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Ils ont marqué le foot allemand, de 30 à 21

Par Ali Farhat, Charles Alf Lafon, Sophie Serbini et Côme Tessier
13 minutes
Ils ont marqué le foot allemand, de 30 à 21

Chaque mois, jusqu'à l'Euro, Sofoot.com retracera les 100 joueurs qui ont marqué le football italien, espagnol, allemand, anglais et français. On continue avec l'Allemagne, avec les joueurs classés de la 30e à la 21e place.

30. Uli Stielike

Uli Stielike est un homme bien caché derrière sa moustache. Jeune, le natif de Ketsch (non loin de Karlsruhe) était très introverti, au point de refuser les offres de plusieurs clubs de l’élite. Il finira cependant par craquer en 1973, quand Hennes Weisweiler, qui a toujours eu l’œil pour détecter les talents, l’attirera dans les filets de Gladbach. Âgé alors de 19 ans, Stielike parvient à s’imposer au sein de la défense des Poulains, qui se mettent à tout rafler sur leur passage. La renommée du jeune homme parviendra jusqu’à Madrid, à tel point que Santiago Bernabéu lui-même viendra le chercher. Au Real également, Stielike se fera sa place sans faire de bruit, tantôt dans l’entrejeu, tantôt en défense. Il se fera également un nom : « El Panzer » , et remportera sept titres en huit ans (77-85). Pour mesurer à quel point Uli a pesé en Liga, il suffit de s’en tenir à cette ligne : quatre fois de suite lauréat du titre de meilleur étranger du championnat (77-81), décerné à l’époque par le magazine Don Balon. C’est simple, personne n’a fait mieux. Pas mal à une époque où les non-Espagnols s’appelaient Krankl, Kempes ou encore Simonsen. Mais pas d’enflammade pour autant, Uli Stielike reste un homme très terre à terre. Heureusement, d’ailleurs : la seule fois où il a fait preuve d’extravagance, c’était lors de sa nomination en tant qu’adjoint d’Erich Ribbeck en Nationalmannschaft. Ce jour-là, Stielike portait un haut tellement dégueulasse qu’il est resté dans l’histoire comme étant le « Sakko des Grauens » (le veston de l’horreur). Son seul véritable faux pas. AF

29. Uli Hoeneß

Quand on évoque Uli Hoeneß, on pense forcément à rebours. Prison, évasion fiscale, immense dirigeant, l’âme du Bayern, toujours là pour ses protégés, que ce soit Deisler, Breno ou Müller, et enfin, en dernier, joueur. Un sacré joueur. Recruté à 18 ans au Bayern par Udo Lattek, qui l’a connu chez les Espoirs, Uli s’impose d’entrée dans le onze. Particulièrement rapide (il détint pendant un certain temps le record du 100m pour un footballeur, avec 11s), sa vision de jeu et sa technique lui octroyait aussi le droit et le devoir de mener le jeu du Bayern 70s lorsque Beckenbauer était trop occupé. Sans oublier un don pour le but certain, ce qui lui permit de former le duo le plus prolifique de la Bundesliga avec Gerd Müller (53 buts pour eux lors des saisons 1971/72 et 1972/73, dont 13 et 17 pour Uli), sans oublier un doublé chacun lors du replay en finale de LdC 1974 face à l’Atlético. Malheureusement, lors de la finale suivante, contre Leeds, Hoeneß se blesse gravement au genou et ne s’en remit jamais, pour finir par raccrocher les crampons à 27 ans, avec le palmarès classique du Bavarois de cette époque : 3 Buli, 3 CL, une Coupe du monde, un Euro. Beaucoup d’autres titres suivront avant la prison, et sans doute d’autres encore après. CAL

28. Jürgen Kohler

Aucun joueur de foot n’a aimé avoir Jürgen coller à ses basques. Sur le terrain, Kohler est comme de la glu, une sangsue qui dégoûte les attaquants d’avoir choisi ce métier. Ses qualités défensives sont exceptionnelles, tant dans le marquage que dans le tacle – si jamais l’adversaire a réussi malgré tout à prendre un tout petit peu d’espace. Il est surtout redoutable pour un dernier rempart. C’est le compagnon parfait d’un libéro pour une charnière centrale. C’est la raison pour laquelle Kohler signe rapidement au Bayern, après des débuts avec Mannheim et Cologne. Avec l’Allemagne, il gagne le Mondial 90, puis l’Euro. Deux succès qui jalonnent ses 105 sélections, preuve de son maintien au plus haut niveau. Pour garder cette stature, Kohler a fait un choix malin : l’Italie sublime ses qualités défensives, au sein de la Juventus de Turin, et lui permet d’inscrire un nouveau titre avec la Coupe UEFA 1993.

