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Ils voulaient tous vivre dans un Sous-Marin jaune
Liverpool - The Beatles - Yellow Submarine - Marsopa - Villarreal. Le chemin entre les deux clubs du soir est aussi simple que ça. Seule inconnue sur la route, le Marsopa. Un ancien sous-marin espagnol que le club a bien failli s'offrir pour le peindre en jaune et le transformer en musée. Voilà son histoire.
Allongé sur son lit, Paul McCartney est sur le point de s’endormir : « C’est un instant un peu irréel. J’ai toujours aimé cette zone : vous dormez presque, vous vous êtes délesté de vos soucis de la journée et il y a ce petit moment de bonheur juste avant de sombrer dans le sommeil. Je me souviens de m’être dit, dans un de ces moments-là, qu’une chanson pour enfants serait une bonne idée. J’ai pensé à des images et la couleur jaune m’est apparue, puis un sous-marin, et je me suis dit : « Tiens, c’est pas mal, comme un jouet. » Une sorte de Sous-Marin jaune très enfantin, je pensais la donner à Ringo, ce qui s’est effectivement passé, alors je ne lui ai pas donné une étendue vocale immense. J’ai fait une petite mélodie dans ma tête et ai commencé à inventer une histoire de vieux marin qui raconterait à des gamins qu’il arrivait d’un endroit où il s’occupait d’un Sous-Marin jaune. »
Sur un énième tacle au moustachu des quatre, Yellow Submarine est né. Et comme tout ce que touchent les quatre bonhommes de Liverpool, ça devient un tube. Tellement, que d’obscurs groupes des quatre coins du monde la remastérisent à leur sauce et dans leur propre langue. En Espagne, ce sont les Mustang qui s’en chargent. Un mauvais Google Translate, chemises ouvertes jusqu’au nombril et sourires Colgate.
Bref, l’important, c’est que les joueurs de Villarreal l’adorent aussi et qu’ils en font leur chanson officielle à partir de la fin des années 1960, et ce, durant plus de trente ans.
De l’euphorie à la désillusion
La preuve, c’est que fin 2006, deux membres du club de Villarreal, Pepe Hidalgo et Esteban Folgado, font un rêve aussi fou que celui du scarabée quand ils tombent sur cette information : « Après plus de trente années de service, le sous-marin Marsopa S-63 prend sa retraite à Torrevieja. » Vous l’aurez compris, les deux amis veulent s’offrir le navire et en faire l’emblème du club. Mieux, ils veulent en faire un musée et le repeindre en jaune. Et sans rien payer. Avec des responsables municipaux et le porte-parole du groupe municipal socialiste, José Benlloch, ils se réunissent alors pour mener ce lobbying à bien. La nouvelle fait le tour de la ville, passe par le président du club, Fernando Roig, le maire, Manolo Vilanova, le sénateur de la province de Castellón, Bautista Cardona, et ira même jusqu’au ministère de la Défense, en charge du navire de guerre.
#TalDíaComoHoy en 1974 se celebró la puesta a flote del submarino « Marsopa » S-63Astillero de #Cartagena@Armada_esp pic.twitter.com/OiQaFE0Esz
— Navantia Oficial (@NavantiaOficial) 15 mars 2016
José Bono, ministre en question, a l’air de prime abord plutôt d’accord avec la proposition, « il semble qu’il soit plutôt ouvert à la négociation », raconte alors José Benlloch, avant de ne plus donner aucun signe de vie au fur et à mesure que les choses se précisent. Même schéma avec son successeur au ministère. « À chaque fois que le Marsopa semblait se rapprocher de Villarreal, de petits problèmes se posaient et atteignaient un peu notre enthousiasme initial », explique Folgado. Même si l’idée est d’exposer les maillots de Riquelme, les chaussures de Sorín ou les brassards d’Arruabarrena, il faut trouver un endroit qui puisse accueillir le mastodonte.
La place Llaudador, pas loin du Madrigal, est la piste privilégiée, mais sa cohabitation avec la nature reste alors une énigme. La question financière, si elle n’est jamais vraiment évoquée, fait également partie des points de désaccord. Autre problème selon Folgado : « Ils ne voulaient pas qu’on le peigne en jaune, ce qui changeait tout pour nous. Ou bien, ils avaient peur qu’on fasse n’importe quoi avec le transport. » 58 mètres de long, pour 1000 tonnes à faire rouler sur plus de 300 kilomètres, effectivement, ça peut en refroidir plus d’un.
Imagine
Et voilà, finalement, la folie du départ n’est plus. Et un an plus tard, le projet se perd dans les méandres de l’administration espagnole. Il y a presque deux ans jour pour jour, on apprenait même que l’entreprise Astesa, basée à Carthagène, posait 90 000 euros sur la table pour s’offrir le Marsopa. Moins loin, plus lucratif et plus écologique, puisque Astesa est spécialisée dans le transport et la gestion des déchets. C’est un bon compromis et c’est surtout la dernière fois qu’on a entendu parler de ce rêve complètement fou. Imagine no possession. I wonder if you can.
Par Ugo Bocchi
Propos recueillis dans El Periódico Mediterráneo