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Rigidité pour les ultras
Après la mort d’un ultra nantais samedi dernier, la ministre avait promis de siffler la fin de la récré. La 15e journée de Ligue 1, avec ses nombreuses interdictions de déplacement, prouve que cette fermeté de façade se concrétise, notamment par la reprise en main par le ministère de l’Intérieur. Si cette ligne dure se veut provisoire, elle risque de faire jurisprudence… Est-ce une solution de facilité ?
À la suite des nombreux incidents qui ont entaché la saison de Ligue 1, il avait été souvent reproché aux autorités leur manque d’anticipation et de cohérence. L’émotion légitime suscitée par le décès d’un supporter nantais poignardé par un chauffeur de VTC a quelque peu changé la donne. Le ministère de l’Intérieur a décidé de mettre les choses au clair et au carré. Il a publié un arrêté global jeudi soir interdisant les déplacements de supporters adverses pour cinq des neuf matchs de Ligue 1 (Montpellier-Lens, PSG-Nantes, Nice-Reims, Lyon-Toulouse, Lorient-Marseille) et trois de la Coupe de France (Angoulême-Bordeaux, Saint-Étienne-Nîmes et Troyes-Auxerre). Aucune surprise de fait si l’on se penche sur les clubs cités. Il avait été annoncé que peu importe le niveau de risque évalué, le moindre match qui pourrait laisser craindre des débordements serait concerné d’office. Pour mémoire, la Division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH) note de 1 à 5 les confrontations potentielles. Au regard de ces critères, des passifs entre écharpes et l’incontestable fébrilité dans les gradins, le principe de précaution va probablement de fait s’appliquer systématiquement à la majorité des rencontres de notre championnat.
Certes, personne ne tombe véritablement des nues. Depuis de nombreuses années, les supporters ou ultras ont l’habitude de cette pratique, généralement confiée à l’appréciation des préfets. Ces derniers disposent en la matière d’un outil fort précieux, la loi LOPPSI II qui permet depuis 2011 de restreindre ou bloquer par simple arrêté un déplacement « individuel ou collectif » des fans extérieurs ou d’une personne « se comportant comme telle » et « dont la présence est susceptible d’occasionner des troubles graves pour l’ordre public ». Il est arrivé parfois que des décisions d’interdiction de déplacement soient cassées devant les tribunaux, ce qui a pu conduire en retour les préfectures à se prononcer au dernier moment. Voilà le rappel pour ceux ou celles qui imagineraient qu’en France, la législation s’avérerait trop laxiste envers le petit monde des tribunes.
Débarrasser le football de la violence, vraiment ?
Toutefois, le contexte s’avère sensiblement différent. Il s’agit d’une reprise en main globale, d’ordre régalien, avec la ministre des Sports sur le versant com, et l’Intérieur pour le bras séculier. La véritable question reste de savoir comment la situation va évoluer. En effet, la systématisation des interdictions de déplacements est pour l’instant planifiée jusqu’au 18 décembre, jour d’une réunion de l’instance nationale du supportérisme. Si l’INS veut rassembler l’ensemble des acteurs, institutionnels, sportifs et associatifs (groupes ultras) impliqués, son rôle demeure consultatif. Et au regard de l’ambiance générale, portée vers le tout répressif, il existe un doute sérieux sur le fait que les débats s’opèrent de manière sereine et constructive.
Il faudrait déjà une véritable révolution copernicienne pour sortir de ce principe de départ : « la violence n’a rien à faire dans nos stades », cette naïveté de Teletubbies à la sauce Coubertin. Comment un phénomène d’une telle importance (culturelle, économique et politique) que le foot peut-il malheureusement échapper aux tensions sociales et aux comportements transgressifs qu’elles induisent ? Les prévenir, les maîtriser, les sanctionner : évidemment. Les renvoyer dans le registre du « c’est pas bien » ne réglera rien. Alors que faire ? Devant la complexité et la diversité des causes des violences dans les stades et autour, ainsi que des profils des responsables, comment les acteurs vont-ils se positionner (y compris les groupes ultras) ? Il existe le danger que la solution qu’offre le ministère de l’Intérieur, l’interdiction de déplacement à large spectre, soit pérennisée. La solution la plus facile et la moins coûteuse, paraît-il…
@so_foot Il y autant de variétés dans le public parisien que sur le terrain 🥵 #ultras #parissaintgermain #psg #psgnantes #tifos #footballtiktok
Par Nicolas Kssis-Martov