Mais sa révélation, c’est son arrivée au Borussia Dortmund. Dès ses débuts au Westfalenstadion, le public jaune et noir tombe amoureux de celui qui les a battus lors de la finale 93. « Je me suis tout de suite senti chez moi » , explique-t-il. Il gagne alors le surnom non galvaudé de Fußballgott, avant d’être reconnu en 97 comme joueur allemand de l’année – suite à la victoire du BvB en Ligue des champions. Il poursuit sa carrière jusqu’en 2002, et un dernier titre de Bundesliga avec Dortmund. Ses adieux ont toutefois une saveur aigre douce. S’il y a ce titre, il y a aussi une dernière finale européenne. Dortmund la perd 3-2 contre Feyenoord. Après 30 minutes, Kohler est pris de vitesse et voit rouge. La vieillesse est une ingrate. CT

27. Andreas Brehme

Quand il s’avance pour tirer le penalty décisif de la finale de la Coupe du monde 1990, Andreas Brehme choisit son pied droit. Il choisit, car « Andy » est doué des deux pieds. C’est sa grande particularité en tant que latéral gauche. Il peut revenir sur son mauvais pied, qui ne l’est pas, et surprendre ainsi son vis-à-vis. Cela rend service une première fois à l’Allemagne dans la compétition, contre les Pays-Bas. En finale, cela lui offre un avantage par rapport à Goycochea, le gardien adversaire spécialiste des penaltys repoussés. Mais Brehme transforme donc grâce à son pied droit. L’Argentine est battue. Brehme confirme son statut de spécialiste des coups de pied arrêtés. Que ce soient des coups francs, des corners ou des penaltys, Brehme est précis comme personne d’autre. Mais ce serait réduire bêtement son influence dans le jeu.

Avec ses deux pieds, Brehme court, Brehme défend, Brehme attaque, le tout pendant dix-huit saisons. En 1990, Andy a 30 ans et déjà une Bundesliga et une Serie A (avec le Bayern en 87, puis l’Inter Milan en 89), bientôt il y ajoute une Coupe UEFA avec son équipe italienne. Brehme semble se faire vieux et il rentre au pays. C’est peut-être à ce moment-là qu’il écrit une histoire tout aussi belle que celle de la finale 90. Avec le FC Kaiserslautern de ses débuts professionnels, il gagne trois titres en trois saisons, de 96 à 98. C’est d’abord une Pokal obtenue malgré la descente, puis le retour dans l’élite avec le titre de 2. Bundesliga et… le Meisterschale dans la foulée, comme promu. Avec Brehme, c’était sans cesse du jamais-vu. CT

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26. Bastian Schweinsteiger

Sans doute parce qu’il a le nom le plus allemand qui soit, une ganache pas vraiment glamour et que ses cheveux ont été peroxydés durant quelques années, Bastian Schweinsteiger restera pour toute une génération LE joueur allemand par excellence. Pendant longtemps, lorsqu’on parlait Mannschaft ou Bayern Munich, on parlait Schweini. Il faut dire que durant dix ans, l’ancien ailier – reconverti en milieu relayeur à l’arrivée de Franck Ribéry en Bavière – aura parcouru des milliers de kilomètres sur les terrains pour emmener ses deux équipes au firmament. Avant d’y arriver, il y aura eu quelques traumatismes. Deux en particulier. En 2012, alors que le Bayern et Schweini touchent leur rêve du bout des doigts, la star du Bayern rate son penalty et propulse Chelsea sur le toit de l’Europe. Quelques semaines plus tard, Basti sombrera en compagnie de ses potes de la NM face à l’Italie en demi-finale d’un Euro qu’ils ne pouvaient pas perdre. Ces deux moments ne rendront pas le joueur plus fort – jamais il ne retrouvera le niveau qui était le sien en 2010 –, mais l’homme oui, avec pour preuve son match monstrueux en finale de Coupe du monde contre l’Argentine. Et si désormais, Schweini traîne sa vieille carcasse de façon plus ou moins convaincante en Angleterre, l’essentiel est ailleurs. Lui qui a si souvent voulu montrer qu’il valait mieux que ce qui se disait de lui n’a aujourd’hui plus rien à prouver. Son palmarès, ses statistiques et Anna Ivanović parleront toujours pour lui. Plus jamais il ne sera sous-estimé. SS

