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Il faut sauver le soldat Nolan
Nolan Roux retrouvera ce samedi, sous la tunique du FC Metz, un stade Geoffroy-Guichard qui l’a souvent raillé pour son manque d’efficacité lors de son passage chez les Verts. Une occasion en or pour clouer quelques becs et mettre fin à ce bashing lourdaud dont il est victime. Car Nolan mérite mieux que ça.
« J’aime bien Giroud, mais même Nolan Roux plante contre ces équipes… Soyons sérieux, y a cent fois meilleur en France » , analyse @M5Yass. « C’est marrant tous ces astéroïdes qui frôlent tout le temps la Terre sans jamais la toucher. C’est Nolan Roux qui les envoie tous non ? » , charrie @B1llou. « Falcao pourrait tirer à côté juste pour rendre hommage à Nolan Roux et consorts » , vanne encore @PinteAdrien. En jetant un œil sur les termes associés à Nolan Roux sur les réseaux sociaux, en tendant l’oreille dans les tribunes ou en lisant les commentaires dans les médias, on pourrait croire que le patronyme de l’attaquant du FC Metz sert d’indice pour différencier un bon attaquant d’une chèvre. Comme Charles Francis Richter pour la magnitude sismique ou James Watt pour la puissance des flux énergétiques.
Dugarry, Guivarc’h, Brandão ou Cheick Diabaté l’ont vécu avant lui, Nolan Roux fait partie de cette caste d’attaquants à qui on a (trop) vite accolé l’étiquette de croqueurs. La faute à de trop nombreuses occasions vendangées et de longues périodes de disette qui ont engendré des vagues de critiques négatives à son encontre. « Ce qui pose problème est son ratio occasion/but qu’il doit améliorer, reconnaît Alex Dupont, l’entraîneur qui lui a permis de percer à Brest. C’est vrai que c’est rageant, car il est souvent bien placé, mais il pèche trop souvent dans la finition. » Effectivement, le natif de Compiègne n’est pas une référence en matière d’efficacité, marquant en moyenne un but toutes les 239 minutes avec le LOSC, puis un toutes les 315 avec l’ASSE. Un rythme de croisière un brin faiblard pour un attaquant.
NR9 n’est pas qui vous croyez
Nous n’avons pas affaire à un goleador. Soit. Mais si on ne s’en tient qu’aux statistiques, un minimum d’honnêteté obligerait à reconnaître la régularité dont le garçon fait preuve depuis huit saisons déjà dans l’élite. Hormis le premier exercice avec un Stade brestois promu – où il claque tout de même six pions – et le dernier à Saint-Étienne rendu compliqué par ses relations avec Christophe Galtier, Nolan Roux a invariablement inscrit entre huit et neuf buts en Ligue 1. Sans compter ceux en coupes nationales et européennes. Certes, la barre symbolique des dix buts reste un plafond de verre sur lequel il continue de buter. Mais combien sont-ils, ces attaquants, à avoir pété les scores lors d’une petite saison avant de disparaître des radars ? Aujourd’hui, malgré toutes les crispations qu’il a pu causer à ses supporters, Nolan Roux est le cinquième buteur du championnat en activité avec 56 réalisations. Plutôt correct pour un mec qui serait le cauchemar des spectateurs placés dans les virages. Et si au lieu de s’acharner à lui demander de planter vingt buts en une saison, de le fantasmer en tant que pichichi, on pouvait enfin reconnaître Nolan Roux à sa juste valeur ?
