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Il y a vingt ans, Figo passait du Barça au Real

Par Antoine Donnarieix
5 minutes
Il y a vingt ans, Figo passait du Barça au Real

Le 24 juillet 2000, Luís Figo était l’élément central du transfert le plus sismique de l’histoire du football. Idolâtré au FC Barcelone, l’international portugais commet l’irréparable en signant au Real Madrid, grand rival du club catalan. Rétrospective d’une humiliation entrée dans la légende.

« Non, je ne veux pas parler de ce transfert de Luís Figo. » Au téléphone, Sergi Barjuán donne une réponse claire comme de l’eau de roche au moment d’évoquer le sujet toujours épineux de son ancien coéquipier au Barça. Si vingt ans ont passé depuis ce 24 juillet 2000, la pilule n’est visiblement pas encore avalée par les amoureux du club blaugrana. À vrai dire, elle ne le sera sans doute jamais. « Ce transfert, je m’en souviens encore comme si c’était hier, se souvient Jonathan, sociodu Barça. J’étais en colonie de vacances en Angleterre et il y avait un Madrilène supporter du Real dans le groupe. Quand la nouvelle est arrivée, je me suis fait troller dans tous les sens… Je n’arrivais pas à le croire ! » Et pour cause : le passage de Figo du FC Barcelone au Real Madrid est toujours ancré dans la mémoire collective comme un tremblement de terre indélébile. À raison.

Pérez, le coup double

Au début du mois de juillet 2000, Luís Figo sort d’une saison compliquée sur le plan collectif. Déjà victime d’une saison blanche avec le Barça, le numéro 7 du Portugal vient également de perdre une demi-finale d’Euro contre la France. Une défaite insuffisante pour faire oublier que le milieu offensif fait partie des trois meilleurs joueurs de la planète. Avec 14 buts et 17 passes décisives au compteur durant l’exercice 1999-2000 chez les Culés, Figo est un cadre du vestiaire élevé au rang de vice-capitaine derrière Pep Guardiola. Idolâtré par le Camp Nou à la fois pour son élégance balle au pied et sa rage de vaincre, Figo restait cependant un sacré loustic au moment de parler argent. « Figo était déjà un habitué des négociations intenses, se souvient Ángel Iturriaga, historien du FC Barcelone. Quand il s’engage au Barça, il avait auparavant reçu une interdiction de la FIFA d’évoluer en Italie, car Parme et la Juventus lui avaient fait signer un contrat tous les deux. »

Malgré cette mésaventure, Figo n’apprend pas de ce passé tumultueux et recommence à jouer avec le feu. Résultat des courses : son agent José Veiga organise un rendez-vous avec un certain Florentino Pérez, prochain candidat à l’élection présidentielle du Real Madrid prévue le 17 juillet. « Comme l’agent de Figo était convaincu que Pérez n’allait pas remporter son duel face au président sortant Lorenzo Sanz, ils se sont dit que signer un accord serait un bon moyen de mettre la pression sur la direction du Barça, décrypte Iturriaga. Cela permettrait d’augmenter son salaire de manière très conséquente. » Sur le plan sportif, le Real vient de remporter deux des trois dernières éditions de la Ligue des champions. Dès lors, comment vaincre l’intouchable Sanz ? Pérez possède la réponse et lâche sa bombe le 11 juillet : « Si vous me choisissez comme président, Figo sera un joueur du Real Madrid dans la foulée. » À Barcelone comme à Madrid, l’été s’annonce caniculaire.

Futre : « Avec les menaces de mort adressées à ses filles, Figo s’est mis à reculer »

Depuis son lieu de vacances à Olbia en Sardaigne, Figo est informé de l’arrivée à la présidence de Pérez, vainqueur des élections avec 55% des suffrages grâce à sa promesse politique fondatrice. Entre-temps, le Portugais a vu sa cote d’amour dégringoler en Catalogne. « Quand trois jours avant les élections, Figo a compris la situation dans laquelle il s’était fourré avec les menaces de mort adressées à ses filles, il s’est mis à reculer, explique Paulo Futre, proche de Figo et Veiga, dans l’émission El Chiringuito en avril 2018. Il a expliqué à son agent qu’il ne voulait plus aller au Real Madrid. Mais contractuellement, une clause rendait cela impossible : renoncer à signer au Real signifiait qu’ils devaient payer 35 millions d’euros de leurs poches. » Si Figo n’a jamais confirmé officiellement cette version des faits, le joueur évoque un an plus tard dans l’émission Universo Valdano de Movistar + qu’il devait « payer pour tous les abonnements des socios pendant un an » en cas de volte-face.

Au Barça, l’actualité se rythme aussi à travers la politique, puisque Joan Gaspart, vice-président sortant, et Lluis Bassat, publicitaire, s’affrontent le 23 juillet, soit une semaine après l’élection officielle de Pérez. Pour se donner un poids médiatique supplémentaire, Gaspart annonce à la veille de l’élection qu’il dispose d’une stratégie pour garder Figo à Barcelone. Coïncidence ou non, il est élu président du Barça. Mais cette fois-ci, la tentative de déstabilisation vis-à-vis de Pérez ne fonctionne pas, et le plan tombe complètement à l’eau. « Je n’avais pas une once de confiance en Gaspart, poursuit Figo. Il avait beau me promettre la lune, je n’y croyais pas. » De retour de vacances, la star lusitanienne débarque à Lisbonne le dimanche 23 juillet et ne se rend pas à Barcelone où elle est attendue le lendemain. Au lieu de cela, un montant de 10 milliards de pesetas (soit 61 millions d’euros, une somme record pour l’époque) est versé à la LFP pour rompre le contrat liant Figo au FC Barcelone. Le Portugais s’envole à Madrid et apparaît tout sourire entre Pérez et Alfredo Di Stéfano, maillot du Real floqué du numéro 10. Échec et mat.

¡ Adéu, Pesetero !

Honni par toute une ville qui s’apprête déjà à accueillir le paria lors du prochain Clásico, Figo récolte un surnom dans la presse catalane : El Pesetero (Le Pingre, en VF). Au centre géographique de l’Espagne, Florentino Pérez est tout heureux de recevoir sa première recrue phare de l’ère des Galactiques. « Bernabéu avait dit un jour : « Je vais agrandir le stade, car avec un stade plus grand, je pourrais acheter Alfredo Di Stéfano. » Je l’ai juste copié en expliquant que j’allais ramener les meilleurs joueurs du monde et que les recettes allaient exploser, évoque l’actuel président madrilène pour la BBC en 2017. C’était le capitaine du Barça, c’était comme arracher le cœur de nos paysans. Notre bénéfice annuel a triplé et nous sommes passés d’une balance commerciale négative à positive. » De son côté, le Barça recrute trois éléments pour compenser le départ du futur Ballon d’or : Gerard López au FC Valence, puis Emmanuel Petit et Marc Overmars à Arsenal. Le début d’un très long calvaire.

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Par Antoine Donnarieix

Tous propos recueillis par AD, sauf mentions.

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