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Il y a vingt ans, le Nigeria remportait les JO d’Atlanta

Par Matthieu Rostac
8 minutes
Il y a vingt ans, le Nigeria remportait les JO d’Atlanta

Dans les années 90, le Nigeria aurait dû marcher sur le football africain, voire mondial. En raison de tensions politiques, il n'en fut rien. Ou presque. En 1996, d'aussi jeunes qu'intouchables Super Eagles ont rapporté au pays ce qui demeure encore leur plus grand trophée en matière de football : une médaille aux Jeux olympiques d'Atlanta.

30 décembre 1995. La Saint-Sylvestre s’apprête à pointer le bout de son nez que l’ambiance du réveillon des joueurs de l’équipe nationale du Nigeria s’annonce déjà bien pourrie. Jim Nwobodo, ministre des Sports nigérian, vient d’annoncer officiellement que les Super Eagles ne se rendront pas dans quelques semaines en Afrique du Sud pour y défendre leur titre de champion d’Afrique des nations. La raison ? Officiellement, l’équipe du Nigeria ne serait pas en sécurité au pays de Nelson Mandela, où un sentiment anti-nigérian régnerait. Pourquoi ? Parce que le 10 novembre 1995, la junte militaire de Sani Abacha a exécuté par pendaison le dissident et écrivain Ken Saro-Wiwa, ainsi que huit autres militants ogonis. En représailles, l’Afrique du Sud a réclamé un embargo pétrolier sur le Nigeria. Dans ce climat délétère, la sélection nigériane se retrouve volontairement privée de CAN 1996, puis de CAN 1998, à son insu cette fois-ci, « punie » pour avoir boycotté la précédente édition. Dommage pour une équipe à qui l’on promettait de régner sur le Continent noir dans les années 90. Au lieu de ça, avant d’espérer pouvoir disputer la Coupe du monde en France, le Nigeria devra se contenter des Jeux olympiques d’été de 1996 à Atlanta avec ses U23.

Deux générations dorées en une

Autant dire que la génération dorée des Super Eagles, découverte lors de la World Cup américaine, et partiellement présente dans l’effectif olympien – Okocha, Amokachi, Ikpeba, Oliseh, Okechukwu, Amuneke – n’est pas prête à laisser passer sa chance de glaner un nouveau titre. D’ailleurs, afin de préparer au mieux leur tournoi, les hommes de Jo Bonfrere ont débarqué un mois avant toutes les autres sélections sur le sol américain, installant leurs quartiers incognito en Floride, à Tallahassee, à plus de 400 bornes du village olympique de la capitale de Géorgie. En plus de ça, les tauliers des U23 nigérians ont connu des fortunes diverses dans leurs équipes respectives, comme le détaillera Sunday Oliseh en 2012 : « L’année qui a précédé ce tournoi olympique, les meilleurs joueurs de cette équipe avaient connu une saison décevante en club et avaient des choses à se prouver. […] L’équipe de Jay-Jay Okocha, Francfort, venait d’être reléguée et il voulait jouer afin d’obtenir un transfert, Daniel Amokachi essayait de quitter l’Angleterre parce qu’il n’était pas très heureux à Everton à l’époque, et pour ma part, je venais d’échapper de peu à la relégation avec Cologne. On avait aussi Uche Ochekuwu, un joueur considéré comme moyen et qui voulait prouver à tout le monde qu’il était un joueur de classe mondiale. »

À ces joueurs, il faut ajouter une génération montante à peine majeure, mais qui a déjà remporté un titre planétaire : la Coupe du monde des U17 en 1993. Parmi eux, Nwanko Kanu, qui a enchaîné trois titres d’Eredivisie et une Ligue des champions avec l’Ajax, ainsi que Celestine Babayaro (17 ans, Anderlecht) et Wilson Oruma (19 ans, Lens), qui avait terminé meilleur buteur au Mondial U17. Sans mentionner la présence de Taribo West, partie prenante d’un doublé coupe-championnat réalisé par Auxerre lors de la saison 95-96. Pour une fois, il semblerait que l’alignement des astres soit bon pour les Super Eagles.

« Il y avait cette unité… violemment présente »

Chose confirmée lors des deux premiers matchs du groupe D, remportés face à la Hongrie (1-0, but de Kanu) et au Japon (2-0, buts de Babangida et Okocha) et durant lesquels ils font étalage de leur football technique, mené à la baguette par le maestro Okocha, dans lequel les arrières latéraux d’Anderlecht Babayaro et Oparaku rivalisent de vitesse et de projection vers l’avant avec les ailiers Babangida et Amokachi. Lors de son dernier match de poule, le Nigeria se retrouve face au Brésil avec sa jeunesse supersonique (Roberto Carlos, Rivaldo, Flávio Conceição), son comité de champions du monde 1994 (Bebeto, Aldair) et parfois même les deux (Ronaldo). Défaits 1-0, les Super Eagles s’envolent néanmoins vers les quarts de finale à la différence de buts, où ils retrouveront le Mexique. Grâce à une « spéciale » d’Okocha – une grande chiche aux vingt mètres – et un but de Babayaro, les Super Eagles accèdent aux demi-finales où ils retrouvent… le Brésil. Au Sanford Stadium, le match commence plutôt mal pour les Nigérians, qui se prennent un but sur coup franc par Flávio Conceição dès la première minute du match. S’ils égalisent suite à un CSC de Robert Carlos, les hommes de Jo Bonfrere prennent à nouveau l’eau en première mi-temps, encaissant deux nouveaux buts par Bebeto et à nouveau Flávio Conceição.

