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Il y a 75 ans, le FC Metz jouait en Bundesliga

Par Julien Emel
Il y a 75 ans, le FC Metz jouait en Bundesliga

Le 1er juillet 1940, la Moselle est officiellement allemande. Et naissait alors le funeste et funèbre Fussball Verein Metz, le FV Metz. Sale histoire, mais belle histoire.

Lorsque la guerre éclate en 1939, le FC Metz est déjà solidement ancré dans le paysage footballistique français. Professionnel depuis 1932, le club grenat, qui occupe un stade Saint-Symphorien de 10 000 places, compte déjà dans son actif une superstar et un exploit qui lui a attiré la sympathie de la France entière et de l’influente capitale : le 8 mai 1938, après avoir écarté Reims, Roubaix, Cannes et Fives, le FCM affronte au Parc le grand OM du duo Aznar – Kohut, et se révèle par son jeu léché aux yeux de la France du foot. La partie, épique, est marquée d’une injustice crasse : délesté d’un penalty pourtant flagrant, Metz est battu sur une frappe qui n’a jamais franchi la ligne. Il n’en faut pas plus pour que le public parisien prenne fait et cause pour les Grenats, sans effet. Autre temps, autre mœurs, le match sera rediffusé pendant une semaine sur l’écran du cinéma local… un match que n’a pas pu faire basculer Bep Bakhuys, l’attaquant hollandais aux 28 buts en 23 sélections, sorte de Van Basten avant Van Basten. Arraché quelques mois auparavant, libre, à Zwolle, le Bep aux grandes oreilles – son surnom – s’engage à Metz après avoir signé un contrat avec Reims et sera suspendu de coupe pour s’être vendu à deux clubs différents. Et hop, 5000 francs d’amende pour Lorrains et Champenois.

De la ligne Maginot à la Ligue allemande

Oui, mais voilà, quelques mois plus tard, l’heure n’est plus au football. La guerre éclate. Le destin de la Lorraine, en première ligne et ballottée entre France et Allemagne au gré des conflits, bascule une fois de plus. Et emporte les footballeurs grenats avec lui. Dès septembre 1939, le FCM se voit amputé de ses meilleurs joueurs (Flucklinger, Hibst, Marchal…), incorporés comme toute une génération au 162e RI d’infanterie de Metz, puis expédiés à Laval. Jusque mai 1940, il se voit condamné à disputer des séries de matchs plus ou moins amicaux contre des équipes des armées françaises et britanniques dans ce que la Fédération va fort explicitement baptiser une « saison sportive de guerre » . En gros, on joue au foot comme on peut pour garder un semblant de vie au milieu de la « drôle de guerre » , encore confiant derrière la ligne Maginot censée tenir les nazis à distance. Ce qui ne dure qu’un temps. Le 14 juin, Metz est déclaré « ville ouverte » . Le 17 juin, les troupes allemandes sont dans la cité, et le 29 juin, une antenne de la Gestapo y pose ses quartiers d’été. Le 1er juillet 1940, la Moselle est officiellement allemande.

Si le sort du FCM semble plutôt dérisoire dans ce contexte, le club n’a pourtant pas manqué de connaître lui aussi son lot de péripéties. Immédiatement, dans un souci de germaniser la région symbole gagnée, les Allemands imposent leurs prise de guerre : le Football Club de Metz change de nom pour devenir le Fussball Verein Metz, FV Metz, et se retrouve propulsé dans le championnat Gauliga Westmark, qui s’étend jusqu’à la Sarre et la région de Palatinat. Premier effet : la fin immédiate du professionnalisme, interdit en ce temps outre-Rhin. Entre les défections, les appelés, les morts et les exilés en France libre, la Fédération allemande se voit contrainte de combler les vides en envoyant une sélection de joueurs de chaque club renforcer les Grenats. Sportivement, le championnat marche par play-off : le vainqueur de chaque région monte à la capitale jouer le titre national de la Deutsche Meisterschaft en tournoi. À la surprise générale, Metz enchaîne les saisons avec les honneurs, finissant 3 fois de suite second, juste derrière Kaiserslautern puis Sarrebruck (de 42 à 44)… 1944 ou le dernier championnat sous régime nazi, puisque le déclin puis la chute du régime hitlérien vont mettre fin aux joyeuses parties de ballon rond.

De la croix gammée à la croix de Lorraine

Lorsque l’armée allemande bat en retraite, Raymond Herlory, historique président messin, entreprend de reconstruire immédiatement le club grenat. Le symbole est trop fort pour l’abandonner… Le siège du club pillé, les ponts explosés et le stade inondé vont obliger les dirigeants à faire l’impasse sur la saison 1944-45, mais les joueurs encore valides vont jouer le jeu : Bep Bakhuys et Gaby Braun vont, entre autres, accepter de chausser les crampons gratos. Le 7 janvier 1945, Metz retrouve officiellement la compétition en coupe, dans un contexte solennel, sur le terrain de Blénod. L’Est Républicain : « Après une longue et pénible séparation, notre Moselle revient à nous, puisque le FC Metz foulera dimanche prochain la pelouse du stade des Fonderies. Rencontre symbolique, nous précise la Fédération. Oui, certes, mais pour nous Lorrains, c’est encore bien davantage. C’est le renouveau définitif de notre fraternité avec notre voisine et sœur, notre bonne ville de Metz, dont on a voulu en vain nous séparer. » À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. La fédé tient à garder Metz à tout prix en D1 et lui accorde quelques privilèges : en plus d’être admis d’office en première div’, tout joueur sous contrat en 1940 avec Metz est rapatrié d’office chez les Grenats et, surtout, Metz sera maintenu quel que soit son classement pour les trois saisons à venir. Bien utile pour un club qui se traîne logiquement en fond de classement, mais qui sera prétexte à un geste de grande classe, celui d’offrir au Havre son privilège de non-relégation par solidarité. Sauvé de justesse avec sa 17e place, Metz voit alors naître son amitié toujours vivace avec les Normands. Le FCM est exhibé aux 4 coins de la France libérée jusqu’en 1950, avec une petite coquetterie patriotique : sur le maillot grenat est brodée la croix de Lorraine, symbole qu’il est encore, à ce jour, le seul club autorisé à porter.

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