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Ils ne seront pas le ministre des Sports de Marine Le Pen
Il est « connu, doté d'une bonne réputation et prêt à lâcher son poste ». Il serait même « d'accord avec notre programme, même s'il n'est pas engagé politiquement ». Mais de qui parle Aleksandar Nikolic, conseiller sport de Marine Le Pen ? Eh bien du futur ministre des Sports du gouvernement Dupont-Aignan, qui serait un entraîneur de football actuel. Revue d’effectif de tous ceux qui sont déjà hors compétition.
Fabrice Abriel
Sélectionneur adjoint de l’équipe de France militaire, Fabrice Abriel regroupe sur le papier toutes les valeurs chères à Debout la France, parti entendant incarner « le courage républicain et le sursaut patriotique » . Une devise quasi soldatesque qu’il entendrait prolonger sur le terrain miné de la politique, lui qui s’est souvent décrit comme « un véritable relais de la parole du coach » dans les différents clubs où il a évolué. Il présente en plus la particularité de n’avoir joué que dans des bastions français et pourrait se faire porte-parole de la Réunion de par ses origines. En bref, un homme qui aime la droiture, les garde-à-vous bien bombés et les parcours du combattant avec des moments où on avale un peu de boue, ce qui constitue une solide expérience dans le métier. Et pourtant non, c’est pas lui.
Didier Deschamps
Juste avant le dernier Euro, coach DD avait essuyé une volée de bois vert. L’absence de Benzema et de Ben Arfa ? Rien à voir avec des considérations sportives, juraient certains. Toujours chaud quand il s’agit de mettre les pieds dans le plat, Cantona avait dit tout haut ce que beaucoup pensaient tout bas en déclarant : « Je ne suis pas surpris qu’il ait utilisé la situation de Benzema pour ne pas le prendre. Surtout après que Manuel Valls a dit qu’il ne devrait pas jouer pour la France. Ben Arfa est peut-être le meilleur joueur en France aujourd’hui, mais il a des origines. Je suis autorisé à m’interroger à propos de ça. Une chose est sûre, Benzema et Ben Arfa sont deux des meilleurs joueurs français et ne seront pas à l’Euro. Et pour sûr, Benzema et Ben Arfa ont des origines nord-africaines. Donc le débat est ouvert. » Raciste, la Dèche ? N’importe quoi. Le débat avait surtout mis en avant le manque d’élégance crasse de Canto, et ceux qui se demandaient pourquoi aucun joueur d’origine maghrébine n’avait été sélectionné avaient juste oublié l’existence d’Adil Rami. Le poste n’est donc pas pour Deschamps, même si on adorerait le voir proposer un texte de loi en le récitant comme sa liste des 23 : « Articleu ungue… »
Willy Sagnol
Parce que c’est pas lui.
Christophe Galtier
L’entraîneur des Verts présente deux avantages : il n’aime pas les Coupes d’Europe et devrait quitter son poste à la fin de la saison. Soit d’un côté : une volonté claire de sortir de la zone Europe, et de l’autre une coïncidence de calendrier pas encore justifiée par l’intéressé. Un duo qui suffit à en faire l’un des favoris à la prise de fonctions au 95 avenue France, surtout lorsque l’on connaît le caractère de l’homme : prêt à défendre des idées qui le représentent, grande gueule, très probablement engagé politiquement sans l’étaler en public… Seul souci, son bisou sur la bouche de son adjoint Alain Blachon au soir d’une victoire contre Lyon pour le centième derby du Rhône. C’est pas lui.
René Girard
Que c’est facile de le pointer du doigt. Il vient du Sud profond, y est né, y a joué, dans des villes assommées par le soleil où on imagine que le FN prospère. Et aux dernières nouvelles, où l’a-t-on vu ? À Lille, dans ce Nord qui a basculé vers le bleu marine, et à Nantes, un club fondé en 1943 par des gens au comportement douteux pendant la guerre. Et surtout, René est un homme un brin aigri, qui aime pousser des gueulantes, et aux relations compliquées avec les journalistes. Le CV idéal ou presque, du moins en apparence. Mais la réalité, c’est que M. Girard est un anti-frontiste forcené. Un homme qui ne sait jouer qu’en 6-3-1, c’est quelqu’un qui fait barrage, forcément. Avec René Girard aux manettes, impossible que le FN passe, même s’il ne faut pas compter sur lui pour mener une politique offensive.
Kim Jong-hun
Un bon ministre des Sports doit avoir fait ses preuves, et c’est le cas de notre deuxième Nord-Coréen préféré, le premier étant son homonyme à un H près. Il qualifie son pays en tant que sélectionneur pour la Coupe du monde 2010 après 44 ans d’attente, mais tombe malheureusement dans le groupe de la mort constitué du Portugal, du Brésil et de la Côte d’Ivoire. Le voilà rentré au pays après trois matchs, où il se fera virer du parti des Travailleurs, parti unique nord-coréen. Un candidat que l’on peut donc considérer sans étiquette, aussi minutieux dans ses prises de parole que fidèle envers ses supérieurs. La bonne pioche ? Non c’est pas lui. En grande partie parce que ses proches ont perdu sa trace depuis qu’il a été envoyé au goulag pour « trahison de la confiance de Kim Jong-il » selon Radio Free Asia.
