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Il y a 14 ans, le « Tragico de Madrid »
En course pour un doublé aussi sexy qu'historique, les joueurs de l'Atlético Madrid savent d'où ils viennent. Leur ADN est celui d'un loser. Un éternel perdant en passe de prendre une revanche sur la vie. Une revanche sur une saison 1999/2000 restée dans les annales. Oui, il y a 14 ans, l'Atlético Madrid descendait avec une équipe plutôt sexy et après une défaite en finale de la Coupe du Roi. Flashback.
« J’ai ressassé, mais je crois que la saison était foutue quoi qu’il arrive. » Ce sentiment que rien ne va dans le bon sens, Veljko Paunovic l’a ressenti il y a quatorze ans. À cette époque, le Serbe a 22 ans et découvre la Liga avec l’Atlético Madrid. Un championnat qui sent bon la transition entre les années 90 et les années 2000. Une époque où Liga rime avec Djalminha, où Deportivo rime avec Donato et Songo’o et où Atlético rime avec Kiko, Oviedo et agios. Cette saison-là, le Vicente-Calderón la pensait belle. Il faut dire que le casting était réussi. Bejbl, Bajaja, Chamot, Capdevila, Hugo Leal, Valerón ou encore Molina. On parle là d’hommes qui ont fait la Liga d’hier. On parle là des derniers fous qui ont été taper le Real Madrid à Santiago Bernabéu (1-3) avant la bande de Diego Simeone. On parle aussi d’une équipe qui a planté un couteau dans le dos de ses supporters. Mais il n’y avait pas de sang. Car c’est de la lose qui coule dans les veines de cette équipe. Pour toujours.
« La saison était foutue avant ce pénalty »
Il n’y a pas eu de sang, mais il y a bel et bien eu mise à mort. Le calendrier indique la date du 7 mai 2000 et le stade Carlos Tartiere d’Oviedo est blindé. Bien avant Sochaux – Évian TG et aux antipodes d’une finale de Ligue des champions face au rival madrilène, l’Atlético Madrid joue sa peau en Liga. Sauf que la bataille à la vie à la mort tourne vite au fiasco. Losada ouvre le score pour Oviedo avant que Carlos Gamarra n’offre maladroitement un pénalty que Paulo Bento transforme pour faire le break après la pause. Une belle contre-performance étant celle qui laisse une place à l’espoir, les Colchoneros reviennent dans la partie. Capdevila réduit le score avant le début du show Jimmy Floyd Hasselbaink. En course pour le titre de Pitchichi, le Batave fou égalise d’un coup de boule puissant quelques minutes avant d’être fauché dans la surface. La fin du match approche et le destin de la maison madrilène est quelque part encore les pieds de Jimmy Floyd et les mains d’Esteban, portier d’Oviedo. La suite est un pénalty tiré fort, en plein centre du but, en plein cœur des fans de l’Atlético Madrid. Un hara-kiri qui condamne l’Atlético Madrid à deux journées de la fin et qui était probablement la seule chose dans ce bas monde capable d’ôter le sourire du visage de ce jouisseur de Hasselbaink.
« C’était un type incroyablement joyeux. C’était très rare de ne pas le voir arriver avec un sourire sur le visage. Là, dans le vestiaire, il était assis et il pleurait » se rappelle Paunovic. Hasselbaink rejoint d’ailleurs son ancien partenaire sur le côté inéluctable de l’échec madrilène cette saison : « Non, je n’ai pas pu sauver l’équipe. Ce pénalty est un moment que tu cherches à oublier. Mais la saison était déjà foutue avant que je ne rate ce pénalty. Je n’ai pas dormi de la nuit. » Pour la défense de l’homme qui dépucelait les lucarnes, il fallait bien plus que des grosses cuisses et des grands joueurs pour sauver l’Atlético cette saison-là.
Prison, salaires impayés et lose
« C’était une saison compliquée. Jesus Gil (le président, ndlr) est allé en prison cette année-là. Beaucoup de joueurs n’étaient pas payés. C’était très dur » se rappelle Hasselbaink. Condamné pour malversations et falsification de documents, le charismatique 28e président de l’histoire de l’Atlético Madrid laisse donc le club entre les mains de Luis Manuel Rubi, administrateur fiscal du club. Ce qui était un bordel organisé sous Jesus Gil laisse place à un bordel encore plus monstre qui vaut au club le surnom de « Tragico de Madrid » . Un club qui, pendant le séjour de son président en taule, trouvera le moyen de taper Oviedo 5-0 au Vicente-Calderón. Finalement libéré, Jesus Gil est accueilli par des milliers de supporters à sa sortie de prison et reprend le contrôle du club en avril 2000. Trop tard. Sans Ranieri, limogé au soir de la 27e journée, mais avec Radomir Antić, l’entraîneur qui a mené les Rouge et Blanc au doublé Liga – Copa del Rey en 1996, la tragédie financière et judiciaire prend une dimension sportive. Outre la relégation du club en fin de saison, les Colchoneros trouvent le moyen de perdre la finale de la Coupe du Roi face à un autre éternel loser : l’Espanyol Barcelone. Quatorze ans plus tard, Liga rime avec Thibaut Courtois et Diego Costa. À Diego Simeone de faire rimer ADN avec histoire ancienne.
par Swann Borsellino