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Iliman Ndiaye, le joyau du Sénégal
La nouvelle caution frisson du Sénégal est née à Rouen, s'épanouit à Sheffield en Angleterre et répond au nom d'Iliman Ndiaye. À 22 ans, l'ailier droit est l'actuel meilleur buteur de Championship et n'a toujours pas connu la défaite sur le terrain avec les Lions. De quoi faire trembler l'Angleterre ?
À l’âge d’un an, lors d’un été passé au Sénégal sur la terre de ses ancêtres, le petit Iliman s’est mis à dribbler tout ce qui se présenta devant lui, et son grand-père s’écria : « Il faut qu’on lui achète un ballon de foot ! » Vingt-et-un ans plus tard, personne n’est surpris de voir qu’Iliman Ndiaye n’a mis que neuf minutes pour se montrer décisif lors de sa première entrée en jeu en Coupe du monde. Un bazar mis dans la défense du Qatar, l’adversaire du jour, un centre en retrait parfait pour Bamba Dieng au point de penalty qui élimine le pays hôte de sa propre Coupe du monde. C’est simple : depuis qu’Iliman Ndiaye a enfilé le maillot du Sénégal pour la première fois, le 4 juin dernier face au Bénin (3-1), les Sénégalais n’ont jamais perdu avec lui sur le terrain. Un porte-bonheur qui a presque fait oublier l’absence de Sadio Mané, et que l’Angleterre devra surveiller comme le lait sur le feu pour espérer voir les quarts. D’autant que si tout le Royaume ne sait pas encore qui est Iliman Ndiaye, lui connaît mieux les Britanniques que personne.
Free Lion
L’Angleterre, Iliman Ndiaye y a posé les pieds à l’âge de 13 ans lorsque son père décroche un job dans le sud de Londres. Il ne parle alors pas un traître mot d’anglais, et si son père l’emmène immédiatement faire des essais à Manchester United, Chelsea ou Reading, les débuts sont difficiles, et personne ne craque pour lui. C’est à 16 ans, après avoir quitté l’école, qu’il intègre l’académie PASE de Boreham Wood, un club de Non League basé dans le Hertfordshire. Un jour, alors qu’il dispute un five à Londres, la plateforme Rising Ballers – qui donne une deuxième chance aux talents égarés – tombe sur le génie en devenir qui atterrit à Sheffield United à l’été 2019, son club actuel. Chez les Blades, l’ascension est fulgurante : il goûte à la Premier League pendant onze minutes à Leicester en 2020-2021, avant de s’imposer la saison suivante en Championship et d’être, avant le kick-off de ce Mondial au Qatar, l’actuel co-meilleur buteur (avec 9 pions, à l’instar de sept autres joueurs !) de la deuxième division anglaise.
Sa vitesse, ses dribbles et désormais sa finition ont rendu tout le monde gaga dans la ville qui a vu naître le premier club de football de l’histoire. À tel point que les fans de Sheffield lui ont déjà dédié deux chansons, dont l’une sur l’air de « Waka Waka » de Shakira qui fut l’hymne du Mondial 2010. Un beau signe du destin. À 22 ans, Iliman a construit toute sa vie en Angleterre. Il y a rencontré sa compagne, eu sa fille, et dans son entourage, on confie avec amusement que l’ailier sénégalais parle aujourd’hui mieux l’anglais que le français. Un comble, alors que c’est à Rouen que les premières lignes de sa success-story ont été écrites.
Made in Normandie
C’est dans les Hauts-de-Rouen, au quartier des Sapins, que le petit Iliman a grandi à vitesse grand V. À la maison, il vit avec sa maman française et son papa sénégalais, Abdoulaye, qui est chorégraphe dans la vie, ainsi qu’avec ses sept sœurs. Son père l’emmène tous les jours s’entraîner, bouger et jouer avec un ballon. Avec une petite caméra, il filme aussi les séances d’entraînements supplémentaires qu’il donne à son fils à base de jonglages, de courses, de dribbles, de frappes et de danse. « Je m’entraînais avec mon père tous les jours, racontait-il au micro de son ancienne académie Rising Stars. J’étais également avec mes sœurs qui faisaient beaucoup de sport, si bien que parfois, je me retrouvais seul face à elles et je devais les dribbler. On faisait ça avant mes matchs, après les matchs, avant l’école le matin ou après, le soir… J’étais tout le temps avec mon père et mes sœurs. » Une préparation quasi militaire qui forge le mental du gamin qui a rejoint son premier club, le Rouen Sapins Football Club, à l’âge de 4 ans. Pour France 3, Hassane Talbi, l’un de ses premiers coachs, livre une anecdote parlante à ce sujet : « Un jour, à la fin d’un entraînement, j’ai vu Iliman en train de pleurer. Son papa m’a dit que l’entraînement était passé trop vite et qu’Iliman voulait continuer à jouer. »
Après une année dans le grand club de la ville, le FC Rouen, Iliman est déjà une star. Outre les vidéos maison postées sur YouTube où il culpabilise n’importe quel footballeur amateur alors qu’il a l’âge d’être en CM2, il est déjà une fierté régionale. À tel point que le quotidien Paris-Normandie fait sa Une sur lui, le 10 juillet 2010, et titre « Iliman, 10 ans, futur Zizou » . Un an plus tard, alors qu’il évolue à l’OM dont il est fou amoureux, il est même invité sur le plateau de l’émission Midi en France et montre ses skillsà la télé. La suite de sa vie est rythmée : à 11 ans, son père trouve du travail au Sénégal, et Iliman suit. Il tape des ballons au Dakar Sacré-Cœur, mais surtout sur la plage où il peaufine son profil de joueur de rue. « C’était différent de jouer au foot au Sénégal par rapport à la France, expliquait-il. C’est là-bas que j’ai appris tous mes gestes techniques et que j’ai gagné en force. » Une force qui lui permet de répondre aujourd’hui à la question posée par le chroniqueur Aurélien Pécot de Midi en France qui lui avait lancé en fin d’émission « Alors, rendez-vous dans dix ans ? » Iliman s’excuse cette fois du retard : il aura mis un an de plus pour crever l’écran dans le monde entier.
Par Andrea Chazy, à Doha