- En partenariat avec Netflix
Ils ont subi un dribble mémorable… et ont basculé dans l’Upside Down
Certains joueurs entrent dans l'histoire par la grande porte, en remportant une cascade de titres et de récompenses individuelles. D’autres préfèrent emprunter une porte dérobée, et pas toujours de manière volontaire, pour rester dans les mémoires. Il a parfois suffi d’un dribble qui l’a laissé sur place, d’une maladresse, d’un geste incontrôlé, pour qu’un joueur bascule d’un anonymat relatif à la gloire éternelle... Pour qu’un innocent plonge bien malgré lui dans l’Upside Down, la dimension alternative de Stranger Things, la série diffusée sur Netflix : un monde parallèle froid, sombre et obscur. En voici dix parmi les plus illustres.
#10 - Hatem Ben Arfa vs Angers
S’il n’y a bien une chose que personne n’a jamais contestée à Hatem Ben Arfa, c’est une faculté d’élimination d’extraterrestre balle au pied. C’est probablement le meilleur joueur du monde lorsqu’il s’agit de dribbler un, voire plusieurs adversaires. Et Angers l’a appris à ses dépens lors de la saison 2015-2016.
Hatem tire un corner « à la rémoise » , combine avec Koziello et hérite du ballon le long de la ligne de touche. Entre lui et le but angevin, pas moins de cinq défenseurs. Autant dire que ça ne suffit pas à effrayer l’enfant terrible du foot français. Ben Arfa accélère, coupe brusquement sa course à l’angle de la surface, et d’un ; place un petit pont sur un défenseur qui surgit à ce moment-là, et de deux ; évite le tacle d’un autre qui revenait sur ses pas, et de trois ; place un petit crochet extérieur pour reprendre la direction du but, et de quatre ; s’infiltre dans la surface et réalise un nouveau crochet extérieur pour s’ouvrir le chemin du but, et de cinq. Pendant que Ben Arfa envoie tous les défenseurs qui croisent sa route dans l’Upside Down, évidemment, c’est plus facile pour les Aiglons de jouer au football.
#9 - Mesut Özil vs Ludogorets
Les Bulgares de Ludogorets pensaient tenir leur exploit, en accrochant les Gunners à domicile, 2-2, en phase de poules de la Ligue des champions. On joue les dernières minutes de la rencontre, et Arsenal est en train de dire adieu à la première place de son groupe au profit du PSG. Mais il reste encore une poignée de minutes à jouer, et voilà Mesut Özil qui se carapate dans le dos de la défense bulgare et se présente seul face au portier, qui décide de venir à sa rencontre.
Le reste, c’est de la poésie. Özil efface le gardien bulgare d’un coup du sombrero, évite le retour d’un premier défenseur d’un petit crochet extérieur, enchaîne avec une feinte de frappe qui fait plonger les deux défenseurs qui s’interposaient entre lui et le but, et termine son action d’un petit plat du pied dans le but vide. Les autorités seraient toujours sans nouvelle des trois Bulgares qui ont basculé dans une autre dimension ce soir-là. Arsenal s’impose 2-3, et dérobera la 1re place du groupe lors de l’ultime journée.
#8 - Ángel Di María vs Carles Puyol
26 février 2013, demi-finale retour de la Coupe du Roi, entre le Barça et le Real Madrid. Au match aller, les deux équipes se sont séparées sur un score nul (1-1) plutôt à l’avantage des Blaugrana. Pourtant, sur sa pelouse, le Barça perd complètement pied face aux Merengues, emmenés par un Cristiano Ronaldo de gala, auteur d’un doublé.
Le score est encore de 0-1 quand Di María s’enfuit dans le dos de la défense catalane, poursuivi par Carles Puyol. L’Argentin temporise, place un dribble derrière le pied d’appui « à la Drogba » pour déstabiliser son vis-à-vis, mais reprend aussitôt sa trajectoire initiale pour s’ouvrir le but. C’en est trop pour le défenseur chevelu, qui décide de tout plaquer pour se mettre à la danse classique et réaliser un magnifique grand écart dans sa surface de réparation.
