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Inde : la draft de l’espoir
Et si le pays du cricket se mettait durablement au football ? C'est en tout cas le but de la Super League indienne censé convertir les Indiens au ballon rond. Avec quelques vieilles légendes quadragénaires et des joueurs de bas étages ? Pas sûr.
Après l’inscription de 49 joueurs étrangers à la draft de la Super League indienne, il y a quelques semaines, les hautes instances ont réparti cette semaine gardiens et joueurs de champ dans les huit franchises différentes qui représenteront les huit plus grandes mégapoles indiennes. Avec l’appui de l’agent français Bruno Satin (en charge de trouver les joueurs), les hauts dirigeants de la Super League indienne espèrent faire du football une attraction nationale. Car l’Inde, qui pèse quand même 1/7 de la population mondiale, mérite mieux que son absence totale de participation à une Coupe du monde. Après donc les tentatives ratées de 2012 et 2013, les hauts responsables de l’Indian Super League espèrent enfin créer le soubresaut qui propulsera le développement du soccer indien.
Inde et football : entre désamour et fantasme
La tâche s’annonce pourtant ardue. Et ce n’est pas l’historique des deux derniers ratés qui seront les seules embuches sur le chemin broussailleux qui se présente devant la Super League indienne. L’Inde et le football, ce n’est en fait que l’histoire d’un amour impossible. En 1950, alors que la péninsule doit jouer la Coupe du monde brésilienne, la FIFA lui bloque l’accès à la compétition. En cause, la volonté ferme des joueurs indiens de jouer… pieds nus. Soixante-quatre ans plus tard, l’Inde attend toujours – sans trop y croire – une seconde chance. Laissant au cricket l’occasion de gagner les cœurs de la population locale. Celui-ci va néanmoins venir à son aide. Sachin Tendulkar, sorte de Pelé ou Maradona du cricket mondial, a déjà joué la caution marketing de l’événement en investissant dans une franchise pour une somme comprise entre 2 et 3 millions de dollars. Chose qui a fait grand bruit en Inde, sans déplaire aux organisateurs de la League qui pâtissent d’un championnat local d’une pauvreté déconcertante. Au pays, on suit sans vraiment suivre l’I-League. La faute à un niveau proche du néant. Selon Goldman Sachs, le ballon rond indien est « desservi par des infrastructures défaillantes, une faible pratique dans les centres urbains, une formation balbutiante et une gouvernance politisée. » Plutôt branchés Premier League anglaise, les Indiens espèrent voir un peu plus de niveau sur le champ. Quelques noms ronflants sont prévus (Robert Pirès, David Trezeguet, David James ou encore Fredrik Ljungberg). Les « joueurs vitrines » pourraient négocier leur pige autour de 700 000 euros. Souvent retraitées depuis déjà quelques mois, voire quelques années, les anciennes stars du football occidental seront essentiellement là pour « le marketing » , assure Salin.
Bernard Mendy VIP
Le reste qui composera les équipes s’annonce bien moins excitant : « L’Inde adore la Premier League, mais on a plutôt pioché dans des championnats moyens, la Scandinavie, l’Europe de l’Est. En France, ce sont de bons joueurs en fin de carrière et des joueurs de L2 en fin de contrat et sans offre pendant le mercato » , situe Bruno Satin. On y retrouvera des figures bien connues de l’Hexagone tel qu’Apoula Edel qui jouera avec Sylvain Monsoreau à l’Atlético… de Calcutta dans le plus grand stade du pays (120 000 places). Reste à voir si 120 000 Indiens daigneront se bouger pour voir Apoula… Gennaro Bracigliano fera, lui, la paire avec Bernard Mendy dans la Team Chennai. L’ancien Parisien, avec ses 80 000 $ par saison, sera certainement l’un des mieux payés de l’ISL. Autre figure familière, celle de Cédric Hengbart qui sera coaché par David James au Kerala Blasters FC. Bref, le casting ressemble plus à un Bollywood qu’à un bon Hollywood des familles.
Mais l’événement aura l’avantage de ne pas souffrir du manque de moyens dont pâtit son championnat local. En effet, Reliance, monstre local de la pétrochimie, a rejoint la plus grande boîte de marketing sportive, IMG. Les joueurs expatriés, environ huit par équipe, seront dispatchés dans les différentes franchises et pour beaucoup, le projet de la Super League indienne leur est tombé du ciel. Youness Bengelloun, baroudeur professionnel et habitué des expériences fantasques, galérait en CFA avec Mulhouse quand il reçut le coup de fil de Bruno Satin, venu aux nouvelles. « J’étais au courant que le projet devait voir le jour il y a deux ans, mais je ne savais pas que cette fois-ci, tout allait être mis en place. » Lui, comme d’autres, en manque d’offres, se sont vu proposer le fameux challenge. Pour certains, l’opportunité est rêvée. Lui, qui évoluera sur la côte, à Goa, devrait toucher autour de 10 000 euros net par mois. « Le projet semble vraiment bien parti pour faire le buzz en Inde. Je n’ai pas hésité une seconde. Tu sais, quand tu as vécu en Bulgarie, en Grèce ou à Chypre, tu es prêt pour n’importe quelle aventure. » À voir si celle-ci en vaudra la peine pour les investisseurs qui espèrent attirer des centaines de millions d’Indiens dans les stades, et derrière leurs écrans.
Par Quentin Müller