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Il faut sauver le soldat Edinson Cavani
De retour de blessure depuis la mi-octobre, mais placardisé par Thomas Tuchel qui lui préfère Mauro Icardi en pointe, l'Uruguayen joue les bouche-trous de luxe pour un entraîneur qui admet lui-même « n'avoir presque rien à lui donner ». Voilà qui semble bien présomptueux, au regard de tout ce qu'Edinson Cavani, lui, pourrait encore donner sans compter au PSG.
Sept misérables minutes. Voilà le temps que Thomas Tuchel a accordé à Edinson Cavani mercredi soir contre Nantes, un match que le PSG remportait deux buts à rien. Sept minutes dans une rencontre sans enjeu, ni pression, au sein d’une Ligue 1 dont la course au titre est une affaire qu’on pourrait estimer déjà entendue et conclue. Rien de tout à fait surprenant là-dedans : depuis son retour de blessure le 17 octobre, Cavani ne s’est vu offrir qu’une seule titularisation, contre Brest, le 9 novembre dernier. Et alors ? Alors, la chute est irrémédiable, inévitable, programmée, à en croire Thomas Tuchel lui-même, qui a poliment enterré vivant son avant-centre mercredi soir : « À mon avis, si on continue de jouer avec ce système, trois milieux et trois attaquants, on se retrouve avec trois joueurs extraordinaires pour ce poste de 9, Kylian, Mauro Icardi et lui. Je suis triste pour lui, parce que je n’ai pas la solution… Il n’a pas mérité ça, parce qu’il fait de supers entraînements, il est super professionnel… Mais pour le moment, je n’ai presque rien à lui donner. »
The substitute
Une sortie aux contours empathiques, mais surtout fatalistes, quant à la place qui sera désormais réservée au meilleur buteur de l’histoire du PSG. En pointe, Cavani ne serait plus désirable. Plus nécessaire. Ouste. Place à Mauro Icardi, sa qualité de finition hyperbolique, sa technique ciselée et sa raie finement travaillée. Cavani, cet avaleur d’espace un peu rustre, ce joueur d’instants éphémères qui préfère les buts en une touche de balle à la sophistication des redoublements de passes, ne serait pas fait pour ce monde-là. Trop balourd. Trop gauche. En attesterait son nouveau raté face à Nantes mercredi où, seul face au but après un service de Di María, l’Uruguayen manquait une demi-volée pourtant simple. Une maladresse face à la cage soi-disant rédhibitoire, que ses éternels détracteurs lui auront toujours reprochée. Alors, Edinson Cavani est-il fini ? À 32 ans, on serait tenté de penser que non. Voire carrément d’avancer qu’en le reléguant à un rang d’obscur remplaçant, Thomas Tuchel est peut-être en train de faire une bonne grosse bêtise.
Cavani comme point d’équilibre
À la source du problème donc, il y a d’abord un type, Mauro Icardi, qui comme Cavani, fait partie des tout meilleurs avants-centres de la décennie. Soit deux 9 pour une place, au sein du 4-3-3, système préférentiel de Tuchel. Soit. Ce qui n’empêche pas d’envisager un partage du temps de jeu qui pourrait être plus équitable entre les deux hommes. Moins clinique face à la cage, moins adroit dans les petits espaces que son homologue argentin, Cavani se distingue par son volume de jeu plus important, comme de par la qualité de ses appels. Surtout, sa contribution défensive est sans commune mesure avec celle de l’ex-Interista. Une caractéristique qui pourrait s’avérer cruciale pour le PSG, qu’on sait plombé par le manque évident d’efforts à la récupération de balle de Neymar et Mbappé, un déficit qui pourrait poser de nouveaux soucis en Ligue des champions cette saison. Ranger au placard Cavani, c’est donc possiblement réduire l’éventail tactique comme l’adaptabilité du PSG dans une compétition, la C1, où il fait toujours bon se doter d’un plan B de qualité.
Le reste est une affaire de chiffres et de lettres, de grands noms et de gros nombres, qui, comme souvent avec Cavani, parlent pour lui : 195 buts marqués avec le PSG, 50 en sélection uruguayenne et, contrairement à ce que sifflent certaines mauvaises langues décidément bien mal informées, une vraie faculté à répondre dans les grands rendez-vous. Ces dernières années, en huitièmes de finale de C1, Cavani a aussi bien marqué au match aller contre Chelsea en 2016, qu’au match retour contre le Real en 2018, ainsi que sur les deux rencontres contre le Barça en 2017, même si le PSG avait à chaque fois échoué à rejoindre les quarts de finale de la compétition.
Une seule solution, la manifestation
Quant à son évident manque de confiance actuel, il convient de rappeler que le numéro 9 parisien a traversé à plusieurs reprises dans sa carrière des moments de disette. Comme à Naples, où il restait muet en pointe six matchs consécutifs en Serie A lors de la saison 2012-2013, entre la 23e et la 28e journées. Résultat ? L’Uruguayen achevait son ultime exercice azzurro en enquillant onze buts lors des dix dernières empoignades du championnat, avant de filer en direction de Paris au mercato d’été. Un ultime signe, s’il en fallait, que Cavani, au-delà des considérations affectives que lui porte le public parisien, a encore des atouts à faire valoir à la pointe de l’attaque francilienne. Encore faut-il que Thomas Tuchel daigne lui distribuer quelques cartes devant. Sinon, il faudra peut-être que l’ex-Napolitain se résolve à ouvrir grand son gosier, pour pointer du doigt l’anomalie. La dernière fois qu’il avait publiquement râlé, c’était en 2014, pour légitimement se plaindre d’évoluer à un poste d’ailier qui n’était pas le sien. Presque six ans plus tard, celui qui est devenu la plus grosse gâchette historique du club de la capitale a une autre bonne raison d’esquisser un début de révolte, alors qu’aucun autre joueur depuis le début de l’ère qatarie à Paris n’a semblé autant aimer ou n’a mieux incarné le PSG que lui.
Par Adrien Candau