#7 - Cafu vs Pavel Nedvěd
Le contexte : un derby chaud bouillant entre la Lazio et la Roma, saison 2000-2001.
L’artiste : le latéral brésilien Cafu, déjà champion du monde en 1994 et sur le point de le redevenir en 2002.
Le chef-d’œuvre : à la suite d’une relance de Tommasi, Cafu hérite du ballon le long de la ligne de touche, dans sa moitié de terrain, et réussit un enchaînement complètement fou pour échapper au pressing de Nedvěd : coup du sombrero pied gauche, contrôle de la poitrine, deuxième coup du sombrero pied droit, pardon, contrôle du genou et troisième coup du sombrero pied droit. Pavel Nedvěd vient de disparaître de la surface de la Terre, pendant que Cafu s’échappe et tente un quatrième coup du sombrero sur Diego Siemone qui passait par là, et qui préfère commettre une faute grossière plutôt que d’être humilié à son tour.
#6 - Dimitar Berbatov vs James Collins
À la suite du chef-d’œuvre de Redondo, Manchester United a bien retenu la leçon. Et c’est près du même poteau de corner à Old Trafford que Dimitar Berbatov va reproduire le même type de geste complètent dingue, le 29 octobre 2008, pour la réception de West Ham.
Lancé en profondeur par Anderson, Berbatov s’isole à l’angle de la surface, jette un rapide coup d’œil en direction du défenseur James Collins, et réalise un brusque changement de direction après avoir réalisé un tour sur lui-même, tout en soulevant délicatement le ballon pour qu’il reste hors de portée de l’international gallois.
Le stade tout entier pousse un cri d’admiration pendant que James Collins se demande comment il a pu se téléporter en une fraction de seconde de la pelouse du Théâtre des Rêves à l’Upside Down. Comme Redondo avant lui, Berbatov parachève son œuvre d’une subtile passe en retrait, cette fois à Cristiano Ronaldo, qui n’a plus qu’à pousser le ballon au fond.
#5 - Fernando Redondo vs Henning Berg
La règle numéro 1, pour les défenseurs, avant même de récupérer le ballon, est d’isoler les attaquants et de leur fermer la route du but. Henning Berg est donc assez serein, ce soir de 8e de finale entre Manchester United et le Real Madrid, lorsqu’il parvient à enfermer Redondo tout près du poteau de corner, dos au but.
La règle numéro 1, pour les génies, est d’inventer des gestes qu’ils sont les seuls à pouvoir imaginer. Alors qu’il semble en mauvaise posture, coincé entre trois défenseurs anglais, Redondo invente une sortie de secours, grâce à une talonnade pleine de malice qui passe entre les jambes de Berg et aspire son âme. Le défenseur norvégien ne sait plus où il habite, et Redondo peut tranquillement terminer son action et servir en retrait Raúl, seul face au but vide.
#4 - Arjen Robben vs Iker Casillas
Arjen Robben vient de prendre sa retraite internationale. Il n’a jamais remporté un trophée majeur sous le maillot oranje, malgré une finale de Coupe du monde disputée en 2010, mais il a à son actif quelques coups d’éclat qui ne se limitent pas à son fameux enchaînement, crochet intérieur puis frappe du gauche.
En 2014, lors de la démonstration néerlandaise face aux Espagnols tenants du titre (5-1), le joueur du Bayern inscrit son plus beau but en sélection. Après une course folle en direction de la surface de la Roja, il coupe brusquement son effort, réalise un tour sur lui-même et oblige Iker Casillas à se coucher. Si Robben avait levé la tête, il aurait vu un partenaire seul face au but vide, mais Arjen n’est pas du genre à partager. Il continue donc son action en solitaire, pendant que San Iker le poursuit à quatre pattes, et finit par marquer tranquillement pendant que le portier espagnol, à genoux au niveau du point de penalty, voit sa vie défiler devant ses yeux. L’humiliation est totale.
