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Il y a 45 ans, Nice et Bastia se livraient une véritable guerre

Par Florian Cadu, à Bastia
Il y a 45 ans, Nice et Bastia se livraient une véritable guerre

Le 10 avril 1976, il y a 45 ans jour pour jour, la haine entre Nice et Bastia atteignait son paroxysme au cours d'un huitième de finale retour de Coupe de France complètement fou au stade Furiani. Bombes agricoles, bagarres générales, attentats sur la pelouse comme en dehors, armes à feu... Retour sur une période dans laquelle Corse et Aiglons se détestaient au plus haut point, à une époque où les interdits étaient bien moins nombreux qu'aujourd'hui.

Des appels téléphoniques anonymes ponctués de menace, des séances d’entraînement sous surveillance policière, des alertes à la bombe, et… une explosion, au magasin de sport de Jean-Noël Huck. En avril 1976, juste avant la première vague d’attentats du Front de libération national corse sur fond de nationalisme naissant, les joueurs de Nice vivent un véritable cauchemar. La faute à un match de football complètement dingue où ils ont eu peur pour leur vie, et plus globalement à une haine féroce entre leur club et celui de Bastia. Pour comprendre l’ampleur de l’engrenage, il faut justement revenir sur cette rivalité bien plus que sportive.

Au milieu des années 1970, le Sporting et l’OGCN s’amusent à se détester depuis quelques saisons. Dès le 26 novembre 1972, au stade Armand-Cesari, une altercation entre Ilija Pantelić et Dick van Dijk se termine par exemple en envahissement de terrain. « Quand une rencontre arrivait, le contexte était toujours tendu, car c’était un derby. En Corse, il n’y avait que Bastia qui évoluait en Ligue 1. Et en même temps, tous les étudiants corses habitaient à Nice parce qu’il n’y avait pas encore d’université à Corte, rappelle Charles Orlanducci, défenseur bastiais de 1969 à 1987. Donc c’était le match de la Méditerranée, LE match du Sud-Est, avec sa pression et ses accrochages… » Petit à petit, l’hostilité réciproque s’installe définitivement et va crescendo. Jusqu’à l’année 1976, et une double confrontation aller-retour en huitièmes de finale de Coupe de France.

Il ne fallait pas agresser Džajić !

La première manche, d’abord, annonce la couleur. Le 6 avril 1976, les contacts s’avèrent rudes au stade du Ray. « Nous allons raquer les Corses avant d’aller chez eux, parce qu’on sait qu’on va être matraqué là-bas », dégaine même le capitaine Huck, qui en aura malheureusement pour ses propos un peu plus tard avec l’incendie de son commerce. Et effectivement, sous les yeux d’un arbitre plutôt égoïste niveau cartons, les deux stars visiteuses Claude Papi et Dragan Džajić sont prises pour cible. Le Yougoslave, adoré par les supporters corses et buteur à la 68e (troisième réalisation de la partie, dont le score final s’arrête à 2-2), termine ainsi blessé. Forcément, une bagarre générale s’ensuit, et deux rouges sont sortis par M. Konrath pour Paul-Ferdinand Heidkamp et Nambatingue Toko (dont les têtes se sont un peu trop rapprochées). Reste que cet épisode n’est qu’une douce bande-annonce du second duel, cette fois disputé en Haute-Corse où les Aiglons se savent plus qu’attendus. Notamment par des dirigeants qui leur promettent un « pâté de merles », et par la population bastiaise qui a toutes les armes en main pour intimider l’ennemi.