Pascal Dupraz
Cheveux ras, épaules carrées, verbe haut, en caricaturant un peu on pourrait imaginer Pascal Dupraz en chef un peu rugueux du service de sécurité d’un meeting du FN. Et puis l’entraîneur du Téfécé adore les terroirs, la vraie France, celle des petits qui n’ont peur de rien et qui ne demandent qu’à garder la tête haute. Et puis Dupraz se plaignait il n’y a pas longtemps de ses joueurs en déclarant : « J’ai les champions du monde de marche. Certains devraient courir. Car le problème, c’est qu’à force, ils vont aller marcher au bord de la Garonne. » Une attaque déguisée contre Macron et ses Marcheurs ? Loin de là. Dupraz est un gros dur au cœur tendre, un humaniste qui a même bossé au siège de l’ONU à Genève au début des années 1990. Et alors qu’une partie du pays se moquait du PSG après le 6-1 contre le Barça, Dupraz avait volé au secours des Parisiens en balançant : « Ce qui est dommage, et c’est typiquement français comme comportement, c’est que des personnes puissent s’enorgueillir de la défaite de Paris. On a vraiment un pays de merde quand même. » Et ça colle mal avec « La France, tu l’aimes ou tu la quittes » .
Vahid Halilhodžić
Un dur, un vrai. Halilhodžić, c’est la discipline. Celle venue de l’Est et qu’il souhaiterait inculquer au peuple français comme il le confiait récemment : « La discipline japonaise, c’est le Boléro de Ravel. » Quelqu’un qui, contrairement au Douillet David et à la trop moquée Roselyne Bachelot, saurait imposer ses choix en Conseil des ministres. Couper la parole s’il le faut, hurler en cas de besoin, insulter lorsque nécessaire. Un caractère qui plaît, côté FN, couplé à une verve sans égale : « Les Français font un exploit et après ils plongent, disait-il,parce qu’ils deviennent philosophes et n’ont pas forcément la rigueur. » Nul doute qu’avec coach Vahid en ministre des Sports, pas question d’investir sur l’ultimate au collège. C’est foot, pompes, et Luc Léger tous les matins. Dommage que ce ne soit pas lui.
Hervé Renard
Le Front national propose d’expulser de France une partie de la population, qui ne serait soit pas en règle avec la loi, soit pas en accord avec l’idée que le parti se fait du vivre à la française. Hervé Renard, lui, est sur une ligne complètement opposée. Interrogé par Canal + en 2015, alors qu’il venait de se faire virer du LOSC, il avait eu ces mots : « C’est ça le problème de la France. Je ne peux pas l’expliquer, parce que la France est un pays fabuleux, en matière d’histoire, de géographie, de monuments historiques, mais les Français… c’est dommage qu’il y en ait beaucoup en France. » Selon Renard, il y a donc trop de Français en France, un slogan de campagne pas vraiment en accord avec ceux de MLP et de NDA. Il faut dire qu’à Lille, Renard avait été remplacé par l’intérimaire Patrick Collot puis par Fred Antonetti, que des Français. La plupart des électeurs du FN se plaignent de se faire chiper leurs jobs par les immigrés, Hervé Renard se fait voler le sien par des Français de souche. De toute manière, pour le beau Hervé, le vrai bonheur se trouve en Afrique. Là encore, ça risque de faire grincer des dents du côté de chez Marine.
Zinédine Zidane
Le 12 juillet 1998, la France entière ne faisait qu’un. Blacks, Blancs, Beurs, peu importe, tout le monde pleurait en embrassant le maillot bleu. Même Jean-Marie Le Pen avait fêté la Coupe du monde, mais à sa manière, en déclarant qu’il félicitait « le principal artisan du succès final, Zinédine Zidane, enfant de l’Algérie française » . Zizou lui répondra quatre ans plus tard, après le 21 avril 2002, en quittant sa retenue habituelle pour parler un peu de politique : « On ne peut pas être content de ce qui se passe. Ne pas voter, c’est grave, quand on voit qu’il y a 30% d’abstention et qu’à l’arrivée, cela fait un tête-à-tête Chirac-l’autre. Il faut penser aux conséquences que cela peut avoir en votant pour un parti qui ne correspond pas du tout aux valeurs de la France. » Il y a une semaine, Zidane enfilait à nouveau son costume de militant pour marteler : « Le message, c’est toujours le même, celui de 2002. Je suis loin de toutes ces idées-là, de ce Front national. Donc il faut éviter ça au maximum. Les extrêmes, ce n’est jamais bon. » Réponse de la candidate du Front national : « Avec ce qu’il gagne, je comprends qu’il vote Macron. Il peut donner des conseils en foot, il est assez bon il faut bien le dire, mais en politique c’est pas une certitude. » Zidane dans une matinale BFM pour défendre l’action du gouvernement Dupont-Aignan, ce n’est pas pour tout de suite.
Par Théo Denmat et Alexandre Doskov