25. Berti Vogts

On aime certains joueurs parce qu’ils donnent l’impression que le football est quelque chose de facile. On leur attribue des surnoms grandiloquents, si ce n’est des titres : roi, empereur, major. Ils sont capables de changer le cours d’un match d’une action géniale. Berti Vogts n’était pas de ceux-là. Les épaules voûtées, la tête en avant, penchée, comme s’il traînait une charrue dans la terre glaise. Berti piétinait, labourait. Chaque course était un combat. Berti était « Der Terrier » , l’homme qui rognait les chevilles des majestueux. Pourtant, il a lui aussi changé le cours d’un match, seulement, pas comme on l’entend. Lors de la finale de la Coupe du monde 1974, il s’occupe du marquage individuel sur Cruyff ; on connaît la suite. Berti, c’est le pendant Gladbach de la NM des années 1970, l’autre football allemand, celui qui tenait tête au Bayern sur le terrain domestique (5 titres en Buli entre 1970 et 1977) sans parvenir à accrocher l’Europe. Évidemment, le Terrier est fidèle : 14 ans et 419 matchs au compteur, avant de raccrocher pour devenir entraîneur, avec la clef l’Euro 96.

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24. Paul Janes

Issu de la paysannerie rhénane, Paul Janes est monté à la ville et s’est imposé comme l’un des joueurs les plus importants de l’histoire du Fortuna Düsseldorf, avec qui il deviendra « Deutscher Meister » en 1933. Si l’arrière droit a été l’un des joueurs les plus en vue sous le régime national-socialiste, il n’a jamais profité du système comme ont pu le faire Fritz Szepan ou encore Ernst Kuzorra. Bien sûr, il a obtenu un poste d’employé de la ville de Düsseldorf en 1937 sur une initiative de Hans von Tschammer und Osten (le ministre des Sports sous le IIIe Reich) ; mais réduire Paul Janes à un sous-fifre des nazis serait réducteur. Et faux. À vrai dire, il ne s’intéressait pas à la politique. Taiseux, il s’exprimait plutôt avec ses pieds. Sélectionné à 71 reprises entre 1933 et 1942 (un record qui tiendra jusqu’en 1970), le petit Paul Janes était un joueur malin, doté d’un grand sens de l’anticipation. Mais ce qui faisait sa véritable force, c’était sa frappe de balle. Son sélectionneur Sepp Herberger disait de lui qu’il était si précis qu’en shootant, il pouvait toucher une mouche logée sur le poteau. Même si cela relève de la fable, ça en dit long sur les capacités du bonhomme. AF

23. Rudi Völler

On ne touche pas aux cheveux de Tante Käthe, le surnom de Völler dû à ses petites bouclettes blondes. Le 24 juin 90, Frank Rijkaard commet l’inimaginable : à plusieurs reprises, ses glaires s’échappent jusqu’au mulet et s’y figent. Rudi Völler récupère la masse chaude avec dégoût. Rijkaard a craqué à cause de l’abnégation – et une dose de comédie – de son adversaire. Völler devient fou à son tour, on a osé s’attaquer à ses cheveux. Rijkaard prend son rouge. Völler aussi. Mais le mulet refait surface quelques jours plus tard, en particulier pour tomber dans la surface en finale (voir numéro 27). Voilà comment Völler reste dans les mémoires capillaires et sportives comme le plus beau des mulets, le plus rusé des renards de surface et le plus sanguin des Allemands.

