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Il y a dix ans, Kalou offrait la Coupe de France à Auxerre

Par Florian Lefèvre
6 minutes
Il y a dix ans, Kalou offrait la Coupe de France à Auxerre

Le samedi 4 juin 2005, au Stade de France, l'Association de la jeunesse auxerroise et le Club sportif Sedan Ardennes disputent chacun leur cinquième finale de Coupe de France. Récit d'une soirée épique, à mi-chemin entre Tripoli, la Côte d'Ivoire, les Ardennes et la Bourgogne.

Le temps additionnel est déjà écoulé depuis une minute au Stade de France, mais Monsieur Derrien n’a toujours pas sifflé la fin de la partie. La faute, quelques instants plus tôt, à un choc dans les airs entre le portier sedanais, Patrick Regnault, et l’attaquant auxerrois, Bonaventure Kalou. Le temps pour Thierry Roland d’annoncer les modalités de la prolongation : « C’est un nouveau match qui commence » , assure le commentateur, appuyé par son acolyte, Jean-Michel Larqué, qui en profite lui pour narrer les résultats des joutes internationales. Sur son aile droite, Cédric Sabin a la vivacité du joueur frais, entré à l’heure de jeu. Lancé à quarante mètres du but bourguignon, le milieu de terrain repique intérieur, mais pousse trop loin son ballon. Il n’en fallait pas plus à l’AJA pour arracher la Coupe.

Un contrôle, un centre

En vieux briscard, Philippe Violeau récupère la balle et lance en profondeur Kanga Akalé. En une passe, la défense ardennaise est déboussolée. Un contrôle, un centre d’Akalé. Thierry Roland fait monter les décibels. Bonaventure Kalou surgit au premier poteau. Thierry Roland annonce déjà « BUT » . L’Ivoirien reprend l’offrande dans le bon timing et termine sa course comme le ballon : au fond des filets. Le virage bleu et blanc se lève comme un seul homme. Fusillé, Patrick Regnault reste à terre. Même pas le temps pour une dernière chevauchée de ses coéquipiers, le match se termine là. « Pourtant, j’ai l’impression qu’il n’y a pas eu de coup de sifflet, resitue l’Ardennais pure souche. Je me dis « on a peut-être encore une chance ». Dix ans après, c’est comme si le livre ne s’était toujours pas refermé. Il y a ce goût d’inachevé. » Les Rouges restent sur la pelouse dionysienne, ici et là en sanglots, pendant que les Blancs montent les marches de la tribune d’honneur. Sur le podium, Philippe Violeau et Yann Lachuer soulèvent chacun une anse du trophée Charles Simon.

Deux ans après, Auxerre regoûte à la Coupe de France. Pour Johan Radet, cette victoire ne pouvait pas leur échapper. « Ce match ressemblait au scénario contre le PSG (victoire 2-1, en 2003, ndlr). À part le but de Noro, ils ne nous ont pas mis en danger. En fait, je n’ai jamais vraiment douté, même si on se dirigeait vers la prolongation » , témoigne l’actuel entraîneur de l’équipe réserve de l’AJA. Même si, à choisir, celui qui débuta la finale avant de céder sa place à Bacary Sagna, préfère le succès contre Paris, sa « première Coupe (…) et en plus, on n’était pas favori » . L’homme se souvient aussi de « l’engouement au sein d’une ville qui aime le foot, toujours en bleu et blanc aux grandes occasions » . Une finale qui restera un grand souvenir, tout comme pour Regnault : « Je n’ai pas de regret, on a fait le match qu’il fallait. (…) Je me rappellerai toujours quand on a foulé la pelouse pour la première fois. Pour presque tout l’effectif, c’était une première. On était en costard, et là, on voit les trois quarts du virage vert et rouge rempli ; nos supporters étaient déjà chauds ! »

« Le match, on l’avait déjà perdu avant »

