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Iñaki Williams, ou le Bilbao 2.0
Irrésistible face au Real Madrid, Iñaki Williams s'est transformé en symbole de l'Athletic Bilbao. Mais plus que son statut de premier joueur d'origine africaine à porter le jersey basque, il en est surtout l'une des plus belles promesses.
La 75e minute du dernier rendez-vous de l’Athletic Bilbao dans son San Mamés dégageait une saveur toute particulière. Sous les cris de « Iñaki, Iñaki, Iñaki » , l’antre des Leones s’offrait un bonheur aussi simple que touchant. L’hommage au dernier né de sa cantera, Iñaki Williams, remplacé par Guillermo, était autant le symbole d’une victoire homérique face à l’ennemi castillan de toujours que d’une première dans l’histoire plus que centenaire du club. Car oui, en 117 années de joie et de souffrance, jamais le peuple zuri-gorriak n’avait pu ovationner un joueur dont les deux parents sont africains. « Une fierté » , dixit Daniel Ruiz Bazan, illustre attaquant de l’Athletic, qui n’en est plus à une révolution près sur les bords des côtes Atlantique de l’Espagne. Plus que ses origines venant du Berceau de l’Humanité, Iñaki Williams détonne également dans le modèle de formation basque. « Du dribble, de la vitesse, de la percussion » , selon les dires d’Iban Lumbreras, l’un de ses formateurs, sont quelques-unes des qualités qu’apportent le jeune attaquant de 20 ans. Présentation d’un jeune homme qui transpire « l’amour du football » .
Du camp de réfugiés aux champs navarrais
« À la connaissance de son histoire, on comprend mieux la personne » , entame Iban Lumbreras, son entraîneur durant deux saisons au Club Deportivo Pamplona. Son histoire prend racine à Accra. Bien avant sa naissance, c’est dans un camp de réfugiés proche de la capitale du Ghana que se rencontrent ses deux parents. Félix Williams, exilé libérien à cause de la guerre civile, et Maria Arthuer, Ghanéenne de naissance, décident d’embarquer ensemble vers le Vieux Continent. Ils débarqueront à Bilbao et y donneront naissance, en juin de la même année, au jeune Iñaki. En cette année 1994, ces deux immigrés enchaînent les petits boulots. Du travail des champs à celui du soin des animaux, ils emménagent finalement à Pampelune. Dans la capitale de Navarre, Iñaki prend sa première licence et tape illico dans l’œil des recruteurs de l’Athletic. Sitôt recruté à dix ans, il est renvoyé à son premier club. Iban Lumbreras, qui l’a bichonné de ses 16 à ses 17 ans, se souvient : « Il vient d’un milieu où rien ne lui était donné, il n’avait pas les facilités dans sa vie quotidienne que celles des autres joueurs de son âge » .
Qu’importe, puisque « sur le terrain, il n’y avait plus de différence avec les autres et il en profitait » . « C’était un jeune extraverti, très ouvert sur le monde, qui avait soif de découvrir. C’est ce qu’il transmettait à tout le monde autour de lui » , poursuit son ancien mentor. Assoiffé de buts, Iñaki Williams fait figure d’exception dans la formation basque. Plus habitué à façonner de robustes guerriers ou de fins milieux de terrain, le réservoir régional n’offre que peu de diversité dans ses profils. « Nous n’avons jamais formé de grands joueurs rapides, convient l’ancien Leones Daniel Ruiz Bazan. Notre centre de formation a eu tendance, ces derniers temps, à sortir des joueurs dits plus de « toque ». » Aguerri aux joutes basques, Iñaki revient au bercail de Lezama juste avant sa majorité. Pas à pas, pion après pion, il grimpe les échelons du club. En chiffres, ses deux saisons avec les U19 puis la réserve facturent plus de 30 buts chacune. Cet exercice 2014/15, il le commence également avec le Bilbao Athletic – le nom de l’équipe B – avant de faire le grand saut avec le groupe professionnel de Valverde à l’automne.
« Un merveilleux symbole »
L’ascension d’Iñaki Williams dans la plus haute sphère du football basque atteint son summum en décembre. Face à Cordoue, dans un San Mamés crispé pour cause de résultats chaotiques, il est le rayon de soleil d’une équipe en manque de confiance. Rapidement, il s’impose comme une alternative plus que crédible. D’apparitions sporadiques en entrées convaincantes, il glane ses galons de titulaire face au Real Madrid. Plus que le supplice qu’il a imposé à Pepe, ses gâteries techniques ou ses efforts défensifs, « c’est une grande fierté pour tous les supporters de l’Athletic de voir, pour la première fois de la grande histoire de notre club, un joueur de parents africains porter ses couleurs » , expose le retraité Daniel Ruiz Bazan. Entre ouverture d’esprit et respect de ses règles ancestrales, l’Athletic Bilbao s’offre « un merveilleux symbole » avec un gamin « aussi basque que moi ou que tous les autres » , relance El Guerrillero. Désormais, le plus dur s’offre à Iñaki Williams : s’imposer comme un buteur redoutable et s’émanciper de ce statut de symbole pour celui de valeur sûre. « C’est tout le mal que je lui souhaite » , sourit Iban Lumbreras.
Par Robin Delorme, à Madrid