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Ils étaient la contre-information de Calciopoli

Propos recueillis par Valentin Pauluzzi
Ils étaient la contre-information de Calciopoli

Pendant plus de huit ans, des dizaines de supporters juventini ont disséqué l’affaire Calciopoli sur le portail ju29ro.com, mettant en exergue les oublis, les contradictions et les erreurs, bref, le travail qui aurait dû être fait par le journalisme d’enquête. Un des responsables du site, fermé depuis fin septembre, nous raconte l’aventure de ces autodidactes blanc et noir.

Nino Ori, pouvez-vous vous présenter rapidement ?J’ai été coordinateur de l’équipe durant les 6, 7 dernières années. Nous étions de 40 à 80 personnes, des gens de tous horizons, des ouvriers, des employés, des avocats, des profs, des financiers et même des petits actionnaires de la Juventus. Me concernant, je suis de Turin et je bosse dans la formation et la communication.

Comment a commencé l’aventure Ju29ro ?Sur les forums juventini, lors du maudit été 2006. Certains s’interrogeaient, même si la thèse de la culpabilité de nos anciens dirigeants était largement majoritaire au vu des premières informations à disposition. Puis, quand le procès de la justice sportive a débuté, on s’est rendu compte qu’il n’y avait peut-être pas ces matchs arrangés et fraudes sportives dont on nous parlait, ou en tout cas, rien qui justifiait tout ce barnum. Nous avons passé des nuits entières à en discuter et on s’est rendu compte que nos premiers travaux pouvaient être utiles, tout en sachant qu’il n’y a pas de vierges dans un bordel, nos dirigeants ne l’étaient pas, mais les autres non plus, encore moins ceux qui se sont vus attribuer un Scudetto pour des raisons éthiques. Quelques mois plus tard, on a monté une association et le site était en ligne. C’est aussi devenu un organe de presse, car il y avait des journalistes parmi nous. À noter qu’il n’y a jamais eu le moindre pixel de publicité.

Trouvez-vous normal qu’une bande de passionnés fasse le travail des journalistes, voire des enquêteurs ?La très grande majorité de la presse italienne a fourni une information monodirectionnelle sur ce sujet, en émettant des sentences sur des situations qui devaient encore être clarifiées il y a neuf ans et même encore aujourd’hui. Quant aux enquêteurs, je pense qu’ils ont fait leur travail sur les 170 000 écoutes téléphoniques. Le problème concerne leurs supérieurs qui ont décidé d’en rendre publiques certaines et d’en écarter d’autres qui ont été retrouvées par la suite.

Votre travail se base sur la documentation officielle des enquêtes, comment y avez-vous eu accès ?Après avoir lu nos analyses et sachant qu’il y avait des avocats parmi nous, le collège défensif de Luciano Moggi nous a contactés pour nous mettre à disposition une partie des écoutes. On a tout passé au peigne fin en tâchant d’être le plus objectif possible avec des dizaines et des dizaines d’articles. En novembre 2011, l’avocat Prioreschi nous a cités lors de son plaidoyer avant la sentence en 1re instance. C’était une belle marque de reconnaissance pour le travail bénévole que l’on a effectué.

Quand avez-vous perçu que le peuple juventino vous écoutait ?
Je dirais vers la fin 2009, lorsque le procès pénal a débuté. Cela est aussi venu des groupes ultras qui avaient Moggi et Giraudo dans le nez, car ces derniers ne les avaient jamais épargnés. Sur leurs forums, certains de leurs membres conseillaient de suivre nos lives écrits de chaque séance du procès. Le site de Tuttosport le faisait également et le fait d’écrire globalement les mêmes choses que nous sur le contenu de cette affaire a également rendu plus crédible notre travail.

Cette affaire a été un tsunami qui a détruit les vies professionnelles de dirigeants, arbitres et juges de touche, ainsi que leurs familles .

Quelles ont été les choses les plus importantes que vous avez découvertes ?À partir du 31 mars 2010, on a commencé à diffuser les nouvelles écoutes téléphoniques. Celles entre les arbitres et des dirigeants de l’Inter par exemple ou celle où Franco Baldini, grand ennemi de Moggi et dirigeant de la Roma, annonce à Mazzini, vice-président de la fédé, qu’il est en train de préparer un grand chambardement dans le monde du foot. Toutefois, le plus important reste les analyses de toutes ces écoutes.

Avez-vous eu des rapports directs avec la Juventus ?De Calciopoli à l’avènement d’Andrea Agnelli en 2010, aucun. Nous étions les premiers ennemis de la nouvelle direction, Giovanni Cobolli Gigli, Jean-Claude Blanc et compagnie. Ils faisaient pression auprès des médias afin qu’aucun de nos représentants ne soit invité, car nous étions considérés proches de l’ancienne direction. À partir de 2010, il n’y a jamais eu de rapports directs, hormis les assemblées d’actionnaires auxquelles on participe, mais il n’y a plus d’ostracisme. On recevait parfois des mails pour nous féliciter d’un article et plus souvent, pour exprimer un mécontentement sur d’autres. En effet, nous n’avons fait de cadeau à personne.

