Fin décembre, la RTBF annonce qu’une télé-réalité va se tourner autour d’Yvoir B, lanterne rouge d’une série de P4, la division la plus basse de Belgique. L’idée ? Proposer l’aide de Leo Vander Elst, ancien international belge, pour que l’équipe namuroise empoche 1, voire 3 points d’ici la fin de saison. Pour le coach Philippe Leclercq et ses joueurs, c’est bien entendu une première. Mais au club, personne ne se prend la tête : le plus important, ça reste l’ambiance dans l’équipe.
Yvoir B n’avait pas d’équipe au début de la saison, pourquoi l’avoir créée ?
Cet été, après avoir été entraîneur d’une équipe de jeunes, j’avais envie d’arrêter de coacher les gamins et passer à autre chose. On m’a proposé de reprendre une équipe B à Yvoir, donc j’y suis allé. Il restait 4-5 anciens sur place, j’avais des amis qui voulaient me suivre, c’est comme ça qu’on a recréé l’équipe.
Comment avez-vous fait la sélection des joueurs ?
On n’a pas cherché à faire de gros transferts. Moi, on me connaît beaucoup, donc j’en ai parlé un peu à droite à gauche, j’en ai convaincu plusieurs, dont des joueurs qui n’avaient plus joué depuis 4-5 ans !
Quand l’équipe a été constituée, vous vous êtes fixé quel objectif ?
Franchement, avec l’équipe que j’avais depuis le début, pour moi, on devait jouer dans les 5-6 premières places. On a fait un premier match en Coupe, perdu 4-3, mais là on avait une belle équipe. Après, ça a été la dégringolade de chez dégringolade : des blessures, des joueurs qui ne voulaient plus venir. Il y a par exemple des petits jeunes à qui tu disais un commentaire à l’entraînement, ça ne leur plaisait pas, donc ils ne venaient plus – bizarrement, maintenant on dirait que je suis le roi, le moindre bête truc que je dis, ils le font. À côté de ça, certains gars ont arrêté parce qu’ils avaient trouvé du boulot, et donc leurs potes les imitaient parce qu’ils ne voulaient pas jouer sans eux, etc.
Rapidement, ça n’a pas fonctionné, quelle a été la réaction des gars ?
Les 2-3 premiers matchs, quand on a vu les résultats, on s’est dit : « C’est pas possible c’est une mauvaise passe » . Mais ensuite, en voyant qu’on était 5-6 aux entraînements, on a compris qu’il fallait essayer de finir la saison comme on était là, et surtout éviter d’avoir un forfait. J’ai encore fait des recherches pour trouver d’autres amis qui n’avaient plus joué depuis encore plus longtemps, et voilà.
Moi ici, j’ai besoin d’un carreleur pour refaire ma cuisine, eh bien j’ai demandé à un gars de l’équipe s’il pouvait me conseiller
Pas de démotivation, d’engueulade ?
Non, il n’y a pas eu d’énervement. Honnêtement, il y a une ambiance hors pair dans l’équipe ! Même quand on perd, on est toujours là les uns pour les autres, on est une vraie bande d’amis, une bande de frères, donc pour moi, c’est pas toujours évident d’entraîner. Si on a un problème, on s’arrange ; quand on a besoin d’un conseil, c’est toute l’équipe qui répond ; moi ici, j’ai besoin d’un carreleur pour refaire ma cuisine, eh bien j’ai demandé à un gars de l’équipe s’il pouvait me conseiller. On est comme dans l’émission Tous ensemble.
Vous avez donc vécu plus de bons souvenirs hors du terrain, finalement ?
Oui, il n’y en a pas qu’un. Il y a tellement eu de trucs que je ne pourrais même pas dire comme ça quel est le meilleur souvenir de ces premiers mois de la saison…
Quand vous avez appris que vous alliez peut-être devenir les acteurs d’une émission télé, quelle a été votre réaction ?
Ma réaction, ça a été « J’espère qu’ils ne sont pas venus pour que toute la Belgique ou n’importe qui se foute de notre gueule » . De toute façon, tout le monde aurait eu la même réaction. On en a discuté entre nous, ils sont venus, on a discuté, on a rediscuté, ils nous ont bien expliqué qu’ils n’étaient pas là pour se foutre de nous et voilà.
On vous a demandé votre avis ?
Ha oui oui oui, parce que si certains ne voulaient pas… Non vraiment, ils ont fait tout dans les règles de l’art. Les ¾ de l’équipe étaient d’accord avec le principe de l’émission, le reste avait un peu peur, mais ça s’est arrangé : on est tous dans le même bateau, on se tient tous la main.
Pendant quelques semaines, il n’y a plus eu d’information, vous avez douté de la tenue de l’émission ?
On a toujours eu des nouvelles, mais de toute façon, à l’époque, on se disait que si ça se faisait, parfait, mais si ça ne se faisait pas, ça ne se faisait pas. On n’avait pas peur, on ne pouvait de toute façon rien changer, et en plus, on n’était pas la seule équipe dans le collimateur de l’émission. Ce n’est pas nous qui avons prié pour se faire prendre.