Le reste est une suite de bons coups teintés d’une poisse formidable, que Völler provoque par sa volonté et par son art du placement. En 1993, il gagne la Ligue des champions avec l’OM. Dès 1983, il est meilleur buteur de Bundesliga pour sa première saison au Werder. Le club termine deuxième à la différence de buts derrière le rival Hambourg. Rebelote en 86 à cause du Bayern. Il signe à la Roma et y perd la finale de la Coupe UEFA 91, puis se blesse dès le premier match de l’Euro. Sans oublier la finale de la Coupe du monde 2002 perdue contre le Brésil, alors que Völler est le sélectionneur. Alors, sans hasard, Völler a trouvé son club de cœur : le Bayer Leverkusen. Il y passe deux saisons comme renard des surfaces, encore redoutable. Il y reste en 96 comme directeur sportif, à s’y faire des cheveux blancs. CT

22. Bernd Schuster

S’il y a bien un joueur qui n’en avait strictement rien à foutre de ce que les autres pensaient de lui, c’était bien Bernd Schuster. Le plus espagnol des joueurs allemands a passé une carrière à déjouer les pronostics et à trimbaler son sale caractère de club en club. Figure incontournable du Barça des 80’s, Bernd Schuster a tout remporté ou presque avec les Blaugrana. Mais ce n’est pas que pour son palmarès qu’il reste connu en Catalogne. Brouillé avec les dirigeants du Barça – entre autres parce que sa femme Gabi n’avait pas sa langue dans sa poche – il s’attire les foudres du peuple catalan lorsqu’il passe en 1988 chez l’ennemi madrilène. Avec le Real, Schuster connaîtra le même succès et deviendra rapidement un des chouchous de Bernabéu, un fait qui ne l’empêchera pas de prendre sa valise pour faire un tour du côté d’un autre club madrilène, l’Atlético. En 13 ans, le Bavarois de naissance sera passé par trois des plus grands clubs espagnols. Sans pression. « Les sifflets ne m’ont jamais fait aucun effet » , a-t-il dit quelques jours après son arrivée à Leverkusen en 1993 alors qu’on lui demandait s’il craignait la réaction du public de Cologne, club avec lequel il a commencé. En équipe nationale, son parcours reflète parfaitement son mauvais caractère. Malgré tout son talent, Schuster n’a jamais joué de Coupe du monde. Il ne compte que 24 sélections et un Euro à son palmarès. Sa relation acrimonieuse avec Paul Breitner, l’autre taré du moment, fit pendant des années le bonheur des magazines people d’outre-Rhin. Véritable rock-star, Schuster reste le joueur préféré de toute une génération de Barcelone à Madrid en passant par Cologne. Une génération qu’il aura trahi 100 fois, mais qui ne lui en tient pas rigueur. Le talent permet d’apaiser la rancœur. SS

21. Mesut Özil

Y-a-t-il déjà eu un joueur allemand plus clivant que Mesut Özil ? Pour certains, il est un génie. Quelqu’un qui comprend le football comme personne. Le joueur « le plus intelligent du monde » selon Philipp Lahm. Pour d’autres, il est une arnaque. Un joueur technique, mais clairement surestimé, jamais présent dans les grands matchs. La vérité, comme souvent, se situe à l’intersection de ces deux camps. Grâce à sa patte gauche et surtout à son cerveau, Mesut Özil a remis la passe au cœur du jeu de la Nationalmannschaft. Alors certes, pendant quelques années, Mesut Özil a semblé à côté de ses pompes, et la Coupe du monde au Brésil ne fut pas gagnée grâce à lui. Mais lorsqu’il est bon, tout le monde est meilleur. « La passe peut être plus belle que le but » , dit-il souvent. Ce don de soi lui est souvent reproché, mais jamais par les mecs avec qui il joue. De Cristiano Ronaldo à Thomas Müller en passant Alexis Sánchez, tous chantent ses louanges.

Il ne faudrait pas non plus oublier que derrière ce visage fatigué et sans charisme pour ses détracteurs se cache une homme qui a fait un choix. Un choix qui a changé à jamais le football et la société allemandes. En décidant de jouer pour l’Allemagne en 2009, l’enfant de Gelsenkirchen est devenu le premier joueur sélectionné en équipe nationale à avoir deux parents turcs. Si cette décision peut sembler anodine aujourd’hui, elle ne l’était vraiment pas en 2009 lorsque toute la communauté turque lui est tombée sur le dos. Mesut Özil a permis, certes sans le vouloir vraiment, à une génération de se sentir plus « allemande » . Sans lui, pas d’İlkay Gündoğan ou d’Emre Can en équipe nationale. Et si la route reste très longue pour que les enfants d’immigrés turcs se sentent comme des Allemands à part entière, les passes magiques de Mesut Özil aident un peu plus chaque jour à réconcilier les deux peuples. SS

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