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Ildefons Lima : « Un monde nous sépare d’équipes comme la France »

Propos recueillis par Andrea Chazy
Ildefons Lima : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Un monde nous sépare d&rsquo;équipes comme la France<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

À bientôt 40 ans, Ildefons Lima Solà est le solide capitaine de la sélection d'Andorre, qui se présente ce mardi au stade de France. Un stade que connaît bien le bonhomme, qui y a mis les pieds pour la première fois le 14 octobre 1998 et qui, depuis, est devenu le meilleur buteur et le joueur le plus capé de sa sélection. Interview d'un type qui parle cinq langues, qui fait partie du projet "Common Goal" de Juan Mata et qui adore Kylian Mbappé.

Il y a 21 ans, tu jouais face à la France au Stade de France peu de temps après son premier sacre mondial. Tu te souviens de ce match ?C’est un très beau souvenir. J’étais un gamin, j’avais 18 ans. On jouait devant 90 000 personnes à Saint-Denis (80 000 en réalité, N.D.L.R.), ce qui représente plus que toute la population d’Andorre. Il y avait eu le sacre en Coupe du monde juste avant, c’était une fête. Bon, pour nous, ça s’est soldé par une défaite, mais nous n’avons pas eu à rougir. Perdre seulement 2-0 contre la France tout juste championne du monde, pour une petite nation comme la nôtre, ça a été une bonne expérience.

Sur le terrain, il y avait Didier Deschamps qui est donc aujourd’hui le sélectionneur de la France. Quelles différences vois-tu entre l’équipe de France 98 et celle actuelle ?

Si elles ont toutes les deux été championnes du monde, c’est qu’il y a une raison. Mais je suis bien placé pour le dire : le football a changé en vingt ans, et l’équipe de France actuelle est meilleure dans le domaine physique et technique.

Les deux équipes sont deux formations très fortes, avec de grands champions au sein d’elles. Quand tu jouais face à des joueurs exceptionnels comme Zidane, Trezeguet… Même si je pense que celle actuelle est plus talentueuse encore quand tu vois ensemble Griezmann, Mbappé, Pogba. Après, si elles ont toutes les deux été championnes du monde, c’est qu’il y a une raison. Mais je suis bien placé pour le dire : le football a changé en vingt ans, et l’équipe de France actuelle est meilleure dans le domaine physique et technique.

Tu es le joueur le plus capé de l’histoire de la sélection et le meilleur buteur, tout en étant défenseur central. C’est quoi ton secret ?Nous ne marquons pas beaucoup de buts, et le plus souvent, c’est sur coup de pied arrêté. J’en ai marqué la plupart sur ce type de phase de jeu, et puis avec le temps, je suis devenu le tireur de penaltys de l’équipe. J’ai dû en tirer 4-5 et je les ai tous marqués, et ça a fait de moi le meilleur buteur de la sélection.

Quel est ton plus beau but en sélection ?Je pense que c’est un but du talon inscrit face à Chypre (2000, défaite 2-3). Ou plutôt, un but de la tête que j’ai marqué face à l’Irlande à Dublin (2001, défaite 3-1). Je m’en rappelle très bien, j’avais réussi à ouvrir le score et le stade s’était plongé dans le silence. Ce n’est pas facile pour nous de faire taire un stade, ça reste un beau souvenir.

En 2017, Andorre a réalisé une année fantastique. Après 86 matchs sans victoire, votre équipe a réussi à battre Saint-Marin et surtout la Hongrie. Tu peux nous raconter ?

Je ne me rappelle pas de toutes ces défaites, mais c’est devenu quelque chose de normal pour nous comme pour Saint-Marin par exemple. On ne joue pas contre des nations des Caraïbes, on joue contre des sélections européennes et c’est très difficile de faire un résultat pour une petite nation comme la nôtre.

