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Inter : l’Italie au tapis

Par Adrien Candau
Inter : l’Italie au tapis

Défaite par Séville en finale de C3 vendredi soir (2-3), l'Inter d'Antonio Conte vient conclure une décennie noire pour le foot italien : aucune Coupe d'Europe remportée, une première dans l'histoire du pays, ce qui vient souligner le gouffre qui s'est progressivement creusé entre la Serie A et les trois autres championnats majeurs (Liga, Premier League et Bundesliga).

Mathieu Kassovitz est un drôle de type. En plus de vingt ans de carrière cinématographique, le fantasque réalisateur a pondu les nanardesques Babylon A.D. et Gothika, mais aussi ce qui est souvent cité comme le meilleur film français des années 1990, La Haine, dont est issue cette citation coup de poing : « C’est l’histoire d’un homme qui tombe d’un immeuble de 50 étages. Le mec, au fur et à mesure de sa chute, il se répète sans cesse pour se rassurer : « Jusqu’ici tout va bien. Jusqu’ici tout va bien. Jusqu’ici tout va bien. Mais l’important, c’est pas la chute, c’est l’atterrissage. » » Vingt-cinq ans après le cultissime long-métrage, l’emblématique punchline n’a jamais semblé aussi bien coller aux basques du football italien, dominateur, furieusement virtuose au cours des années 1990, mais désormais tristement dépassé sur la scène continentale.

L’équilibre, une obsession mortifère

Ce vendredi soir, l’Inter d’Antonio Conte n’a pas échappé à la logique sportive qui régit désormais le foot européen. Dans un match tactique, cérébral, spectaculaire en première période, puis crispant en seconde, elle a craqué, terrassée par un retourné acrobatique de Diego Carlos, qui enterrait les espoirs d’une équipe ensuite sans réaction. Il y a beaucoup à dire sur ce revers-là, en premier lieu la portée symbolique qu’il revêt : pour la première fois depuis l’existence des coupes d’Europe, l’Italie vient de traverser une décennie sans glaner le moindre trophée. Antonio Conte avait pourtant prévenu son monde avant la finale : « Nous ne nous considérons pas comme les sauveurs du pays. » À raison. La Botte n’a eu ni héros ni miracle. Reste encore à trouver pourquoi. Dans le cas de l’Inter vendredi soir, l’argument économique est hors sujet. Arrosés en cash par leur actionnaire, Suning, les Nerazzurri ont un portefeuille notoirement plus épais que celui du Séville FC.

Alors, à qui la faute ? Peut-être à une certaine idée du football. Ce vendredi, encore une fois, Antonio Conte a commencé la rencontre avec D’Ambrosio, défenseur de formation, au poste de piston, pour blinder son aile droite, et Gagliardini dans l’entrejeu, pour casser les circuits de passes adverses. Christian Eriksen, le meilleur technicien nerazzurro, restait lui cantonné au banc. Une fois de plus. Là encore, le Mister lombard était clairement dans une recherche de l’équilibre attaque-défense, plutôt que dans l’idée de déstabiliser prioritairement l’adversaire. Le contenu du match raconte évidemment une histoire plus complexe et nuancée, mais, à l’heure de noter les copies, on ne peut nier l’évidence, surtout au regard du second acte interista, pauvre en occasion et en rythme. Ces 45 ultimes minutes ont finalement été l’illustration d’une équipe certes redoutable en contre, mais trop limitée techniquement et collectivement pour prendre l’initiative et écrire le scénario d’une finale comme celle-ci.

L’exception bergamasque

Alors que l’Inter vient de fléchir face à Séville, comme la Juve par deux fois en finale de C1 en 2015 et 2017, il convient de se demander si le logiciel tactique et idéologique du football italien ne peine pas à se renouveler, au très haut niveau européen. La Serie A, désormais moins pourvue en droits TV que ses homologues du Big 4, a globalement moins d’arguments économiques que la Premier League et la Liga, et va devoir pourtant compenser la différence en faisant plus avec moins. Ce que n’a précisément pas fait la Juventus depuis deux ans, dont le projet collectif est pour le moins chancelant. L’Inter, certes transformée par la patte Conte, doit encore prouver que son style anachronique est capable de refaire briller son nom sur le continent. Naples, depuis le départ de Sarri, semble tristement régresser, plombé par le conservatisme et la frilosité tactique de Gattuso. Milan reste un club éminemment malade. Finalement, seule l’Atalanta, porte-étendard d’un football de mouvement, travaillé au millimètre offensivement, semble avoir embrassé la modernité qui manque cruellement au football italien. La Serie A n’a donc peut-être pas fini de chuter. Une certitude demeure : si rien ne change, l’atterrissage n’en sera que plus douloureux, d’ici quelques années.

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