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Il y a 20 ans, Trapattoni s’embourbait à Cagliari…

Par Ugo Bocchi
5 minutes
Il y a 20 ans, Trapattoni s’embourbait à Cagliari…

Au milieu d'un CV plus que rempli, il y a neuf mois de trou. Mai 95 – Février 96. Trapattoni était alors en Sardaigne, à Cagliari. Une île sur laquelle de nombreux entraîneurs se sont cassé les dents.

« Pogba n’est ni Messi, ni Ronaldo » , « Buffon et Casillas seront décisifs » . Depuis son départ de la sélection irlandaise, Giovanni Trapattoni n’est pas vraiment au chômage, pas vraiment à la retraite non plus. Il fait dans la consultation. Il est devenu l’un de ces anciens entraîneurs à qui l’on demande presque tout sur tout. Et encore plus cette saison, puisque c’est celle du retour de la Juve au premier plan. Le Trap, c’est ce mec qui, malgré son âge avancé, reste toujours dans les parages parce qu’il s’ennuie tout seul chez lui. Et puis avec un palmarès comme le sien, ses mots ont toujours la cote. Et pour cause : C1, C2, C3, champion dans presque tous les clubs où il est passé… Bref, une bien belle carrière. Mais comme beaucoup d’entraîneurs, Giovanni a aussi un côté obscur. On ne parlera pas de son bilan à la tête de la Nazionale, non. Mais bien de son passage éclair à Cagliari. Le genre de souvenirs qu’on préfère généralement laisser sous le tapis.

Le revers de l’ambition

Tout démarre donc il y a 20 ans jour pour jour. Le 22 mai 1995. De Munich, où il a vécu une première saison difficile, le Trap s’engage avec Cagliari. Un club qui n’a plus rien gagné depuis des lustres. Mis à part la Serie C en 89 et une demi-finale d’UEFA en 94, rien de très flamboyant donc. En gros, l’habitué des grosses écuries passe du Ritz au bistrot du coin en un rien de temps. Une énorme surprise. Un défi de taille. D’ailleurs, à son arrivée en Sardaigne, les habitants sont fous. Les abonnements se vendent comme des petits pains. Les bus arborent le visage du nouvel arrivant avec un message d’espoir : « Fais-nous rêver Trap. » Pareil pour le journal de l’île, l’Unione Sarda. La dynamique est bonne. Excellente même. Voilà pourquoi Giovanni s’enflamme quand il fixe l’objectif de début de saison : « Je ne suis pas venu ici pour rester dans un parking, je ne poserai pas de limite cette saison. » En accord avec le président du club, Massimo Cellino, il vise donc l’Europe. Directement. Dès sa première saison : « Je ne suis pas un parieur, mais je n’ai pas l’impression de prendre tant de risques que ça. » Un peu comme dans Football Manager, espérer le haut du classement, ça a du bon. Ça sert à se mettre les dirigeants et les supporters dans la poche, à obtenir plus de marge de manœuvre concernant les transferts et les salaires. Mais à la seule condition de remplir ses objectifs.
Et ça, ce n’est pas gagné. Car les résultats tardent à venir. Trois matchs. Trois défaites. Le Trap commence mal, mais il ne s’en fait pas : « Je ne suis pas en danger. Nous allons remonter. » Et ce n’est pas faux. Après un nul face à la Juve, son équipe bat la Samp’ et Cremonese. L’espoir est de retour, mais pour une courte durée. Cette jolie série s’arrête net face à Bari et à la Roma. Ses performances en dents de scie le fragilisent : « Si le problème, c’est moi, je suis prêt à me mettre de côté. » Et son bilan à la mi-décembre est mitigé : le club est huitième. De quoi doucher l’enthousiasme ambiant : « J’ai fait une erreur à mon arrivée. J’étais habitué à entraîner des joueurs comme Platini. Alors forcément, j’avais du mal à me faire comprendre. Mais ça va mieux aujourd’hui. En fait, jouer l’Europe à Cagliari, c’est un peu comme remporter un Scudetto. » Mais rien ne se passe comme prévu. L’équipe ne marque pas. Ne gagne pas. Le jeu pratiqué est brouillon. Bref, Trapattoni n’arrive pas à imposer sa patte.

Message d’adieu

Finalement, le début de l’année civile 96 aura raison de lui. Deux défaites 4–0 contre Parme et la Lazio en moins d’un mois. C’en est trop. Il est d’abord placé sur un siège éjectable. Et quand Cagliari se rend au Stadio Delle Alpi début février, face à l’équipe de Marcello Lippi, son club de cœur, ça sent « le match de la dernière chance » pour Giovanni. Les Sardes n’existent pas sur le terrain. Ils se font bouffer par Del Piero, Vialli et Deschamps. Au final, Cagliari s’incline 4–1. Effectivement la défaite de trop.

Un jour avant ce match, Giovanni s’était exprimé quant à sa fragile situation : « L’équipe est comme moi : elle n’abandonne pas. » Quelques jours après, il fait parvenir sa démission (la version officieuse voudrait qu’il y ait été forcé). Quoi qu’il en soit, au centre d’entraînement d’Assemini, le Trap est pris au piège. Des journalistes bloquent les sorties et l’attendent au tournant. Il doit des explications et c’est avec beaucoup d’émotion qu’il adresse son message d’adieu à la ville : « J’ai essayé par tous les moyens de secouer les joueurs, avec des mots, des attitudes violentes. Mais je n’y suis arrivé qu’à moitié. Maintenant, il est l’heure de prendre une solution radicale : je pars à la veille de trois matchs abordables. Je pars de mon plein gré. Le groupe a besoin de sérénité, de retrouver le moral et la confiance. Quelque chose que je n’ai pas su lui donner. Des regrets ? Oui, j’en ai. Je regrette d’avoir promis l’UEFA et d’avoir échoué. Nous nous sommes peut-être tous trompés. Je me suis certainement plus trompé que les autres. Voilà pourquoi je pars. »
Son honnêteté est troublante. Touchante même. Il a échoué. Il le reconnaît. C’est rare venant d’un entraîneur de sa stature. Par la suite, Trapattoni retournera gagner des titres à Munich. Il sera remplacé par un ancien du club, Bruno Giorgi, qui finira 10e du classement. En gros, tout rentrera dans l’ordre. Mais cette situation n’est pas sans rappeler la présente : succession d’entraîneurs qui n’arrivent pas à imprimer leur style, supporters déçus et une inévitable chute en Serie B. Il y a 20 ans jour pour jour, deux décennies avant Zeman, Trapattoni connaissait donc sa première grosse période de lose. Comme quoi, ça arrive à tout le monde. Mais peut-être un peu plus à Cagliari qu’ailleurs.

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