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« Il ne faut pas ne laisser Mediapro partir sans rendre de comptes »

Propos recueillis par Pierre Rondeau
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Cédric Roussel, député LREM des Alpes-Maritimes, est le président du groupe d’étude « économie du sport » à l’Assemblée nationale. Très concerné par l’affaire Mediapro qui touche actuellement le football français, il mène, avec ses collègues parlementaires, une réflexion sur le sport de demain.

L’échec ne vient pas de la capacité du football français à se vendre et à se valoriser, mais à choisir la bonne offre et le bon modèle économique.

Vous étiez-vous, dès 2018, inquiété de l’arrivée de Mediapro sur le marché français et de la valorisation de la Ligue 1 à un milliard d’euros ?En 2018, je m’étais intéressé au sujet. J’étais concerné par toutes les conséquences que cela allait créer sur l’écosystème footballistique, tant au niveau de l’activité économique qu’au niveau de l’emploi et des interactions sur le sport amateur. La somme atteinte, les 1,153 milliard d’euros, ne m’avait pas directement choqué à l’époque. En discutant avec la plupart des acteurs, je n’avais pas constaté de crainte ou d’inquiétude. De même, par comparaison, les autres championnats européens se montaient à des chiffres comparables. Il fallait rajouter à cela la venue de Neymar dans notre Ligue 1, qui est elle-même attractive pour un certain nombre d’investisseurs étrangers, avec les Qataris au PSG ou les Américains à l’OM par exemple. Le milliard n’était donc pas, à mon sens, incohérent. Il y avait des faits positifs, et le prix allait de soi, en tout cas sur le papier. Il y avait le bénéfice du doute. Si ce projet avait fonctionné, le foot français en aurait largement profité, largement bénéficié et on ne pouvait pas restreindre par appréhension ou par peur. Le souci ne s’est donc pas posé, et ne se pose toujours pas ainsi, sur la valorisation. Si le contrat est respecté, personne ne remet en cause le milliard. D’ailleurs, pour la petite histoire, rappelez-vous qu’en 2018, lors de l’appel d’offres de la LFP, sur le lot 1, représentant l’affiche du dimanche soir, Canal+ avait proposé quasiment la même somme que Mediapro, avec un écart de 50 millions d’euros. On aurait parfaitement pu aboutir à un montant aussi élevé quels que soient les acteurs et les diffuseurs. L’échec ne vient donc pas de la capacité du football français à se vendre et à se valoriser, mais à choisir la bonne offre et le bon modèle économique.

Une chaîne de valeur entière est brisée, des emplois vont être supprimés, notamment parmi les journalistes, mais aussi des effets graves et dommageables sur le secteur amateur, sur la pratique et la médiatisation du football.

Que pensez-vous de la résolution de l’affaire et de l’accord de conciliation ?Lorsque nous avons commencé nos auditions à l’Assemblée pour enquêter et comprendre cette faillite malheureuse, Mediapro et Jaume Roures ont été les seuls à ne pas répondre positivement à notre invitation. Nous avons reçu tout le monde : des dirigeants de clubs ou de la LFP, mais aussi des économistes, des médias et des experts. Dans l’attitude, je trouve cela scandaleux de la part de professionnels de ne pas avoir honoré un contrat et de ne pas avoir respecté les procédures avec les parlementaires d’un pays. Et voir que maintenant, ils sont parvenus à négocier une sortie pure et simple du marché français, alors qu’au départ, ils étaient partis sur une renégociation à la baisse du contrat sur la seule saison actuelle, c’est un comportement irrespectueux, proche d’une position de bandit. Je condamne aussi cette attitude parce que la décision de Mediapro fait fi de toutes les conséquences directes et indirectes de l’économie du football. Une chaîne de valeur entière est brisée, des emplois vont être supprimés, notamment parmi les journalistes, mais aussi des effets graves et dommageables sur le secteur amateur, sur la pratique et la médiatisation du football. Idem avec les abonnés qu’on a tendance à oublier, alors qu’ils sont au cœur du système. Tout cela n’est pas pris en considération par Mediapro, ne serait-ce que dans leur communication pendant la procédure de conciliation. On ne les a pas du tout entendus sur ce sujet. Ce sont des méthodes brutales qui n’ont pas laissé la place à une discussion.

