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Infidèles Castro

Par Gabriel Cnudde
4 minutes
Infidèles Castro

Pour son entrée en lice dans la Gold Cup, la sélection cubaine s'est fait étriller par le Mexique (6-0). Au-delà de l'écrasante défaite subie, les Leones del Caribe ont encore fait parler d'eux pour des problèmes de visa et une défection. Mais pourquoi fuient-ils tous leur sélection ?

En anglais, le verbe to defect fait souvent référence à la désertion militaire et désigne l’acte de trahison d’un soldat envers le corps auquel il a prêté serment. Seulement, aux États-Unis, le verbe s’est petit à petit adapté à un tout autre domaine : celui du sport. Car depuis plusieurs décennies maintenant, le pays de l’Oncle Sam accueille toujours plus de sportifs fuyards, profitant d’un séjour sur le sol américain pour fausser compagnie à leur sélection sportive. Et à ce petit jeu-là, force est de constater que les sportifs cubains sont passés maîtres en la matière. Que ce soit en baseball, en athlétisme ou en football, la liste des insulaires ayant abandonné leurs équipes est plus longue que le plus long des Cohíbas. Et cette année 2015 ne déroge pas à la règle puisqu’un joueur de l’équipe nationale cubaine s’est déjà fait la malle avant même de disputer son premier match officiel en Gold Cup. Preuve que, pour certains, mais essentiellement pour les sportifs cubains, le rêve américain jouit encore de tout son rayonnement.

Cuba libre

Avant 1998, alerté par les problèmes de défection récurrents concernant ses joueurs de baseball, Cuba refusait catégoriquement que ses joueurs de football participent à des tournois internationaux. Seulement, comme un père refusant de voir ses enfants grandir de peur de les voir quitter le nid, la Fédération cubaine a bien été obligée de laisser ses oisillons s’envoler, en 1998. Et c’est peu dire que ses craintes étaient fondées. À peine les Leones del Caribe étaient éliminés de la Gold Cup par le Costa Rica dans le groupe C (7-2) qu’Eduardo Sebrango se faisait la malle direction Vancouver avant d’obtenir la nationalité canadienne en jouant pour les 86ers. Quatre ans plus tard, rebelote. Lors de la Gold Cup 2002 sur le sol américain, la sélection insulaire ne parvenait toujours pas à passer le premier tour. Après le match nul face à la Corée du Sud, invitée, deux joueurs, Rey Ángel Martínez et son cousin Alberto Delgado, avaient carrément quitté la table du petit déjeuner en courant. Et la liste s’étire jusqu’à aujourd’hui. The Pursuit of happyness. Mais quelle happyness ?

Les sportifs qui agissent de la sorte sont bien souvent motivés par l’envie d’évoluer dans des ligues majeures, car oui, lorsqu’on vit à Cuba, la MLS est considérée comme une ligue majeure. Certes, cette justification est d’autant plus vraie pour les joueurs de baseball, mais elle n’en demeure pas moins réelle pour les footballeurs. Pour certains, la perspective d’une carrière aux États-Unis peut rimer avec celle de pouvoir subvenir aux besoins d’une famille restée sur l’île. Oui, au-delà de la fierté de jouer ailleurs qu’à Cuba, certains joueurs confessent aujourd’hui ne pas avoir eu le choix de quitter leur terre natale. Pour le gouvernement, les déserteurs n’existent pas, tout du moins n’existent plus. Ils n’ont plus aucun lien avec le pays et bien souvent, les fédérations évitent au maximum d’évoquer ces départs. Dans les rues de La Havane, au contraire, ceux qui sont partis sont considérés avec un mélange de fierté et d’envie. Puisqu’ils entretiennent le rêve qu’une meilleure vie est possible hors de l’île.

Hasta la vista social club

La grande question de cette Gold Cup édition 2015 pour les Cubains était donc : combien de joueurs seront présents pour le premier match de la compétition ? Et dans la nuit de jeudi à vendredi, la réponse est tombée : très peu, trop peu. Peu avant la rencontre face au Mexique, Walter Benítez, l’entraîneur adjoint de la sélection, avait annoncé qu’un joueur avait fui la sélection alors qu’elle séjournait à Chicago. Mais ce n’était pas tout. Car en plus du fuyard, six joueurs cubains, l’entraîneur principal et une partie du staff manquaient à l’appel. « Il nous manque six membres de l’effectif et l’entraîneur, qui, à cause de problèmes de visas, n’ont pas pu arriver à temps pour le match. Nous n’avons donc que 16 joueurs disponibles puisqu’un autre a disparu et que pour l’heure, nous ne savons pas où il se trouve » , expliquait avant la rencontre Walter Benítez, en conférence de presse. « Du coup, certains joueurs qui ne devaient pas être titulaires le seront face au Mexique » , et du coup, Cuba s’est pris une fessée, 6-0. Logique.

Keilen Garcia, attaquant de 25 ans, a donc abandonné les siens. Comme beaucoup avant lui et comme beaucoup après lui, sans doute. Une histoire qui peut faire sourire, de prime abord, mais qui est en fait symptomatique d’un mal profond qui pousse des natifs à quitter leur terre natale, leur famille et leurs proches pour des rêves de gloire et de fortune qui n’aboutissent pas toujours. La suite de la compétition s’annonce donc plus que compliquée pour les Lions des Caraïbes, qui, après cette première défaite, craignent de perdre encore quelques membres de leur équipe. À tel point qu’il n’est même pas certain que le staff dispose d’assez de membres pour terminer le tournoi. D’autant qu’à l’heure actuelle, les problèmes de visa du coach ne sont toujours pas résolus. Adieu Cuba.

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Par Gabriel Cnudde

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