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Il y a 20 ans, JPP claquait son dernier but en D1

Par Mathias Edwards
Il y a 20 ans, JPP claquait son dernier but en D1

Il y a vingt ans jour pour jour, Jean-Pierre Papin inscrivait son ultime but en première division. C'était sous les couleurs bordelaises, face au Toulouse Football Club. Et personne ne semble s'en souvenir. Pas même ses coéquipiers de l'époque.

Ce samedi 28 mars 1998, au Parc Lescure, on joue la 86e minute d’un Bordeaux-Toulouse qui n’a en apparence rien pour rester dans l’histoire du foot. Les Girondins mènent 2-1, grâce à un doublé de Lilian Laslandes, servi deux fois par François Grenet. Entré un quart d’heure plus tôt à la place de Wiltord, Jean-Pierre Papin choisit ce moment pour dribbler Teddy Richert, et mettre à l’abri les Girondins. Les 17 000 personnes présentes ce soir-là dans les tribunes ne le savent pas encore, mais elles viennent d’être soufflées par l’air glacial dégagé par la lourde page du football français qui vient de se tourner devant eux. Ce 197e but de « JPP » restera comme son dernier inscrit en première division.

Vingt ans plus tard, ses coéquipiers de l’époque avouent sans aucune honte qu’ils ne gardent aucun souvenir de cette rencontre comptant pour la 30e journée d’un championnat que Bordeaux bouclera en cinquième position. À la lecture de la feuille de match, François Grenet se souvient simplement qu’une fois n’est pas coutume, il avait évolué au milieu de terrain. Même ses deux caviars délivrés sur coup franc, puis sur corner, pour Laslandes, ne lui rappellent rien. Même son de cloche du côté de Johan Micoud et Élie Baup, à qui on tente de relater le scénario de la rencontre pour réveiller les souvenirs, en vain. Mais si ce but, que chacun pensait anecdotique à l’époque, est tombé dans l’oubli, tous gardent un souvenir ému du passage de l’ancien Marseillais en Gironde.

« Les grands attaquants n’ont pas le tromblon »

« Quand Jean-Pierre est arrivé à Bordeaux, j’ai vu débarquer mon idole, se rappelle Johan Micoud. Étant de Cannes, j’avais énormément suivi l’Olympique de Marseille lors de leurs formidables épopées européennes. Donc c’était magnifique de pouvoir jouer avec lui. Un véritable honneur. Et il a amené son idée du foot, sa force de travail. » Cet amour de l’effort, même à 35 ans, même avec une Ligue des champions, une Coupe de l’UEFA, un Ballon d’or et des titres de champion de France et d’Italie plein le short, c’est également ce qui a marqué François Grenet, qui plus que du joueur, se souvient de l’homme. « Il a été un exemple pour nous tous, au niveau de l’état d’esprit et de l’investissement, se remémore l’ancien latéral. Il a eu une influence énorme sur les jeunes dont je faisais partie, autant sur le terrain qu’en dehors. On connaissait sa réputation, on l’avait vu à la télé, c’était quand même un Ballon d’or.

Et on l’a vu débarquer à Bordeaux comme un gamin, plein d’enthousiasme et de joie de vivre. » Un plaisir que JPP communiquait à ses jeunes partenaires après les entraînements collectifs, lorsque sa soif de ficelles tremblantes n’était pas rassasiée et qu’il embarquait quelques gamins grâce à un discours qui faisait mouche à chaque fois : « Venez avec moi, on va bosser, on va faire des concours, c’est comme ça que vous allez progresser » , raconte Grenet, de la nostalgie plein la voix. « En fin de carrière, avec son Ballon d’or et son palmarès, il aurait pu se la couler douce. Aujourd’hui, on trouverait ça surréaliste. »

Cette passion pour le travail bien fait ne peut être dissociée de l’humilité qui caractérise les artisans du but, les besogneux pour qui la répétition des gammes sert de refuge contre le doute. « De toute façon, les grands attaquants n’ont pas le tromblon, assure Grenet. Que ce soit lui, Wiltord, Laslandes ou Pauleta, avec qui j’ai également joué, ce sont tous des super mecs, et tous des gros bosseurs. C’est pour cela qu’ils ont fait de telles carrières, il faut que les jeunes le sachent. » Depuis le bord du terrain, Élie Baup mesure à l’époque la difficulté que devait éprouver son vétéran, qui savait sa fin de carrière proche. « C’était un peu dur pour lui, parce qu’il n’était pas tout le temps titulaire.

Je lui promettais qu’il rentrerait régulièrement, que l’équipe avait besoin de lui, de son sens du but, de son adresse, parce que c’était toujours un buteur de très haut niveau. Il lui restait ses volées incroyables, son sens du but, sa détermination. Il était toujours obsédé par le but et les face-à-face avec les gardiens, qu’il travaillait. Pour lui, le foot se jouait dans la surface de réparation adverse. C’était un buteur incroyable. » « Têtes, reprises de volée, ciseaux retournés, tout y passait après l’entraînement, fouille Micoud dans ses souvenirs. Sur le terrain, il ne doutait jamais. Pour nous, les milieux offensifs, il proposait toujours quelque chose dans la profondeur, parce qu’il était tonique sur les premiers mètres, même en fin de carrière. Il avait toujours la volonté de recevoir le ballon, et ses appels-contre-appels étaient terribles pour les défenseurs. »

Un super mec en mocassins à glands

L’autre exercice auquel JPP s’adonnait quotidiennement après les entraînements faisait plus travailler les abdominaux que l’adresse face au but. Maître dans l’art du chambrage, l’ancien Bavarois avait trouvé du répondant dans le vestiaire bordelais, qui ne se formalisait pas au moment de mettre un gentil taquet à celui qui n’avait visiblement pas profité de son passage à Milan pour apprendre les rudiments de la classe vestimentaire. « Il se foutait clairement de comment il s’habillait, contrairement à nous qui suivions un peu la mode, rembobine en souriant François Grenet. Donc affectueusement, il nous arrivait de le chambrer là-dessus. Il se sapait avec des fringues que les partenaires du club lui filaient, même si ça ne lui allait pas, il s’en branlait et ça nous faisait marrer. Mais jamais avec dédain. On le respectait trop, on l’aimait trop. C’est une belle personne. » De cette garde-robe improbable, Johan Micoud se souvient particulièrement de mocassins à glands, que Grenet et Niša Saveljić avaient décrétés comme interdits dans un endroit aussi huppé que le vestiaire bordelais. « Il était super simple, à l’écoute de tout le monde, déconneur, alors qu’on aurait pu s’attendre à un comportement de star, avec son palmarès. C’est un mec bien. »

Le week-end après cette victoire face au TFC d’Alain Giresse, Jean-Pierre Papin fera trembler les filets adverses une dernière fois vêtu d’un maillot frappé du scapulaire. Ce sera lors de l’unique sortie de sa carrière au Stade de France, en finale de la Coupe de la Ligue, face au Paris Saint-Germain, en égalisant d’un coup franc magistral. Bordeaux s’inclinera aux tirs au but, avant de libérer en fin de saison son ancien combattant, qui quittera le monde pro après une pige de quelques mois à Guingamp, en Ligue 2. Vingt ans, putain.

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