#3 - Mahrez vs Aston Villa
Ce 13 septembre 2015, Leicester reçoit Aston Villa pour confirmer ce qui n’est alors qu’un début de saison encourageant, et qui deviendra une saison de champions. Riyad Mahrez a déjà enfilé son costume de magicien. On approche de la mi-temps et les Foxes sont menés 0-1, quand l’ancien Havrais s’infiltre à grandes enjambées dans la défense des Villans, jusqu’à se présenter à l’entrée de la surface, où s’est repliée l’arrière-garde adverse. Lancé à toute vitesse, Mahrez cherche à s’ouvrir un espace pour décocher une frappe malgré l’opposition, le voilà parvenu dans l’axe, il arme son pied gauche… et repart dans le sens opposé, après une feinte venue d’une autre galaxie.
Ashley Westwood, Leandro Bacuna et Micah Richards, pourtant pas nés de la dernière pluie, plongent tous les trois dans la feinte de frappe et sont balayés par le coup de rein dévastateur de l’Algérien. L’effet est presque irréel, les trois défenseurs d’Aston Villa s’effondrant dans un mouvement parfaitement chorégraphié.
#2 - Lionel Messi vs Jérôme Boateng
Lionel Messi est incontestablement un très grand joueur : devant son talent et ses titres, on ne peut que s’incliner. C’est d’ailleurs ce que Jérôme Boateng a fait lors d’une demi-finale de Ligue des champions que Lionel Messi avait une fois de plus décidé de remporter à lui tout seul. À la 80e minute, quelques instants seulement après avoir ouvert le score, Messi scelle déjà la rencontre. Bien servi dans la profondeur par Rakitić, le prodige argentin fait reculer Jérôme Boateng jusque dans sa surface, et plutôt que de s’ouvrir l’angle de frappe pour son fameux pied gauche, place un crochet éclair vers l’extérieur. Boateng, qui ne sait plus sur quel pied danser, s’effondre de tout son long, traverse la pelouse, et bascule dans l’Upside Down. À travers la brume et les larmes, il assiste impuissant à la subtile pichenette de Messi sur Manuel Neuer, pour le 2-0. En 3 minutes, le quintuple Ballon d’or vient de gagner le match à lui tout seul, d’envoyer pratiquement le Barça en finale, et d’humilier un défenseur et un gardien champions du monde et considérés à juste titre comme des références à leur poste. Par la suite, Boateng verra se multiplier les mèmes moqueurs sur les réseaux sociaux. Alors que, soyons honnêtes : n’importe qui aurait fini le nez dans le gazon sur un tel dribble.
#1 - Anthony Réveillère vs Alessandro Mancini
Nous sommes le 6 mars 2007, il est exactement 21h28, et la vie d’Anthony Réveillère est sur le point de basculer. Les Lyonnais accueillent la Roma pour ce 8e de finale retour de la Ligue des champions, et sont déjà menés depuis la 22e minute. Lyon attaque, mais s’expose à des contres. À la conclusion de l’un d’entre eux, Mancini bénéficie d’une magnifique transversale de Totti pour se présenter seul face à Réveillère.
À l’entrée de la surface, le show commence. Un, deux, trois, quatre, cinq, six passements de jambes font basculer Anthony Réveillère dans une autre dimension. Le latéral international erre dans l’Upside Down, hagard, ne comprend toujours pas comment le ballon a pu disparaître aussi vite, pendant que Mancini achève le boulot en claquant un boulet de canon au premier poteau de Grégory Coupet. Et pour l’éternité, le nom d’Anthony Réveillère restera associé à cette séance d’hypnotisme réalisée en direct devant des millions de téléspectateurs.
Par Julien Mahieu