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  • Fiction – France – Jérémy Toulalan

Il faut oublier, Jérémy, tout peut s’oublier

Par Gabriel Cnudde & Eric Marinelli
4 minutes
Il faut oublier, Jérémy, tout peut s’oublier

Aujourd'hui, Jérémy Toulalan fête ses 32 ans. À cette occasion, Didier Deschamps, le sélectionneur de l'équipe de France, a décidé de lui rédiger une lettre pour le convaincre de revenir porter le maillot bleu. Parce qu'avec le milieu de terrain de l'AS Monaco, tout a toujours tourné autour des lettres.

NB : Ce qui suit est une fiction, et toute ressemblance avec des faits réels serait évidemment fortuite.

Mon cher Jérémy,

Je vais bien sûr commencer par te souhaiter un excellent anniversaire et une très bonne saison avec Monaco. Tu sais, c’est un club que j’apprécie énormément. 32 ans, déjà ! Je sais, on s’est beaucoup moqué de toi et de ton âge prétendu. Pas facile de porter les cheveux poivre et sel au quotidien, j’en sais quelque chose. Il faut dire que les avoir si jeune, c’est peut-être quelque chose qui t’a porté chance, finalement. Être vieux assez jeune, c’est plutôt une bonne chose, on a l’expérience des sages à l’âge des sots.

Je me souviens de ton premier match avec le FC Nantes. C’était contre le Bayern Munich, en Ligue des champions, le 23 mars 2002. Tu avais un potentiel énorme. Bien sûr, tu étais jeune, et j’étais à des années de m’imaginer que j’occuperais un jour mon poste de sélectionneur actuel. Tu avais déjà tout ce que tu possèdes aujourd’hui : un troisième poumon, un sens du placement irréprochable, des râteaux à la place des jambes et une qualité de relance incroyable. Et puis, tu avais déjà cette hargne, cette volonté de toujours donner le maximum, de toujours mouiller le maillot, comme dirait l’autre. Puis tu es parti à Lyon. Je dois avouer qu’à cette époque, je ne voyais pas comment tu allais pouvoir passer devant Diarra, mais il est finalement parti, te laissant grandes ouvertes les portes de la titularisation. Tu es monté en puissance, indéniablement. Tu es devenu un incontournable, un roc, un monstre.

En 2008, tout te réussit. Un doublé coupe-championnat, des sélections en équipe de France… Bref, tu es au sommet de ton art. Puis il a fallu que la Coupe du monde 2010 pointe le bout de son nez. Il a fallu que tu partes là-bas, en Afrique du Sud. Et il a fallu que ton conseiller te dicte cette lettre. Cette fameuse lettre ! Crois-moi, en France, personne n’avait jamais autant porté d’attention au genre épistolaire depuis Les Liaisons dangereuses, ce pavé qu’on étudie pour le bac. Mais c’est arrivé. Et tu en as pâti. Toi, plus que tous les autres. Et malgré tout, malgré ce tragique épisode, tu t’es accroché, et tu es resté concentré sur ton objectif principal : être un bon footballeur. Et c’est ce que tu es. Putain de Knysna. C’était pas ta guerre, Jérémy.

D’ailleurs, tu dois bien savoir que Bernès a tout manigancé en coulisses. Sans ça, impossible de faire sauter Domenech et pas de place ni pour Lolo ni pour moi. Tu sais bien que la Fédération a toujours fonctionné comme ça. Ce n’est pas à toi que je vais apprendre la chanson. Mais cesse donc de rester sur cet épisode, tu aurais pu faire ton retour en équipe de France depuis longtemps. Je t’assure qu’à chaque titularisation de Yohan, ma tristesse de ne pas pouvoir compter sur toi me brise le cœur. Qu’importe ce que croient savoir les journalistes et les bombes que tu as encore sous le coude. C’est de la gloire dont on parle, Jérémy. Avec ta carcasse grisonnante, aux côtés de Paul et Blaise, il ne fait aucun doute que nous remporterons l’Euro haut la main. Je t’en conjure Jérémy, accepte enfin de revenir. Je suis prêt à tout pour te convaincre, même à te sourire avec mes toutes petites dents.

Cette fois, pas d’avion à prendre, juste un simple tour de France. Et attention, sans se faire chier à se taper 10 000 bornes sur un vélo. On trouvera même une alternative pour ne pas prendre le bus, si cela te convient mieux. Tu auras presque l’impression de continuer la saison comme à Monaco. La vente aux enchères de l’effectif en moins. Même si Denis Brogniart sera bien là, ne panique pas, je te promets qu’il n’y aura pas de conseil éliminatoire à la fin. Je t’offrirai même un collier d’immunité pour te rassurer s’il le faut. Pourquoi pas sélectionner également un souffre-douleur comme Yoann Gour… non, peut-être pas quand même. Mais sache que je suis à l’écoute, Jerémy. J’attends de tes nouvelles très vite. Pour marquer l’histoire de l’équipe de France.

Il faut oublier. Tout peut s’oublier. Qui s’enfuit déjà, oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment, oublier ces heures qui tuaient parfois à coups de pourquoi le cœur du bonheur.

La Dech’ (aidé de Jacques Brel)

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