Je ne me rappelle pas de toutes ces défaites, mais c’est devenu quelque chose de normal pour nous comme pour Saint-Marin par exemple. On ne joue pas contre des nations des Caraïbes, on joue contre des sélections européennes et c’est très difficile de faire un résultat pour une petite nation comme la nôtre. Les gens ne comprennent pas qu’il y a un monde qui nous sépare des sélections comme la France, l’Allemagne et autres. Cette année-là, la victoire face à Saint-Marin nous a enlevé un poids et on l’a vu derrière : on a réussi à battre la Hongrie, et l’année suivante, ça nous a permis de faire des matchs nuls contre les Émirats arabes unis et le Cap-Vert et de prendre quatre points en Ligue des nations. (Deux nuls face à la Lettonie, puis face au Kazakhstan et contre la Géorgie, N.D.L.R.)

Quelles sont les plus grandes évolutions que tu as remarquées dans le football andorran depuis tes débuts ?J’ai fait mes débuts en sélection à l’occasion du deuxième match de toute l’histoire d’Andorre. (Il avait marqué d’ailleurs, face à l’Estonie en 1997, N.D.L.R.) Nous étions une sélection jeune, on ne savait rien des rencontres internationales. Aujourd’hui, les jeunes qui arrivent en sélection ont l’expérience avec les U21 et on voit la différence. Il faut continuer à professionnaliser les joueurs. Mais il nous reste beaucoup de choses à apprendre, et surtout beaucoup de travail.

Quel est ton plus beau souvenir en sélection ?

Peu avant cette rencontre, l’entraîneur de l’équipe de Hongrie est décédé dans un accident de vélo. Et ce jour-là, au stade face à la Hongrie, il y avait sa femme et ses enfants. Après, ce qui se passe est inexplicable, mais les joueurs qui avaient cet homme-là comme coach ressentaient quelque chose de spécial en eux.

Sans hésiter, la victoire contre la Hongrie. Bien sûr, ce fameux match contre la France à Paris en fait partie, le fait d’avoir joué contre le Brésil aussi… Mais ce succès contre une nation qui venait tout juste de disputer l’Euro, j’en ai encore des frissons rien qu’en y repensant. Ça a été une fête, c’était de la magie. À cette période, quasiment tous les joueurs de l’équipe nationale jouaient pour le Football Club Andorra, l’équipe andorrane qui joue en Espagne et qu’a d’ailleurs reprise Gerard Piqué. Peu avant cette rencontre, l’entraîneur de cette équipe est décédé dans un accident de vélo. Et ce jour-là, au stade face à la Hongrie, il y avait sa femme et ses enfants. Après, ce qui se passe est inexplicable, mais les joueurs qui avaient cet homme-là comme coach ressentaient quelque chose de spécial en eux. On n’a pas fait une énorme fête derrière, juste le soir, mais c’est bien ce match qui reste le souvenir le plus beau.

Tu es né à Barcelone en 1979, tandis que l’équipe nationale d’Andorre a été créée en 1994, un an après la première constitution dans le pays. Pourquoi avoir choisi de jouer pour Andorre ?Je suis né à Barcelone, car ma mère vient d’un coin non loin de Barcelone, mais mes parents habitaient déjà Andorre. À l’âge de deux mois, je vivais déjà en Andorre. La particularité d’Andorre, c’est que tu dois vivre sur le territoire au moins vingt ans pour avoir le passeport. Mes filles par exemple, elles vivent en Andorre depuis toujours, mais elles sont nées à Barcelone. Andorre est un petit pays, et Barcelone est la grosse ville la plus proche.

Comment était ton enfance en Andorre ?Comme tous les enfants, je passais mes journées à jouer au football. Il n’y avait pas d’équipe nationale en Andorre, du coup on suivait les autres sélections, comme l’Espagne. Et puis il y a eu la formation de l’équipe nationale, et tous les gamins qui jouaient dans la rue ou qui jouaient au FC Andorre, qui était l’unique club du pays, ont eu l’opportunité de rejoindre la sélection. J’ai grandi comme n’importe quel enfant espagnol ou français.

