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Ils sont fous d’El Loco
Adulé au Chili, regretté en Argentine, Marcelo Bielsa a qualifié la Roja avec panache après douze ans de disette. Grand adepte du football engagé, fidèle à ses idées et dévoreur de vidéos, El Loco tient sa revanche. A l'image de Jacquet en 98, il a fait taire ses détracteurs et réussi là où on lui promettait l'échec, en remettant au goût du jour le football total.
Les reconnaissances pleuvent sur Marcelo Bielsa depuis qu’il a ramené le Chili parmi l’élite mondiale du football en obtenant la qualification pour la Coupe du Monde avec un nombre de points historique (trente-quatre, soit un de moins que le Brésil, leader de la zone Amsud). Au Chili, il est aujourd’hui considéré comme le meilleur sélectionneur de l’histoire, d’après un sondage effectué par le journal El Mercurio à l’issue des éliminatoires (ledit quotidien lui attribuait 48,4% des suffrages, devant Nelson Acosta, huitième de finaliste à la Coupe du Monde en 1998, et Fernando Riera, troisième en 1962). Il donne désormais des conférences à des PDG prêts à le payer une fortune pour connaître ses secrets de management. L’ex-présidente Michelle Bachelet l’a érigé en « modèle pour les jeunes » , pour sa capacité « à travailler en équipe, obtenir des résultats avec discipline, rigueur et aussi enthousiasme » . L’Argentine, qu’il dirigea de 1998 à 2004, s’est habituée à vivre avec le spectre de celui qui la conduisit à son premier titre olympique. Les espoirs nés de la nomination de José Pekerman, puis du retour d’Alfio Basile, dernier vainqueur de tournois internationaux à la tête des Ciel et Blanc (la Copa America en 1991 et 1993 et la Coupe des Confédérations en 1992) et enfin de l’avènement de Diego Maradona, ont laissé place à la déception et aux regrets.
Une icône au Chili
En automne dernier, alors que l’Argentine et ses stars tremblent dans les dernières journées de qualification, Bielsa savoure sa victoire : il a fait du Chili une valeur sûre du continent, une équipe solide et séduisante, en deux ans à peine, avec en prime un premier titre international décroché en juin dernier au Tournoi de Toulon avec les espoirs. Sa fin d’année a des allures de film hollywoodien : les socios de Newell’s Old Boy, le club de Rosario où le technicien a débuté sa carrière, décident d’attribuer son nom à l’ancien stade Coloso del Parque, tandis qu’au Chili le site internet “Brûle un cierge”, ouvert pour la « béatification » de San Marcelino, récolte plus de 70.000 signatures (www.prendeleunavela.cl) et qu’un groupe de députés propose qu’il soit naturalisé chilien. De l’autre côté de la Cordillère des Andes, on grince des dents dans la presse comme dans l’opinion publique, où son nom revient sans cesse, Bielsa étant devenu le symbole d’une réussite qui échappe à la Seleccion depuis trop longtemps.
Le temps des regrets
Moqué pour son sens de la communication désastreux, pour son obsession pour les séances vidéos ou sa rigueur, l’ancien professeur d’éducation physique qu’il est, avec ses lunettes rectangulaires sur le bout du nez et son survêtement sur le dos, n’a rien à envier aux sélectionneurs que la France a connus depuis quinze ans, de Jacquet le persécuté à Raymond le mal aimé. Son bilan est pourtant sans égal avec celui de son homologue argentin, un certain Diego Maradona : avec une poignée de joueurs locaux (Millar et Cereda, tous deux à Colo Colo), d’exilés “argentins” (Ponce et Medel, défenseurs référents de Vélez Sarsfield et Boca Juniors) ou “mexicains” (Beauséjour à America et Suazo, passé cet hiver de Monterrey à Saragosse) et de joueurs évoluant dans des clubs européens moyens (Bravo, le gardien, à la Real Sociedad, Sanchez à Udinese, Fernandez au Sporting Portugal ou encore Jara à West Bromwich Albion), il a dessiné les contours d’une formation attrayante et respectée, basée sur l’idée de mouvement perpétuel, chère à la Hollande des années 70. Il a aussi fait naître une attente énorme chez les Chiliens, qui n’envisagent pas une seule seconde une défaite au premier tour du Mondial, au sein d’un groupe où la Suisse et le Honduras semblent largement à la portée de la Roja, derrière l’Espagne.
Traduit de l’espagnol par Florent Torchut, source Clarin
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