Mais en deuxième mi-temps, le Nigeria va faire ce qu’il sait faire de mieux : prendre l’avantage sur son adversaire dans les dernières minutes du match. Sur les sept buts qu’ils ont inscrits jusqu’ici dans le tournoi, quatre l’ont été dans le dernier quart d’heure. Une marque de fabrique, qui n’a pas à voir uniquement avec l’incroyable endurance des joueurs, dont Sunday Oliseh délivre le secret : « On a eu des problèmes dans le groupe, comme n’importe quelle équipe qui se retrouve avec 22 hommes sous le même toit pendant huit semaines. Difficile de trouver la paix dans ce contexte. Mais lorsque l’on mettait un pied sur le terrain, en match comme à l’entraînement, il y avait cette unité… violemment présente. […] On était soudés. Le responsable de cet esprit d’équipe, c’était Jo Bonfrere. Parce qu’il nous a laissés vivre. » Le technicien néerlandais a remplacé au pied levé un Clemens Westerhof qui, s’il avait emmené le Nigeria dans les hautes cimes du football mondial au Mondial 94, était connu pour être extrêmement strict, au point de se mettre à dos une partie de la sélection, dont Yekini, Finidi et Amuneke. Bonfrere, plus compréhensif (sans doute plus permissif également), fera honneur à son patronyme lors de ces JO d’Atlanta.

Trois buts marqués en un quart d’heure contre le Brésil

Difficile dans cette situation de faire vaciller les Super Eagles. À la 78e minute du match, Ikpeba le Monégasque envoie un missile tiré aux abords de la surface dans le petit filet de Dida. 3-2, avant que Nwanko Kanu n’égalise dans les dernières secondes du match sur ce qui reste sans doute la plus belle action de football des Jeux olympiques de 1996 : longue touche d’Okocha dans les pieds de Fatusi qui glisse un petit pont à Ronaldo Guiaro et passe à l’attaquant de l’Ajax qui, dos au but, se lève la balle et la place au-dessus d’un Dida venu se jeter sur lui. Pas très esthétique, mais plein de malice. Le Nigeria va donc en prolongation. La suite, c’est Nwanko Kanu qui la raconte au site de la FIFA en 2013 : « En prolongation, il y a eu ce moment magique où j’ai dribblé, frappé et marqué le but en or. Après ça, il était clair pour nous que nous allions gagner le tournoi. »

Avant ça, il va falloir se débarrasser du seul obstacle qu’il lui reste à franchir pour atteindre le Graal : l’Argentine de Passarella. Dans ses rangs, l’Albiceleste compte déjà des brutes telles que Ayala, Chamot, Zanetti, Almeyda, Sensini, Claudio López, Simeone, Crespo, Ortega ou encore Marcelo Gallardo. Évidemment, comme s’il s’agissait d’une stratégie à part entière, le déroulé de cette finale pour les Super Eagles est peu ou prou le même qu’en demies. 3e minute : Piojo Lopez envoie une tête imparable dans la lucarne de Joseph. Vingt-cinq minutes plus tard, c’est Babayaro qui dépoussière la cage de Cavallero.

La première équipe africaine médaillée d’or aux Jeux olympiques

Cependant, un détail change par rapport au match livré face aux Brésiliens : les Nigérians ne subissent pas le jeu argentin et se jettent comme des morts de faim sur tous les ballons, même ceux qui s’apprêtent à sortir en touche… C’est d’ailleurs contre le sens du jeu, un peu avec chance, que l’Argentine va prendre l’avantage une nouvelle fois sur un penalty transformé par Crespo, après une faute pas forcément évidente de Taribo West sur Ortega. Mais il était écrit que les Super Eagles devaient remporter ce titre. Pas forcément de belle manière, mais avec du mérite. Dans un mélange de baraka et de talent pur, Amokachi envoie une magnifique louche dans la lucarne du portier argentin après que le ballon lui est tombé miraculeusement dans les pieds suite à une reprise de volée ratée de Kanu… Et quinze minutes plus tard, alors que Pierluigi Collina s’apprête à siffler la fin du match, Amuneke donne la victoire à son équipe, son pays, son continent sur une reprise au point de penalty, laissé seul après une tentative de jouer le hors-jeu ratée par l’Albiceleste.

Les Argentins ont beau crier au scandale – d’autres joueurs nigérians étaient bien hors-jeu – il est trop tard : le Nigeria tient enfin son titre mondial, une nouvelle fois d’un dernier coup d’épaule. « Nous n’abandonnons jamais, nous sommes africains » lâchera Jay-Jay Okocha en conférence d’après-match. Et pas n’importe quels Africains : les premiers à remporter l’or aux Jeux olympiques. « Je pense que c’est le point culminant du football nigérian pour la simple et bonne raison qu’on ne dépendait plus de l’Afrique » , relatera Sunday Oliseh. « Nous étions devenus les meilleurs dans un championnat senior mondial. Les médailles d’or, d’argent, de bronze, ce sont les seuls trophées que tu peux garder à vie. Tu es médaillé d’or à vie, tu n’as pas à la remettre en jeu quatre ans plus tard. » Bonne année 96, le Nigeria.

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