Et le choix final sur votre équipe, vous l’avez vu de manière positive ?
Franchement tous les joueurs voient ça positivement. On s’est dit que c’était une expérience à faire, c’est tout.
Comment ça s’est passé quand ils ont débarqué la première fois à Yvoir pour un match ?
Ça s’est passé normalement : ils sont venus, ils ont discuté, il n’y a rien eu d’autre.
Mais c’est quand même étonnant d’arriver au club et de voir autant de monde et de caméras ?!
C’était un match comme un autre, on l’a pris comme il venait. C’est vrai qu’on a été un peu étonnés au début, mais on s’y attendait, et puis on a dit qu’on jouerait le jeu dès le début, on le jouera jusqu’à la fin. Ce jour-là, j’ai donné rendez-vous aux joueurs au club pour remettre le lien dans l’équipe parce que ça faisait bien deux mois qu’on n’avait plus joué ensemble. On a discuté, j’ai donné la tactique pour ne pas se ramasser une cinquantaine de goals. Puis on s’est fait une bonne grosse mitraillette avant de partir.
C’était pas trop lourd pour le match, ça ?
Vous savez, on n’est qu’en quatrième provincial, hein. Si c’était en première division, on ne mangerait pas de mitraillette, quoique peut-être que certains le font en cachette…
Ça change les gars de savoir qu’ils sont filmés ?
Au niveau du comportement, non, mais la force de vaincre, oui. Franchement, désormais, on est 14-15, tout le monde vient à l’entraînement, et ça j’espère que tu le mettras : je suis vraiment fier d’eux. C’est très positif, ils comprennent qu’on est filmé et ils ne veulent pas qu’on rigole d’eux. Donc ils font d’énormes efforts : chapeau, chapeau, chapeau !
Vous n’avez pas peur de la moquerie ?
Si tu vas jouer dans les grands stades, t’as 25 000 caméras, ici t’en as 4-5, donc s’ils ont peur, tu ne vas pas sur un terrain de football quoi… Même en première provinciale, il y a une caméra ou deux, donc s’il faut avoir peur, c’est bon, on arrête de jouer au football.
On reste normal, ils filment, ils filment, ils filment pas, ils filment pas, c’est kif-kif bourricot.
Toutes ces caméras, ce monde… ce n’est pas dérangeant pour s’entraîner, s’échauffer, jouer ? Parce que les caméras montent parfois sur le terrain…
On ne fait même pas attention, on reste nous-mêmes. C’est ça qui est bien : on ne se dit pas « Y a des caméras, on va faire ça, ça et ça » . Non, on reste normal, ils filment, ils filment, ils filment pas, ils filment pas, c’est kif-kif bourricot.
Quelle est votre réaction quand Leo Vander Elst rentre dans le vestiaire ? Tout le monde le connaissait ?
Les caméras étaient dans le vestiaire après le match, on nous a dit que l’entraîneur allait arriver. Moi, franchement, je pensais que ça allait être Luc Nilis parce c’est un chouette gars, un super attaquant. Donc quand j’ai vu Léo Vander Elst, je ne l’ai même pas reconnu. C’est quand il a dit « Je suis Léo Vander Elst, celui qui a marqué le penalty en 86 pour la Belgique » que j’ai répondu « Ha ouais d’accord » . Les plus vieux l’avaient reconnu, mais les jeunes de 20 ans n’ont pas connu ça, ils ne l’ont vu qu’à la télé. Il a fallu qu’il se présente pour qu’on dise « Ha oui c’est vrai » .
Vous pensez que sa présence va changer les choses ?
Pour moi ? Non. Enfin si, il va nous apprendre des petits trucs, ça c’est sûr. Mais tant que nous autres, on a l’ambiance et qu’on joue au football… Maintenant, il a entraîné des gaillards plus talentueux que nous, donc il va pouvoir m’accompagner comme dans une relation T1-T2.
Il a déjà changé les habitudes à l’entraînement ?
Pour le moment il n’a rien changé, mais il est venu à chaque entraînement depuis 15 jours.
Il est donc là chaque semaine ?
Ha oui, si on s’engage c’est pour faire tout ! Aux entraînements, il ne fait pas les mêmes exercices que moi, ça c’est clair.
Il travaille plutôt quoi : la technique, le physique, la cohésion ?
Ça, c’est quelque chose que je ne peux pas dire… Sinon les autres équipes vont le découvrir.
Il est bien intégré dans le groupe ?
Ho oui, c’est un gars génial, très sympathique.
Il a déjà pris une petite bière après le match ?
Non. On ne peut pas boire hein, on est professionnels maintenant…
Donc même après les entraînements ou les matchs, on ne se permet pas une petite douceur ?
Mais si hein (rires), tu ne crois quand même pas… Un humain reste un humain. En revanche, je ne peux pas te dire si Léo en a déjà pris avec nous ou pas, il ne faut pas tout raconter.
Dunkerque et Metz l'emportent, Lorient accroché au finish