Tu as joué en Espagne, en Italie, en Grèce, en Suisse et même au Mexique à Pachuca… Que retiens-tu de toutes ces expériences à l’étranger ?Tout. Pour moi, voyager fait partie des plus belles choses au monde. Pour apprendre, pour découvrir d’autres cultures, d’autre langues. Ça te fait grandir comme être humain. Aujourd’hui, je parle espagnol, catalan, anglais, italien et un peu grec. Le français ? Je n’ai malheureusement pas eu l’opportunité de jouer en France pour l’apprendre. Mais à l’école aujourd’hui, mes filles l’apprennent.

Quelle a été la plus belle expérience ?Hormis le Mexique, toutes ont été belles sur le plan footballistique. Si je dois en choisir une, c’est sans aucun doute en Italie et mes cinq ans à Trieste. L’Italie est ma deuxième maison, on a une culture méditerranéenne en commun.

Pourquoi ça s’est mal passé au Mexique ?

Au Mexique, j’étais très jeune, et culturellement, il y avait un décalage. Je n’y suis resté que six mois, mais je vivais dans un hôtel et je ne sortais pratiquement jamais. Parce que dehors, c’était dangereux.

Au Mexique, j’étais très jeune, et culturellement, il y avait un décalage. Je n’y suis resté que six mois, mais je vivais dans un hôtel et je ne sortais pratiquement jamais. Parce que dehors, c’était dangereux. Ça ne t’aide pas vraiment à t’intégrer, à t’imprégner de la culture locale. Quand des étrangers arrivaient, j’essayais au maximum de les intégrer, car ce n’est vraiment pas simple. Dans la vie de tous les jours, tu ne peux pas sortir comme tu sors ici en Europe. Moi, je suis habitué à Andorre, qui fait partie des pays les plus sûrs au monde. Au Mexique, on me disait de ne sortir que si j’étais accompagné de quelqu’un qui connaissait par exemple. Ça te fait tout drôle.

Tu fais partie du programme « Common Goal » de Juan Mata. Pourquoi avoir décidé de le rejoindre ?J’ai rejoint Common Goal après avoir lancé en Andorre une association qui s’appelle « Gol Solidari » qui vient en soutien aux enfants malades et défavorisés en faisant des ventes d’équipements de joueurs connus. Par exemple, après le match aller face à la France, Griezmann nous a donné ses chaussures. Et puis j’ai eu vent du projet Common Goal via l’un des principaux membres du projet, Bruno Saltor. Il joue à Brighton aujourd’hui, mais j’ai pu le côtoyer par le passé, et il m’a garanti que le projet était sérieux. Et puis, je pense qu’il y a pas mal de joueurs qui sont en mesure de donner 1% de ce qu’ils gagnent pour aider les autres. Bon moi, 1% de mon salaire, ce n’est pas grand-chose, mais quand ce sont des joueurs comme Chiellini, Hummels ou Mata, c’est davantage !

Mbappé ne jouera pas ce mardi contre vous. Tu avais ironisé sur les réseaux sociaux sur le fait qu’il courait beaucoup plus vite que toi, tu es heureux de son absence ? Je ne suis jamais heureux lorsqu’un footballeur est blessé. Je cherche en permanence à affronter les meilleurs. J’ai échangé mon maillot avec lui à l’aller, je l’ai mis en choix numéro 1 au moment du vote « The Best » . Mbappé, c’est un spectacle à lui seul.

Quel est le maillot qui a le plus de valeur et que tu as récupéré sur un terrain ?Il y a celui de Djorkaeff que j’avais eu justement lors du France-Andorre en 1998 à Paris, quelques mois après le sacre. Je l’ai encadré, bien évidemment. J’ai aussi Cristiano Ronaldo, Bale, Mbappé, Shevchenko… Si je devais tous te les énumérer, on en parlerait jusqu’au beau milieu de la nuit ! On peut dire que j’ai un petit « musée », mais trois seulement sont encadrés : Djorkaeff 1998, Del Piero et mon maillot de notre victoire face à la Hongrie !

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