À l’aéroport, les insultes et les pétards démarrent leur tendre musique. Chez Walter, mythique hôtel de la région où même Zlatan Ibrahimović a dû dormir avec le Paris Saint-Germain, les bombes agricoles et les fusils entonnent leur couplet. Un simple comité de bienvenue, pour les Niçois. Qui, après cette courte nuit pas franchement rythmée par le bruit de la mer, prennent le chemin de Furiani le 10 avril. « D’habitude, le car nous laissait devant l’entrée des vestiaires. Là, surprise, le chauffeur s’arrête à 200 mètres du stade. Il se gare et nous demande de descendre. On a compris et on s’est dit :« Les gars, ça pue le guet-apens à plein nez » » , remet Huck. En essayant d’éviter mollards et caillasses, ses partenaires sortent du véhicule, et le crâne saignant de Josip Katalinski se fissure légèrement, alors que Roger Loeuillet manque de se faire voler sa valise. « J’avais l’impression d’être dans un western. C’était l’attaque de la diligence. Il y avait des Indiens partout, rembobine Pedro Ascéry. Le président Loeuillet criait« Police, police ! » » Réponse d’un stadier : « Ici, ce n’est pas la police qui fait la loi ! » « C’est sûr qu’il n’y avait pas la sécurité qu’il y a actuellement, chaque club faisait un peu comme il l’entendait », confirme le légendaire Orlanducci.

En infériorité numérique à cause de la trouille

Pari réussi, pour les amoureux du SCB : les Aiglons sont morts de trouille, avant même le coup d’envoi. Si bien qu’ils débutent… à dix contre onze, nombre d’entre eux ayant refusé de jouer par peur des locaux ! Selon les rumeurs, il faut même une intervention du boss du Sporting Paul Natali pour que la rencontre ait lieu, après avoir expliqué aux Niçois qu’une annulation du match serait synonyme de guerre insulaire. En infériorité numérique, l’OGCN prend alors le bouillon… Mais plus que l’homme en moins, c’est l’ambiance qui explique sa défaite 4-0. Bombes agricoles, œufs, projectiles divers et variés, injures, combat physique… Difficile d’affronter 8000 Corses assoiffés de revanche.

« Les supporters se déchaînaient, ils étaient incontrôlables. Ils créaient de toutes pièces une situation d’enfer, un climat d’apocalypse pour l’adversaire. C’est logique que les Niçois étaient effrayés : c’était fait pour ça, c’était le but ! Les bombes agricoles constituaient un classique, et à nos yeux, ce qu’il se passait était presque normal pour l’époque. Il y avait quelques amendes, mais rien de bien méchant, témoigne Orlanducci. Nous, les joueurs, on était pris dans l’élan. On essayait de faire la part des choses, mais c’est difficile de se retenir dans ce genre d’atmosphère. On ne nous faisait pas de cadeau sur le continent, donc on n’en faisait pas non plus à domicile. On faisait notre travail de gladiateurs, quoi ! Alors, l’engagement était total. C’était à celui qui dominait l’autre, par n’importe quel moyen. »

Retrouvailles & flingue

À la suite de ces incidents (qui n’étaient pas les premiers, à Furiani), l’événement fait le tour des médias, et la commission de discipline suspend le terrain de Bastia pour deux matchs de Coupe de France (plus une amende de 5 000 francs). Ce Bastia-OGCN est également annulé pour être rejoué sur terrain neutre, mais le score est finalement validé : apeuré par l’histoire d’Huck, notamment, le maire de Nice Jacques Médecin fait pression sur les dirigeants des Aiglons pour déclarer forfait.

De quoi calmer tout le monde, pour les retrouvailles de la saison suivante ? Pas vraiment, puisqu’une nouvelle baston générale revient en guise de refrain. « Jean-Pierre Adams aurait même vu un dirigeant pénétrer sur le terrain revolver au poing et venir menacer Katalinski. Les Corses, eux, accusent preuve à l’appui Roger Jouve », écrit La Nouvelle République. Vivement le retour du derby méditerranéen !

Dans cet article :
Le président de Pau peste contre la date choisie pour la reprogrammation de Pau-Bastia
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Par Florian Cadu, à Bastia

Propos de CO recueillis par FC, ceux de JNH et de PA tirés de Corse-Matin et RMC Sport

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