Les attitudes de Mediapro sont celles de voyous, ce ne sont pas de bonnes manières, et on ne peut pas s’arrêter là.

La conciliation à 100 millions d’euros entre Mediapro et la LFP vous semble-t-elle juste et légitime ?Il faut condamner cela, et je considère que cette résolution ne doit pas être considérée comme un solde de tout compte. Les 100 millions d’euros promis et négociés par Mediapro ne sont pas suffisants pour compenser les pertes créées par leur venue dans l’Hexagone. Je comprends parfaitement l’urgence de devoir récupérer rapidement les droits et repartir avec un partenaire solvable, c’est la survie des clubs professionnels qui est en jeu. Mais ce n’est pas suffisant. Maintenant, il faut activer tous les moyens juridiques et ne pas laisser Mediapro partir sans rendre de comptes ou s’expliquer sur leur échec. Je n’ai pas encore entendu Jaume Roures s’exprimer sur ce sujet, éprouver des regrets et s’excuser sur les conséquences de ses actes. Où est-il ? Que fait-il actuellement, alors que de nombreux salariés de la chaîne Téléfoot sont en train de préparer leur carton de départ ? Pour moi, les attitudes de Mediapro sont celles de voyous, ce ne sont pas de bonnes manières, et on ne peut pas s’arrêter là.

Comment réfléchir à la suite ? Faut-il imposer une régulation économique du football français ? De la mise en vente des droits de diffusion ? À échelle franco-française ou à échelle européenne ?J’ai envie de vous dire « tout ça en même temps ». À la fois, il faut laisser faire le marché et croire en une forme de régulation automatique, de rééquilibrage par les clubs et les acteurs directement. Mais il ne faut pas être naïf et penser que tout sera réglé après Mediapro. Le législateur doit aussi intervenir pour changer les règles et reconfigurer les règlements et les lois.
Premier point, et il me paraît prioritaire, celui sur le financement du football amateur et du sport amateur, à travers la taxe Buffet et l’Agence nationale du sport (ANS). Nous avions fait voter, lors du précédent PLF ( « Projet de loi de finances » ) un déplafonnement de cette taxe sur les droits TV à 73 millions d’euros. L’ANS avait donc, en prévision, construit son budget jusqu’en 2024 en se basant sur cette somme annoncée. Maintenant que les droits TV, avec le départ de Mediapro, vont s’écrouler, nous ne pouvons pas prendre le risque, encore plus à quelques années des Jeux olympiques de Paris 2024 et pour la survie des clubs amateurs, de réduire la voilure de l’agence. La somme promise doit être due. Les 73 millions d’euros seront payés quel que soit le nouveau montant des droits TV, jusqu’en 2024. En tout cas, c’est quelque chose, avec le groupe « économie du sport » que nous allons défendre à l’Assemblée. Ensuite, il faut repenser le format des appels d’offres, imposer plus de contrôles, plus de garde-fous. Nous ne pouvons pas prendre le risque de laisser de nouveau entrer un nouvel acteur sans exigence de garanties financières ou sans réflexion durable sur son modèle économique.Ensuite, avec tous les membres du groupe « économie du sport » à l’Assemblée, nous avons envie de poser les débats d’une régulation du football français et européen, réfléchir à la mise en place d’un salary cap, d’un plafonnement des salaires, mais aussi par un système de ratio, sur le budget et la masse salariale, parvenir à contrôler la course folle des transferts et les rémunérations des nombreux intermédiaires dans le circuit sportif. Profitons aussi de la crise pour penser à un avenir meilleur !

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Propos recueillis par Pierre Rondeau

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