D’ailleurs, Patrick Regnault a une confession à faire : « Le match, on l’avait déjà perdu avant le coup d’envoi. » Pour lui, le sang-froid et les nerfs solides des Auxerrois ont fait la différence. « Pendant la Marseillaise, les images parlent d’elles-mêmes » , rembobine sans regret celui qui n’avait pas encore de cheveux gris. Alors que l’hymne national résonne dans le Stade de France – rebaptisé à l’époque « Paris – 2012 » pour appuyer la candidature parisienne à l’organisation des Jeux olympiques -, les Auxerrois gardent le visage neutre et les mains dans le dos. Déjà dans leur match, en somme. À la gauche du corps arbitral, les Sedanais saluent la foule avant de s’agripper par les épaules. Stéphane Noro a la tête dans les étoiles, le capitaine, Johann Charpenet, ne tient plus en place. Comme si dans l’inconscient des hommes de Serge Romano, fouler la pelouse dionysienne suffisait à l’aboutissement de leur épopée dans cette mythique compétition. Comme si, de David Ducourtioux à Nadir Belhadj, en passant par le jeune remplaçant Morgan Amalfitano, les Rouge et Vert avaient déjà gagné leur Coupe à eux. Après tout, ce n’étaient que des joueurs de Ligue 2, face à une formation alors abonnée aux places européennes de la première division.

En vrai, cette finale ne s’est pas jouée à 20h58. Ni même dans la soirée. En fait, il faut encore remonter le temps. 17h, la veille, à exactement 1 846 km d’Auxerre, au Stade du 11 Juin de Tripoli, en Libye. La sélection nationale locale reçoit la Côte d’Ivoire, pour le compte des éliminatoires de la Coupe d’Afrique des nations 2006, en Égypte. Les deux formations se quittent sur un score nul et vierge, mais un homme n’a qu’une idée en tête : quitter les lieux fissa pour monter dans l’avion spécialement affrété pour lui. Cet homme, c’est Bonaventure Kalou. Et sur le tarmac, Gérard Bourgoin, vice-président de l’AJ Auxerre, l’attend de pied ferme. À la demande de Guy Roux, le club a affrété un Falcon pour que son joyau ivoirien rejoigne ses partenaires bourguignons. « On avait tout préparé, témoigne Guy Roux. Le repas diététique, le kiné : pendant le vol, tout était mis en place pour qu’il soit dans les meilleures dispositions en vue de la finale. » Avec 72 minutes de jeu en sélection dans les pattes, Bonaventure Kalou rejoint le camp auxerrois en pleine nuit. À quelques heures du match le plus important de la saison pour son équipe.

« Tu auras l’impression d’être fatigué, mais tu seras le plus frais »

Mais l’expérimenté manager auxerrois osera-t-il privilégier l’ancien buteur du Feyenoord, en dépit de ceux qui se sont entraînés d’arrache-pied toute la semaine ? Guy Roux a la solution : « J’ai dit à Kalou : « Ne t’inquiète pas. Quand tous les joueurs auront une heure dans les jambes, je te ferai rentrer. Tu auras l’impression d’être fatigué, mais tu seras le plus frais. » Et c’est ce qui s’est passé ! » À la 72e minute, tandis que le score est nul (1-1, Stéphane Noro a répondu à Benjani), le capitaine, Yann Lachuer, salue le virage bleu et blanc avant de laisser sa place au numéro 15, Bonaventure Kalou qui affole d’entrée la défense. La suite, c’est un but décisif, une quatrième Coupe de France pour l’AJA et surtout la fin d’une époque. « Évidemment, quand Kalou marque, je suis content, raconte Guy Roux. C’est la dernière minute de ma carrière(deux ans plus tard, l’homme de 68 ans reprendra du service à Lens, ndlr)après quarante ans sur le banc de l’AJA. » Au coup de sifflet final de la rencontre, un joueur file au vestiaire. Il n’est pas sedanais, ni ivoirien. Comme Kalou la veille, Benjani a, lui aussi, un avion à prendre pour jouer avec le Zimbabwe. Et là aussi, Guy Roux a tout prévu. Deux motards sont chargés d’emmener son protégé à l’aéroport. Mais cette fois-ci, l’attaquant auxerrois n’attrapera jamais son vol et reviendra faire la fête avec ses potes quelques heures plus tard. Gérard Bourgoin n’était plus sur le tarmac, et l’avion avait déjà décollé.

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Par Florian Lefèvre

Propos recueillis par FL

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