- JO 2012 – Groupe B – Mexique/Suisse
Innocent les mains pleines
Dans la tourmente après l’affaire Michel Morganella*, la Nati suisse est aussi très mal embarquée dans la course à la qualif, puisqu’il lui faut désormais s’imposer par deux buts d’écart face au Mexique pour assurer l’accession en quarts. Principale arme offensive de la sélection, le Lorientais Innocent Emeghara a les cartes en main.
Outsider du tournoi olympique depuis sa séduisante place de finaliste de l’Euro espoirs l’an dernier au Danemark, la Nati U23 – la petite Nati ? La Nati-ti ? – a jusqu’à présent surtout donné dans le tragicomique depuis le début de la compétition. Une pièce en deux actes, impeccablement interprétée. Premier acte lors du match inaugural face au Gabon : l’avant-centre du Dynamo Kiev Admir Mehmedi réussit le raté de l’année à quelques mètres du but vide, une poignée de minutes après son ouverture du score sur pénalty. Aubameyang en profitera par la suite pour égaliser et empêcher les Suisses d’empocher les trois points. Deuxième acte à l’issue du deuxième match, perdu 1-2 face à la Corée du Sud. Le défenseur de Palerme Michel Morganella ne digère pas la contre-performance des siens et insulte violemment – et dans un sale verlan – ses adversaires du jour sur Twitter. Boum, nouveau buzz et exclusion du fautif, rentré au pays.
L’homme en forme
Voici donc où en sont les petits Suisses : à se rendre un peu ridicules sur la toile. Et sur le terrain, c’est assez moche aussi, puisqu’il faut désormais un miracle pour espérer se qualifier en quarts de finale. Il n’est pas seulement question de battre la solide sélection mexicaine, il faut faire en sorte de le faire par au moins deux buts d’écart pour ne pas avoir à dépendre de l’autre rencontre. C’est là qu’Innocent Emeghara doit intervenir. Buteur face aux Sud-Coréens dimanche, l’attaquant lorientais se présente comme la valeur sure de son équipe actuellement. Celui sur qui compter. C’est lui aussi qui, face au Gabon, avait provoqué le pénalty du 1-0 et distillé une belle passe pour le raté de Mehmedi. Très rapide, solide sur ses jambes et pas maladroit de la tête malgré son modeste gabarit, le natif de Lagos a fêté ses 23 ans le 27 mai dernier. Arrivé en Suisse à 14 ans en provenance de son pays d’origine pour rejoindre sa mère débarquée quelques années plus tôt, Innocent n’est pas du genre à lâcher l’affaire rapidement. Dans sa patrie d’adoption, dont il a acquis la nationalité il y a seulement deux ans, il lui a d’abord fallu apprendre la langue suisse-allemande et s’acclimater aux rudes hivers. Il a aussi dû s’imposer sur les terrains de foot, après un échec initial au FC Zürich. Après un détour en D2 avec le FC Winterthur, son club formateur, pour se relancer en 2009/2010, la pile électrique signe au Grasshopper, pour une première saison complète prometteuse en élite (33 matchs, 9 buts, 9 passes) et une entame de seconde encore meilleure (7 matchs, 5 buts, une passe). De quoi convaincre définitivement le père Gourcuff de l’enrôler à Lorient au dernier jour du mercato d’août 2011.
« Une grosse marge de progression »
Sa première expérience en France reste mitigée. Si son entraîneur loue « sa vitesse phénoménale » , il insiste aussi sur « sa grosse marge de progression technique et tactique » . Manière polie de dire que le gamin a encore beaucoup de boulot à fournir pour devenir un attaquant de très haut niveau. La blessure de Jérémie Aliadière en octobre 2011 lui a pourtant permis de gagner un temps de jeu qu’il a mis à profit en inscrivant notamment un joli but face à l’OM en décembre, mais il a trop souvent fait preuve de maladresse et d’individualisme par la suite, au point de reperdre sa place à l’issue d’une saison achevée avec un bilan de 27 matchs dont 13 titularisations pour 5 buts inscrits et deux passes décisives.
Parfois annoncé partant de Bretagne, notamment dès cet hiver avec une rumeur l’envoyant en Chine, Innocent Emeghara doit finalement rester pour enchaîner la saison d’adaptation avec une saison de confirmation. C’est en tout cas l’objectif fixé par les Merlus, qui apprécient autant sa hargne sur un terrain que sa disponibilité et sa gentillesse en dehors. En sélection aussi, il doit pouvoir s’imposer davantage, à un poste d’attaquant où manquent des successeurs aux Bâlois Alex Frei et Marco Streller. Ce tournoi olympique doit pouvoir lui permettre de lancer sa saison dans les meilleures conditions. A lui d’en profiter. A la Nati d’en profiter.
* En savoir plus sur l’affaire Morganella
Par Régis Delanoë