Car Roux n’est et n’a jamais été ce chasseur au sang-froid obsédé uniquement par la cage adverse et les trophées individuels. « Nolan est un joueur mobile. Il crée de l’espace, il aime prendre l’espace libre, il a besoin du collectif pour s’exprimer, il a un gros volume de jeu et ne rechigne pas à bosser dès la perte du ballon » , énumère Alex Dupont. Des qualités que l’on prête souvent à d’autres attaquants du championnat, Edinson Cavani en tête, sans pour autant les affranchir des moqueries. Comme si pour compenser l’inefficacité, la volonté serait un moindre mal. Un procès qu’a du mal à comprendre Alex Dupont. « Je trouverai ça toujours injuste à partir du moment où le garçon donne toujours le meilleur de lui-même. De temps en temps, il a peut-être des attitudes qui laissent à penser qu’il baisse un peu les bras. Mais ce n’est pas la réalité. Quand il rate une occasion, ça lui trotte dans la tête. C’est un compétiteur et il s’en veut plus à lui-même qu’à la Terre entière. »
Metz, un nouveau tour de Roux
Pourtant, c’est bien cette Terre entière qui lui impose cette pression à chaque touche de balle dans la surface, prête à dégainer le tweet qui l’enfoncera encore plus. « Même si Nolan n’a pas besoin d’être cajolé, même s’il est un homme de caractère qui sait se faire respecter, il a besoin de sentir la confiance autour de lui » , assure Alex Dupont. Une confiance dont il n’a pas forcément bénéficié longtemps dans le Nord et encore moins dans le Forez. « À Brest, il était la « star ». Alors que dans ces clubs qui jouent les premières places, le costume était grand pour lui, reconnaît l’ex-coach finistérien. Après, les sifflets dans les tribunes, les propos de journalistes, ça fait partie de la vie d’un footballeur de haut niveau. Il faut savoir les accepter et se montrer convaincant. »
Et c’est tout l’intérêt de son arrivée au FC Metz cet été, où le projet semble taillé pour lui. En Moselle, Nolan Roux bénéficiera de conditions de travail plus optimales. Jouer le maintien comporte aussi pas mal d’attentes pour un attaquant, mais le staff et le public sauront se montrer plus patients avec lui, surtout s’il se montre décisif tous les trois matchs. C’est en tout cas l’avis de Bernard Zénier, ancien attaquant du club lorrain dans les années 1970 et 1980. « Metz a toujours été un club où des joueurs, notamment attaquants, se sont relancés après une passe difficile » , dit-il avec le cas Cheick Diabaté en tête. Au point de voir un Nolan Roux sans limite ? « Compte tenu du niveau actuel du FC Metz, ses débuts ne se passent pas trop mal. Je pense que c’est un garçon qui va apporter des buts et des points importants pour le maintien » , prédit Zénier, confiant. « Dès qu’on lui met un ballon exploitable devant le but, pour l’instant, il marque. Le problème, c’est que depuis le début de saison, il y en a trop peu qui arrivent. Tout est une question d’animation autour de lui. »
Le Roux de la fortune
Au sein de la pire attaque de Ligue 1, Nolan Roux fait ce qu’on attend de lui avec les moyens du bord. C’est lui qui a marqué le premier but de la saison face à Guingamp. C’est encore lui qui a aussi apporté la première victoire à sa nouvelle équipe à Angers. Sur deux têtes plongeantes, comme pour prouver sa détermination. Qu’importe que la poisse s’en mêle, comme sur ce penalty raté dans les derniers instants à Nantes, alors qu’il avait transformé sa première tentative avant que l’arbitre ne décide le faire retirer à cause de joueurs entrés dans la surface. « Dans un moment délicat pour son club, il ne s’est pas dégonflé. Ça montre qu’il a la personnalité et le caractère pour aller au-delà des dix buts » , positive Alex Dupont. D’autant que son association avec Matthieu Dossevi a laissé entrevoir des promesses, et qu’un duo avec Emmanuel Rivière pourrait être intéressant quand celui-ci sera remis de sa blessure.
Pour les soutiens de Nolan Roux, l’argument du contexte prend donc de l’épaisseur. Saint-Étienne, qui galère depuis des années à trouver son numéro neuf idéal, ne lui a sûrement pas offert toutes les conditions pour qu’il s’impose. « Son jeu, ses performances, vont lui permettre naturellement d’y arriver. Sans forcer, naturellement, faire des choses simples et réussir » , encourage Alex Dupont. « Pour lui, le déclic peut venir d’une frappe à 20-25 mètres, puisqu’il a une superbe frappe de balle. » Claquer une lucarne dans le Chaudron, c’est vrai qu’on trouve difficilement mieux pour faire voler en éclat les critiques.
Par Mathieu Rollinger
Tous propos recueillis par MR.