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Intercontinentale : Mais où était Duckadam ?
1986. L'année où Maradona le Xeneize devint demi-dieu fut aussi celle de River Plate, vainqueur de la Libertadores, puis de la Coupe intercontinentale. Le 14 décembre, à Tokyo, les Millonarios dominent le mystérieux Steaua Bucarest (1-0), l'équipe qui venait de l'Est.
Le héros était absent. Le 7 mai 1986, à Séville, Helmuth Duckadam passe de l’anonymat à la gloire internationale le temps d’une séance de tirs au but. En finale de Coupe des champions face au Barça de Bernd Schuster, le Steaua Bucarest crée la sensation. Pas effrayés par l’ennui, les Roumains parviennent à maintenir un score nul et vierge, avant que les mains de Duckadam ne terminent le sale boulot. Lors de cette autre nuit de Séville, les Barcelonais cadrent toutes leurs frappes, mais le portier roumain à l’épaisse moustache stoppe l’ensemble des tentatives catalanes. Duckadam, man of the match ! Champion d’Europe pour la première fois de son histoire, le Steaua va se mesurer à un autre adversaire de prestige pour boucler son année : les Millonarios de River Plate, enfin lauréats de la Copa Libertadores. Un trophée qui fuit le club à la diagonale rouge, et dont la quête longtemps vaine réjouit les partisans de Boca et autres ennemis.
Que se passe-t-il à l’est du Mur de Berlin ? En 1986, l’opacité règne et donne libre cours aux rumeurs les plus folles. La version la plus répandue à l’ouest veut qu’Helmuth Duckadam ait été victime de la cruauté du clan Ceaucescu. Pour avoir refusé de céder à Nicu Ceaucescu, fils du dictateur, la Mercedes qui a récompensé sa prestation sévillane, Duckadam se serait fait réduire les doigts en bouillie par la Securitate. Les rumeurs les plus alarmantes parlent même d’une disparition. Un fait incontestable : Duckadam n’a plus jamais porté le maillot du Steaua après la finale de la Coupe des champions et n’est donc pas présent pour disputer la Coupe intercontinentale face à River. Le gardien confiera plus tard qu’une thrombose au bras droit a provoqué son éclipse soudaine, et non la vengeance du fils d’un tyran.
Mais il n’y pas que Duckadam au Steaua. Belodedici, Balint, Lacatus, le monde va commencer à se familiariser avec ces noms et un football roumain qui va vivre son âge d’or en enchaînant trois Coupes du monde (90, 94, et 98). 1986 est le point de départ de cette épopée. Une grande année pour la Roumanie, mais aussi pour River et pour l’ensemble du football argentin. Dans les rangs des Millonarios évoluent d’ailleurs trois membres de la sélection championne du monde au Mexique : le gardien, Nery Pumpido, le rude défenseur, Oscar Ruggeri, et le talentueux milieu, Hector Enrique. Cette année faste se terminera sur un nouveau triomphe planétaire.
Les deux équipes n’étant pas trop du genre à prendre le match à leur compte, les débats ne sont pas franchement animés à Tokyo. Le seul but de la rencontre découle d’un coup franc vite joué à la 28e minute, dont l’Uruguayen, Antonio Alzamendi, fait son miel, après avoir buté une première fois sur Dumitru Sangaciu, le successeur de Duckadam. Cette année-là, River plane. Pas même la perte de Francescoli, parti gagner beaucoup plus au Matra Racing, n’entrave sa marche triomphale. Sans son grand Principe, River domine ainsi le narco-club de l’América Cali en finale de la Libertadores, avant de remporter sa première Intercontinentale. Dirigé par le fantasque Bambino Veira – un grand amant de la nuit et du septième art -, le club à la diagonale rouge impose également sa loi en championnat, remporté cinq journées avant son terme. Face à cette dynamique hégémonique, le Steaua aurait bien eu besoin d’un Helmuth Duckadam et de ses mains héroïques pour surprendre à nouveau le monde.
Par Marcelo Assaf et Thomas Goubin