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Incidents polémiques au Stadium
A la fin du match Toulouse-Montpellier, samedi 2 avril, la Section d'intervention rapide (SIR) a procédé à l'arrestation de quatre supporters toulousains pour des faits commis pendant et après le match. Le Kop Virage Est regroupant les ultras toulousains dénonce des violences abusives et l'absence de soutien du TFC. Le club et les pouvoirs publics ne voient pas les choses de la même manière. Explications.
Acte 1 : Samedi 2 avril, fin du match Toulouse-Montpellier
50ème minute du match au Stadium, un pot de fumée est allumé dans le Kop Virage Est provoquant l’intervention immédiate de la SIR, cette police en jogging spécialement formée pour intervenir dans les stades. Les supporters toulousains décident alors de descendre dans la fosse, en bas du virage, afin de protester. C’est le moment choisi par deux individus pour allumer deux pétards. La détonation entraîne l’arrivée d’une compagnie de CRS dans le stade. La situation se calme jusqu’à la fin du match. Mais à la sortie du virage, alors que les ultras rangent leur matériel, la SIR intervient et arrête l’un des deux individus qui a allumé un pétard. À partir de là, les événements s’enchaînent : « Devant l’impossibilité d’intervenir en tribune, la SIR a attendu la fin du match pour procéder à l’interpellation de l’individu ayant allumé un pétard. Une partie du groupe s’est alors opposée à l’interpellation, c’est pourquoi trois autres supporters ont été arrêtés pour rébellion » , explique le commissaire Antoine Boutonnet, chef de la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH).
Version sensiblement différente du côté des supporters : « La SIR a interpellé un supporter au milieu de tout le monde, ils ne peuvent donc pas dire que les autres sont venus l’aider, surtout que tout le monde portait du matériel. Le problème c’est que la SIR n’a pas demandé aux personnes de reculer, ils ont frappé dans le tas » , raconte Paul, capo des Indians Tolosa, groupe de supporters ultras. Un membre du Viola Club Toulouse, présent sur le parking à quelques centaines de mètres de là, ajoute : « On a vu les Indians partir en courant de la tribune jusqu’au parking, chargés par les CRS » . Surtout, un jeune supporter qui tentait de filmer la scène avec son téléphone portable est sévèrement interrompu, comme le montre un document vidéo transmis à So Foot. « Je me suis approché du mec qui était interpellé en filmant. On m’a alors fait une manchette par derrière – des supporters m’ont dit depuis que c’était quelqu’un de la sécurité du TFC -, je suis tombé et j’ai été piétiné, puis les policiers de la SIR sont arrivés sur moi pour m’immobiliser et m’ont mis les menottes » , témoigne Damien, 21 ans, qui fait partie des quatre supporters arrêtés. Le commissaire Boutonnet est sceptique : « Notre objet n’est pas d’interpeller les personnes qui filment. On n’a pas de problème par rapport à ça. Si ce supporter a été interpellé, c’est qu’il a essayé de s’opposer à l’arrestation » .
Faux, répond Damien, « j’essayais juste de filmer, quand j’ai été interpellé, je me suis laissé faire, je n’ai rien dit » . Résultat : 20 heures de garde à vue « éprouvantes » pour outrage et rébellion, avant une convocation au tribunal le 6 septembre, où le procureur n’a conservé que la rébellion comme chef d’accusation. Comme souvent, c’est parole contre parole : la parole, fréquemment considérée comme suspecte, d’un supporter contre celle, assermentée, d’un représentant des forces de l’ordre. Damien va probablement être interdit de stade, alors il a pris un avocat « pour savoir les suites à donner à cette affaire » . Il envisage même de porter plainte. Les supporters, de leur côté, s’étonnent du silence du club vis-à-vis des événements. D’autant qu’ils mettent également en cause certaines personnes de la sécurité employées par le TFC, des individus habillés en civil, à distinguer des stadiers traditionnels, qui auraient « fait du zèle en s’arrogeant des prérogatives de police » selon Paul.
Acte 2 : Mercredi 20 avril, réunion TFC, SIR, Supporters
Quelques jours après les événements, le Kop toulousain se fend d’un communiqué pour dénoncer le traitement des forces de l’ordre à leur égard : « Nous avons toujours pensé que dans un contexte de “lutte contre le hooliganisme”, il était important de favoriser une répression ciblée qui traite les faits et comportements interdits sans amalgamer les supporters plus largement. Or, samedi dernier, le contraire s’est déroulé » . Le communiqué interpelle également la direction du club toulousain. « Cette histoire n’a pas ému grand monde au TFC, alors que ce club se revendique comme une grande famille » , confie un supporter du Viola Club. Pour faire le point sur cette affaire, le TFC décide justement d’organiser une réunion, le mercredi 20 avril, entre la direction du club, la SIR et les associations de supporters afin de « mettre au clair ce qui est du domaine des faits avérés et de celui de la propagande » , explique Jean-François Soucasse, directeur général du TFC. A la sortie, les supporters défendent le récit des violences exposé dans leur communiqué, la SIR maintient les conditions « appropriées et normales » des arrestations et le Toulouse Football Club tend à se rallier à la version des autorités : « Le club, selon les informations recueillies auprès de la police et de la SIR, n’a pas d’éléments pour reconnaître que les interpellations qui ont eu lieu n’étaient pas justifiées et qu’elles n’ont pas été faites dans le cadre d’une procédure habituelle » , indique de manière très officielle Jean-François Soucasse.
Les Indians Tolosa assurent avoir reçu le soutien de plusieurs stadiers choqués par la violence des forces de l’ordre. Paul affirme que « le club comme la police tentent de minimiser ce qui s’est passé. Leur objectif pendant la réunion était de trouver des failles dans nos explications pour dire qu’on a dramatisé l’incident » . Et d’ajouter « à un moment donné quand la police et la sécurité font n’importe quoi, il faut aussi qu’ils assument car quand les supporters débordent, même un peu, ils ramassent » . Le capo des Indians s’en prend plus globalement à la répression dont font l’objet les supporters toulousains depuis l’arrivée de la SIR dans la tribune : « avant il n’y avait jamais de problème dans le Kop, maintenant avec la SIR, il y a des interpellés en permanence pour des délits mineurs, dans le seul but de faire du chiffre. Ca nous a été confirmé par des sources extérieures » . En effet, So Foot a également appris, par des sources diverses et concordantes, que des quotas d’interdictions de stade ont été nationalement fixés.
Le supporter accusé d’avoir allumé un pétard a reconnu les faits. Il a été condamné en comparution immédiate à trois mois de prison avec sursis et 12 mois d’interdiction de stade. Damien, de son côté, prévoit de contester une probable interdiction de stade.
Par Anthony Cerveaux
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