Votre travail a mis en exergue les erreurs et contradictions de ce procès, certaines ruinant la vie de personnes blanchies après un calvaire de dix ans.En tant que supporter, je tends naturellement à penser que la relégation de la Juve a été la chose la plus injuste, mais cette affaire a été un tsunami qui a détruit les vies professionnelles de dirigeants, arbitres et juges de touche, ainsi que leurs familles.

Néanmoins, elle a été utile pour découvrir le manque de clarté dans les rapports entre les dirigeants.Absolument, mais rappelons que les coups de fil entre dirigeants arbitraux et de clubs étaient recommandés par la Fédération, même si le contenu est condamnable. Cela aurait pu être l’occasion de nettoyer de fond en comble le monde du foot, mais rien n’a changé. On a juste coulé l’équipe qui avait démontré être la plus forte sur le terrain, alors que les dirigeants des autres clubs se comportaient de la même manière.

Luciano Moggi est le grand accusé de ce procès, quelle est sa faute principale ?D’être lui. Je m’explique. Il n’a jamais commis de fraude d’un point de vue sportif ou pénal, c’est quelqu’un qui parle beaucoup trop et qui aime être perçu comme une sorte de boss. C’est sa force et sa limite. Il n’a rien fait de différent de ce que faisaient les autres. Il s’agissait de mauvaises habitudes, mais seules celles de la Juve ont été mises en évidence. Moggi n’était ni mieux ni pire que les autres, mais meilleur d’un point de vue footballistique vu ses connaissances et ses capacités, les résultats le prouvaient.

Le journalisme d’enquête italien n’est pas dans une très grande forme et a perdu beaucoup de bons éléments ces dernières années.

Aurait-il pu mieux se défendre ?À un certain point, la défense de Moggi a voulu faire passer la thèse du « tous coupables » . Il aurait fallu faire l’inverse « tous innocents » , car si vous êtes le seul coupable et les autres sont épargnés, cela ne change rien pour les juges et le contenu des sentences. Concernant les cartes SIM suisses qu’il a achetées et aurait distribuées ensuite aux arbitres pour construire un système parallèle, s’il avait dit dès le début : « J’ai donné ça et ça à untel, et pour telle raison » , ça aurait facilité les choses. Mais bon, il a suivi ce que les avocats lui ont dit de faire. En fait, Moggi donne l’impression de savoir beaucoup de choses sur tout le monde, mais de ne pas vider son sac.

Que répondez-vous à ceux qui affirment que le rôle de la victime ne sied pas vraiment à la puissante Juventus des Agnelli ?Oui, le fameux pouvoir de la Juve, mais a-t-il vraiment été mis en pratique ? En 1998, à la suite des déclarations et suspicions de Zeman, un procès pour dopage est ouvert et il durera huit ans, la Juve a été blanchie, ce qui a été confirmé en cassation, et non pas prescription comme certains essayent de le faire croire. Même chose pour le scandale des faux passeports qui a pénalisé la Juve ou la piscine de Pérouse lors du dernier match de la saison 1999-00. Tout ceci s’est passé de 1998 à 2001, alors que Gianni et Umberto Agnelli, ainsi que la triade composée de Moggi, Giraudo et Bettega était en place et censée contrôler le football italien, selon ses détracteurs.

Et à ceux qui disent qu’on ne peut pas se fier à votre travail car supporters de la Juventus ?Notre nom est clair et ne laisse place à aucune équivoque, ça c’est certain. Néanmoins, il est évident que nous n’avons jamais rien truqué, nous nous sommes basés exclusivement sur les faits, documents objectifs et réalités démontrables. J’aurais aimé que les juges fassent la même chose, mais j’ai lu des sentences construites à partir de suppositions, de présomptions de comportement jamais avérés. Idem pour les médias qui se sont contentés d’appuyer le contenu.

Depuis quelques années, beaucoup de bloggeurs ont déniché des choses incroyables dans les affaires importantes comme Calciopoli ou Calcioscommesse, parfois même des preuves permettant d’innocenter des accusés. Sont-ils l’avenir du journalisme ?Permettez-moi de dire que ce serait triste, cela voudrait dire que les encartés font mal leur travail, même si j’ai bien entendu des suspicions à ce propos. Ce qui est certain, c’est que le journalisme d’enquête italien n’est pas dans une très grande forme et il a perdu beaucoup de bons éléments ces dernières années.

Qu’adviendra-t-il de Ju29ro ?Nous avons décidé de « congeler » le site et non de le fermer, après neuf ans, on a envie d’être de nouveau de simples tifosi, car nous avons analysé tout ce qu’on pouvait et tout ceci reste à disposition. Notre devoir était de fournir des infos à nos confrères juventini. Nous n’avons jamais cherché à convaincre les Interistes, Milanistes ou les supporters du Torino. Cela nous fait plaisir qu’au moins une partie du peuple juventino ait compris ce qu’il s’est passé et qu’ils aient arrêté de se faire mener par le bout du nez par tous ces médias qui avaient pris position de manière suspecte en faveur de l’accusation.

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