shojaei en soutien, Ehsan Hajsafi et Ashkan Dejagah sur les ailes. Des quatre, seul Hajsafi évolue au pays. « Ghoocha » joue au Koweït (prêté par les Anglais de Charlton) et les deux autres au Qatar. Le footballeur iranien s’exporte, mais pas trop longtemps et pas trop loin en règle générale. Sur les 23 joueurs de la sélection, plus d’une moitié sont sous contrat avec un club du championnat domestique qui, s’il n’est vraiment pro et structuré que depuis une bonne décennie, jouit d’une excellent réputation en Asie. Ses représentants sur la scène continentale obtiennent de bons résultats en Ligue des champions (des demi-finales et finales régulièrement, la dernière victoire remontant tout de même à 1993), et la popularité du football reste forte au pays du président Hassan Rohani. Les victoires en Coupe d’Asie dans les années 60 et 70 prouvent que ça ne date pas d’hier et que c’était déjà le cas du temps du Shah. La mise en place de la République islamique n’a pas ébranlé longtemps la passion des Iraniens pour le ballon rond. Passion parfois irraisonnée, comme lors du fameux derby de Téhéran opposant Esteghlal à Persepolis. Le dernier en date a eu lieu le 23 novembre et a été vu par près de 78 000 spectateurs. Dans les années 80, on dépassait allègrement les 100 000…
Le souvenir de 1998…
À Melbourne dimanche dernier pour la victoire 2-0 face à Bahreïn, une grande majorité des 18 000 spectateurs soutenait la Team Melli qui possède la plus grosse base de fans pendant la compétition après le pays hôte. La diaspora iranienne en Australie (35 000 personnes au dernier recensement) est mobilisée à bloc. Les Iraniens sont des patriotes fiers de leur beau pays, qui a quand même sacrément morflé ces dernières décennies et dont on parle neuf fois sur dix en mal dans les actualités. Le football est un des rares moyens d’expression « positif » , hors du cadre politico-économique, comme ce fut le cas en 1998 avec la victoire historique face aux États-Unis à Gerland. L’idée est donc de profiter un maximum et d’essayer d’aller jusqu’au bout de la compétition, avec à l’esprit la finale du 31 janvier à Sydney. Ils peuvent le faire.
Par Régis Delanoë